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Un intérieur cossu

Un intérieur cossu

En 35 ans de métier, j’ai eu l’occasion de constater un certain manque d’ouverture d’esprit de la part de certains collectionneurs. Cet état de fait est certes compréhensible. La collection est un acte individuel. Aucune collection ne ressemble à une autre et c’est tant mieux. Cependant, chaque collectionneur pense souvent détenir la vérité, celle de sa collection. .

 

Mon ami Charles, collectionneur averti de Dinky Toys qui connaissait comme nul autre les variantes des séries 24 et 25 partageait un certain nombre de mes goûts de collectionneur. Mais il a pu parfois être déconcerté par mes choix et mon intérêt pour un jouet en plastique ou en carton.

Je me souviens comme il était perplexe devant certaines miniatures comme ces petits « Peugeot » fourgons en plastique, il ne comprenait  pas mon choix.

Certains collectionneurs sont plus ouverts, ils ont une approche différente, ils sont plus curieux. Mais la curiosité se cultive.

Cette incompréhension se rencontre également entre amateurs d’une même marque de miniatures qui peuvent collectionner de manière très différente.

Ainsi, quand M. Gougeon et quelques autres se sont lancés dans les variantes de numéros de capots, cela a pu déclencher des moqueries.

Et pourtant, ils sont désormais plusieurs à rechercher les numéros de production des boîtes. Il faut expliquer ici que l’imprimeur identifiait sa production en laissant un numéro sur le rabat ou le retour de languette de certaines boîtes.

Quand ces numéros existent, ils aident à mieux appréhender la production de certaines variantes. En effet, ils correspondent toujours à une période bien précise de la production. Les numéros changeaient quand il fallait réimprimer une autre série de boîtes. Ainsi, on peut dater des variantes de châssis, de jantes et même de pneus. Je trouve cela intéressant car c’est un moyen d’être plus rigoureux dans les affirmations formulées sur les variantes.

A titre personnel je ne collectionne pas les variantes de numéro de boîte, mais je trouve que cela mériterait un livre. On imagine la liste des numéros avec la variante exacte de couleur, de jante, de pneu, ou de type de châssis.

Pour ma part, je me suis arrêté aux variantes que l’on peut identifier au premier coup d’œil, par exemple les nuances de couleurs, ou les formes de jantes. Ainsi dernièrement, le hasard des trouvailles et la loi des séries m’ont permis de mettre la main sur plusieurs variantes de couleurs d’intérieur de Chrysler New Yorker.

Le modèle de base est fini en rouge avec un intérieur ivoire. La teinte est particulièrement  harmonieuse. Elle est très fréquente. Durant sa production, la nuance de rouge de la carrosserie va s’éclaircir, passant d’un rouge très foncé à un rouge clair en fin de production.

Et vous avez peut-être entendu parler de la variante à intérieur rose ? Cette étrange couleur a suscité deux explications. Selon la première, à l’usine, lors de la production de cette série, l’ouvrier préposé au pochoir n’aurait passé qu’une couche de peinture ivoire sur la caisse intégralement peinte en rouge, au lieu des trois ou quatre nécessaires. Une seule couche et les sièges apparaissent rose bonbon. Deux couches et l’on obtient une sorte de vieux rose. Trois ou quatre et c’est la teinte que vous connaissez tous : l’ivoire. Cette explication nous semble peu plausible car l’application de plusieurs couches de peinture aurait exigé des temps de séchage intermédiaires incompatibles avec une production de très grande série. La seconde explication convainc davantage : ces nuances proviendraient du niveau de dilution de la peinture blanche, la quantité de diluant jouant sur son pouvoir couvrant et son opacité. Des fonds de pots de blanc ont pu être ainsi excessivement allongés pour faire face à un manque de peinture… Les tableaux de bord, peints à part sur du matériau brut, restent toujours blancs, intérieur rose ou pas.

Quoi qu’il en soit, il n’y a pas eu volonté de la part de Meccano de créer un intérieur rose. Cela tient juste à une finition bâclée ou peut-être à des « économies de bouts de chandelles »..

