Les fabricants de modèles réduits se sont adaptés aux modes et aux désirs de leur clientèle. Si le début des années 60 a vu émerger une forte demande pour les bolides de course, la fin de la décennie a vu apparaître un phénomène nouveau, celui des voitures de « style ». On parlerait aujourd’hui de design automobile.
Ces autos étaient sensées montrer au public ce que serait l’auto de demain. C’était une époque où les automobiles devaient faire rêver. Cette vision de l’automobile vient des États -Unis où dès les années 40 les constructeurs ont su mettre en appétit une clientèle toujours friande de nouveautés. Ainsi, à partir du milieu des années soixante, chaque salon de l’auto, particulièrement celui de Paris, mais également celui de Genève, était le prétexte à une débauche d’exercices de style. Tous les bureaux de style italiens étaient sur le pied de guerre. L’on vit ainsi, jusqu’à la première crise du pétrole, une multitude de carrosseries extraordinaires. La devise semblait être « toujours plus ».
Les fabricants de jouets ne pouvaient pas rester insensibles à ce phénomène. Ils se devaient d’offrir à leur jeune clientèle ces exercices de style. On devine cependant la difficulté rencontrée par les industriels : comment amortir un outillage alors que l’on ne pourra pas proposer d’autres versions à partir du moule créé ?
Solido va, encore une fois être en avance sur les autres fabricants. Le catalogue 1970 annonce la couleur. Sur la couverture, un joli dessin de Paul Bracq, célèbre styliste automobile, montre une auto sportive, à quatre places, dessinée de profil. Elle ressemble à une Lamborghini Marzal qui aurait été équipée de portes classiques. Au dos de la couverture, une photo présente des dessins tout droits sortis d’un bureau d’étude et des maquettes signées Paul Bracq. La signature apparaît clairement sur le document. En légende de la photo, le catalogue annonce qu’en « nouveautés mondiales » Solido va proposer deux coffrets pour apprenti styliste. Le coffret « style 80 » comporte selon la légende : table de travail, portique de traçage, châssis mannequin, outils spéciaux, jeu de gabarits, notice détaillée, plan complet, cire spéciale. Le tout est rangé dans une boîte mesurant 38,6 cm sur 48,6 cm. Il est intéressant de voir que ces dimensions correspondent à celles des coffrets PL4, Major III ou artillerie B. Il y avait une logique de standardisation. Au vu de la liste annoncée, faire entrer tous ces objets dans ce coffret semble un tour de force ! On remarque que le second article de la série, intitulé « accessoires n°1 » ne comporte pas de dimensions.
On peut imaginer que M. de Vazeilles a été attentif à l’intérêt croissant du public pour ce type d’automobiles et y a vu l’occasion d’être encore le premier à proposer un nouveau produit. En demandant à Paul Bracq, styliste français reconnu, de collaborer à cette aventure, il avait fait le bon choix. Ce dernier est l’auteur du dessin de l’intemporelle Mercedes 230SL pagode et aussi des premières BMW 320,520, 630 et de la BMW Turbo.
Le projet était séduisant mais somme toute irréaliste. On ne transforme pas n’importe quel gamin en apprenti styliste. Par ailleurs un enfant bricoleur, débrouillard et imaginatif pouvait avec de l’Araldite et du Sintofer s’affranchir de ce coffret. Cette fois, M. de Vazeilles avait vu trop loin.
Bertrand Azema a réussi à sauver deux autos sur les trois qui figurent sur le catalogue. Celle de couleur bleue, sur le portique est en fait la même que celle de couleur turquoise, mais tronçonnée en deux. Ces autos sont sculptées dans du bois et peintes. Celle de couleur rouge manque à l’appel. Si vous observez bien la photo, on peut reconnaître les formes et la couleur de la fameuse future BMW Turbo de 1972 de Paul Bracq.