Le salon Rétromobile a beaucoup évolué au fil des années. Il a perdu une partie de la magie et de la bonne humeur qui y régnaient. Pourtant, de temps en temps, il peut encore favoriser de belles rencontres.
La scène se passe au déballage, le mardi précédant l’ouverture au public. Au hasard des allées, je rencontre Jean Liatti. Je connais ce dernier depuis 1976, date à laquelle il est entré en qualité de maquettiste à la Boutique Auto Moto. A l’époque, pour convaincre les éventuels acheteurs de kits de modèles réduits, il fallait pouvoir présenter le produit fini. Grâce à son talent, Jean Liatti pouvait transformer un modeste kit John Day ou Mini racing en une superbe miniature dont chacun aurait aimé être propriétaire. Il formait avec son compère Jean-Claude Poussin un duo haut en couleur. La productivité n’était pas leur souci principal. Tant et si bien que les patrons de l’époque durent dissoudre le duo d’artistes. L’ami Jean créa sa marque, Nestor. C’est ainsi que ses amis l’avaient surnommé, trouvant quelque ressemblance entre sa silhouette et celle du valet de chambre du capitaine Haddock. Sa production porta sur les débuts de la marque Chaparral. Il livra ainsi aux connaisseurs de superbes miniatures fidèles et détaillées. La quantité produite était faible et la demande importante. Cela demeura du travail d’artiste. Ainsi, sa rencontre dans les allées me fit grand plaisir et je m’empressai de prendre de ses nouvelles.
C’est alors qu’une autre de mes connaissances fit son apparition. Il s’agissait de Francis Reste. Ancien journaliste auto à l’Equipe, ce dernier me fut présenté, il y a longtemps par Jean-Marc Teissedre, journaliste à Auto Hebdo, co-auteur chaque année du livre sur la dernière édition des 24 Heures du Mans, et, coïncidence, ancien patron de Jean Liatti. Outre son attachement pour la course automobile ce dernier, comme Francis Reste a une passion pour les poids lourds anciens et leur reproduction en miniature.
Après les présentations d’usage, la conversation dévia sur la Ferrari 330P4 qui venait juste d’arriver au salon Rétromobile et que Francis Reste s’apprêtait à aller voir. Chacun y allait de son anecdote savoureuse. Jean Liatti, en connaisseur, commença à énumérer les numéros de châssis des P4 fabriquées alors que Francis Reste et moi-même retracions la saison 1967 de cette auto.
Jean Liatti, déjà supporter de la marque Texane, s’était installé devant le stand de la Chaparral pour le départ. C’était sa première expérience de spectateur d’une course automobile, il avait 11 ans. Il en a d’abord gardé un souvenir sonore : le grand silence deux minutes avant le départ, quand le speaker de l’époque, Jean-Charles Laurens égrénait le compte à rebours, puis le bruit lourd du baisser de drapeau, immédiatement suivi du claquement des bottines des pilotes s’élançant sur l’asphalte vers leur auto. Enfin, le bruit assourdissant des moteurs. S’agissant du spectacle, notre ami mit plus d’une heure à comprendre comment regarder les bolides. A l’époque, il n’y avait pas le ralentisseur au début de la ligne droite des stands. Lancées dans cette ligne droite depuis Maison Blanche, les autos arrivaient à une telle vitesse qu’il était impossible de les fixer du regard. En fait, l’emplacement devant les stands permettait surtout d’admirer le départ et les arrêts au stand , qui sont assez rares juste après le départ. Francis Reste était lui aussi enfant. Pour qu’il puisse jouir confortablement du spectacle, son père l’avait installé sur un petit escabeau, près du restaurant « le Welcome », à l’intérieur de la courbe Dunlop. Le départ de la vrombissante Ford MK2 bleu pâle Nr57 suivie de la Ferrari 412P de Pedro Rodriguez parties en tête le déstabilisèrent et il tomba de son piédestal. Il est vrai que le départ de toute compétition automobile est un moment à part, et celui des 24 heures du Mans sûrement l’un des plus impressionnants.
Pour illustrer cette histoire, j’ai choisi une auto que mon ami Jean n’aura pas eu le loisir de voir passer correctement. En effet après trois tours, John Surtees rangera sur le bas-côté sa belle Lola T70 coupé, à moteur Aston Martin.
Cette maquette en bois au 1/3 est celle qui a servi, après avoir été réduite au pantographe, à réaliser le moule du modèle produit par Champion. C’est une pièce unique. Je reviendrai plus tard sur la marque Champion afin de vous présenter d’autres projets ou modèles ayant servi à la réalisation de ces miniatures qui connurent un immense succès commercial dans les années soixante-dix. M. Jean-Paul Juge qui gérait la conception et la fabrication des miniatures Champion fut un des pionniers sinon le pionnier de la déclinaison de variantes de livrées de voitures de course.
Admirez la petite vignette en haut à gauche. Il proposera 6 variantes exactes de ce beau coupé.