On y accorde l’importance que l’on veut. Ces variantes, appelons les « économiques », sont tout de même peu fréquentes. Pour être complet, je les ai trouvées aussi bien en jantes concaves qu’en jantes convexes ce qui prouve qu’elles ne correspondent pas à une période très précise de la production. Il apparaît juste que la première teinte, le rouge foncé, n’a jamais bénéficié de cette finition « économique ». La rigueur et la qualité de fabrication se sont amenuisées avec le temps.

Il existe une autre variante que je viens juste de découvrir et qui m’a servi de prétexte à cette chronique. Dernièrement chez un confrère, j’aperçois une New Yorker. La couleur de l’intérieur me surprend et je pense d’abord à un intérieur repeint. Très rapidement, je m’aperçois qu’il n’en est rien. Il s’agit de la couleur du pavillon beige de la Studebaker Commander finie en orange. Je n’avais jamais vu cette variante.

Peut-être restait-il de la peinture de cette teinte sur la chaine de fabrication, la programmation de la Chrysler succédant à celle  de la Studebaker, on aurait fini ainsi le fond de peinture. C’est juste une hypothèse.

Si vous ajoutez la variante de jantes, convexes sur les premiers exemplaires puis concaves tout à la fin de la production, cela vous fait huit exemplaires finis en rouge à chercher.

Si vous rajoutez les variantes de boîtes, je n’ose plus calculer.

Signalons que le modèle équipé de jantes concaves est peu fréquent. C’est logique. Le modèle était en fin de carrière quand il a été équipé de jantes concaves et le public avait déjà oublié cette belle auto au profit des Saratoga et autres Thunderbird.

Je ne pouvais vous parler de la Chrysler New Yorker rouge et ivoire sans vous signaler la couleur inversée : ivoire et rouge. Comme pour la Simca 8 sport, déjà vue précédemment (voir l’article sur la Simca 8 sport) les deux schémas de peinture ont été réalisés.

Meccano a utilisé sa palette de couleurs disponibles, ici son rouge typique et son ivoire, se contentant d’inverser l’ordre entre la carrosserie et l’intérieur. Le résultat est magnifique. Au final cela donne deux autos qui semblent très différentes. Il dût être bien difficile pour la direction de trancher.

Finalement, la Chrysler sera rouge et la Simca ivoire. Il nous reste ces pré-séries, témoins exceptionnels de cette période. Elles sont finies au pochoir comme celles de série. Je connais au moins deux exemplaires de cette Chrysler New Yorker.

Nous possédons un autre essai qui fut sans suite, également fini au pochoir. Donc, là aussi une petite série a été faite. Elle emprunte le bleu nattier de la Peugeot 403.

J’ai commencé avec le modèle fini en rouge, le plus fréquent.

Je finis par celle par qui tout a commencé : le prototype en bois, pièce unique. Le pare-brise a été égaré. Il sera réalisé en série injecté en plastique cristal ce qui était une première chez Dinky Toys France.

On comprend bien que le bureau d’étude voulait montrer à la direction ce pare-brise séparément. On peut rapprocher ce modèle d’une autre américaine que je vous ai présentée récemment: le prototype de la Packard Clipper qui lui avait un pare-brise plein Le bureau d’étude de Liverpool n’avait pas pris le soin de créer deux parties et avait présenté un modèle monobloc. (voir l’article  avec le prototype de la Packard Clipper).

 

Dinky Toys Ford bâchés

Le Ford Poissy de mon père

Mon père est né le 2 septembre 1939, la veille de la déclaration de guerre et non le jour même comme il me l’avait toujours affirmé en abusant de ma crédulité enfantine, ce qui m’a valu en outre de mauvaises notes en histoire de France. Il sera un enfant de la guerre. La boutique de ses parents sera détruite et sa famille continuera à exercer son activité dans un baraquement de fortune. Son père sera fait prisonnier, tôt dans le conflit.

avec sa boîte de conditionnement
avec sa boîte de conditionnement

Son histoire ressemble finalement à celle de beaucoup de français. Enfant, il n’aura eu que très peu de jouets : un camion de pompiers Vébé et des soldats Quiralu. Il faut dire que dans un contexte aussi difficile les familles avaient d’autres préoccupations que d’acheter des jouets à leurs enfants. Ainsi, au milieu des années soixante-dix, peut-être pour compenser un manque, il a commencé à s’intéresser au train électrique. L’intérêt pour les petites voitures est venu après, sans doute à mon contact et à la suite de la passion des petites autos que j’ai très tôt développée. Il était fort logique que sa préférence aille aux véhicules de sa génération, ceux qu’il avait contemplés devant la vitrine du marchand de jouets à Compiègne de Monsieur Remy, électricien de son métier et dont le magasin se trouvait au début de rue de Pierrefonds. Lorsqu’ils ont en main un Dinky Toys des années 50, les collectionneurs ont tendance à oublier à quel point ce jouet était difficile à acquérir en tant que tel, et combien la Dinky Toys offerte à un enfant était un précieux présent. A cette période, les jouets étaient encore réservés à une minorité. Ainsi, la plupart des camions de la série 25 qui nous sont parvenus sont des invendus et c’est pour cette raison qu’ils ont été préservés !

Au milieu des années soixante-dix, c’est en toute logique que mon père va s’intéresser à la série 25 de Bobigny et qu’il va entreprendre de rassembler les modèles de cette série, bien aidé en cela par le livre de Jean-Michel Roulet qui détaille la moindre variante, les couleurs et les différents types de moules. Très vite, nous en avons rassemblé un certain nombre.

Ford bâchés 25 J roues zamac
Ford bâchés 25 J roues zamac

Quelques modèles se sont distingués par leur rareté. Si les camions Ford avec des publicités (25 JJ et 25 JB) et les Studebaker Tapissières (25 L) ne nous ont posé aucun problème, les camions Ford bâchés (25 J) et les Studebaker Maraîchers (25 K) se sont révélés introuvables. Il a fallu attendre plusieurs années avant de trouver notre premier 25 J ! (voir les Ford entrepreneur )

Chaque collectionneur se forge son indice de rareté à travers sa propre expérience. Jean-Michel Roulet intègre bien cette relativité lui qui évite, à l’inverse des catalogues de salle des ventes, d’émailler ses textes de superlatifs.

Cette expérience nous a conduit à mettre tout en œuvre pour acquérir les camions Ford bâchés qui se présentaient sur le marché, car nous savions combien la difficulté pour en réunir était grande. Au bout de 35 ans, nous en comptions onze.

Notre ami Charles qui tient souvent la boutique en mon absence et qui est de la génération de mon père est incollable sur ce sujet. Il m’a appris à distinguer les variantes de moule.

Ainsi, le 25 J présenté ce jour a eu une existence éphémère. Il s’agit d’un camion entrepreneur (25 I) équipé d’une bâche en tôle. La version sans publicité n’a pas eu un grand succès. La raison est simple : peu de temps après sa sortie, Dinky Toys a proposé deux jolies versions sur la base du camion bâché, aux couleurs de « Calberson » et de la « SNCF ». Ces derniers, bien que vendus un peu plus cher que la version bâchée sans publicité ont eu toutes les faveurs des jeunes acheteurs. La conséquence de ce succès fut l’arrêt de la version sans publicité. Elle ne connaîtra donc que le premier moule, avec le crochet arrière moulé en zamac avec la carrosserie. Il ne peut donc y avoir, comme le précise Jean-Michel Roulet de camion bâché avec un crochet rapporté en tôle. La version connaîtra cependant une évolution. Elle sera équipée de jantes en zamac peintes avec des pneus en caoutchouc. Ces versions de courte durée, qui annoncent le second moule sont les plus difficiles à se procurer. Charles, qui adore ces modèles, va plus loin dans la précision et propose l’analyse suivante.

avec ou sans renfort sur le pare chocs
avec ou sans renfort sur le pare chocs

Les premiers exemplaires du camion sortis des chaînes de Bobigny ont un pare-chocs non renforcé. Il semble que le modèle ait rapidement présenté une faiblesse, ce qui a contraint Bobigny à le renforcer par le dessous. En retournant le modèle, on constate l’existence d’une lèvre de zamac. Ce renfort est également visible sur le camion brasseur (25 H). Ce détail permet aux puristes de distinguer la première série de la seconde,et qu’en fonction de la présence ou de l’absence de cet appendice, des nuances importantes apparaissent dans les couleurs. Les bleus et les rouges sont très différents. Selon Charles ce détail détermine les combinaisons des couleurs de bâche pour les camions rouge ou bleu. Les combinaisons que nous vous présentons sont authentiques.

Je dédie ce texte à mon ami Charles, en le remerciant pour tout ce qu’il m’a appris.