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L’empire contre attaque ?

L’empire contre-attaque ?

Un empire. Un véritable empire. Il est loin le modeste hangar en bois, au fond de la propriété familiale de Billancourt qui servit à la construction de la première Renault.

Après la seconde guerre mondiale, la Régie Renault a développé un empire. Ses usines produisent des autos, des camions, des utilitaires, des tracteurs, des métros, des autorails, des moteurs d’avion, de bateau mais également des produits dérivés comme les lubrifiants.

Renault symbolise l’essor économique de la France du 20 ème siècle. Quand on veut parler croissance, exportation, productivité du pays, c’est très souvent Boulogne-Billancourt qui sert d’exemple. Dans la même logique, quand Renault tousse c’est la France qui s’enrhume. En 1936, c’est du côté de chez Renault que naissent les revendications syndicales.

Le même phénomène se produira en 1968. Léo Ferré dans sa chanson « Le conditionnel de variété » aura ce couplet:

« Comme si je vous disais que les cadences chez Renault sont exténuantes

Comme si je vous disais que les cadences exténuent les ouvriers jamais les présidents ».

Renault concentre la lutte des classes. Pour connaitre la température sociale du pays, les dirigeants n’ont qu’à se tourner vers ses usines.

Mais Renault va également servir de laboratoire social et artistique. Des artistes, proches de courants progressistes, vont tenter une communion entre l’art moderne et les travailleurs, à l’image de ce qu’ont réalisé les artistes soviétiques.

Le peintre Fernand Léger n’hésitera pas à venir accrocher une de ses oeuvres, « les constructeurs » (version définitive) dans la cantine des usines. Il viendra sur place recueillir l’avis des travailleurs. Le photographe Robert Doisneau sera aussi un familier de la Régie, immortalisant avec tout son talent le rapport entre la machine et l’homme.

Tout cela peut faire sourire, mais démontre combien Renault avait une place particulière dans notre pays. Je n’ai pu m’empêcher de relier ce passé à une série d’articles parus dans le journal « Le Monde  » du 30 mai 2020 consacré au constructeur.

Le titre est révélateur : « La potion-choc du patron de Renault ».

Résumons: le nouveau patron, Jean-Dominique Senard, est soucieux de « la sous utilisation des usines françaises ». Il veut réduire les capacités de production pour améliorer la marge industrielle, et attirer des productions partenaires ce qui fera augmenter les volumes… J’avoue humblement que ces discours ne me parlent pas beaucoup et demeurent assez abstraits. J’ai parfois l’impression qu’en économie, avec les même chiffres on peut tout dire et son contraire.

Le chiffre qui a retenu mon attention, c’est le nombre de salariés à Flins en 2020 : 2600 !

Je ne peux n’empêcher de penser aux publications que la Régie imprimait dans les années cinquante. Afin de montrer toute la puissance de sa machine industrielle, la Régie avait publié un fascicule : « 24 heures chez Renault » où elle expliquait que chez Renault, l’activité ne s’arrêtait jamais.

Chaque tranche horaire se voyait attribuer une activité. Le publiciste en profitait pour utiliser les fuseaux horaires. Ainsi , il nous entrainait chez Hino au Japon, en Afrique du Sud à Johanesbourg, en Espagne… On était impressionné par cet empire où le temps ne s’arrêtait jamais.

Peu après, en 1957, la Régie a rompu son contrat d’exclusivité avec la C-I-J pour la reproduction de la Renault Dauphine ce qui a conduit à un rapprochement entre Dinky Toys et Renault. La Floride, et l’Estafette ont logiquement suivi.

En 1961, Renault joue gros. Comment va être accueillie la nouvelle 4L ? Visiblement satisfaite de ses rapports avec Dinky Toys, la Régie, va réaliser une grande opération médiatique commune.

Quand on réfléchit, il fallait oser confier les plans originaux d’un nouveau modèle près d’un an avant la sortie presse. On peut imaginer que d’importantes précautions ont été prises afin qu’il n’y ait pas de fuites.

Pour l’occasion Dinky Toys a fait éditer un présentoir en carton afin de placer la nouvelle auto en vitrine et d’attirer l’attention du grand public.

Qu’a-t’-elle choisi pour communiquer ? Une usine et sa chaîne de production. On retrouve là encore l’idée que la Régie est bien un symbole de la production de masse.

Une petite cheminée en carton finit d’habiller le diorama . Un emplacement est réservé à la boîte, qui pourrait faire penser à une caisse avec une auto finie à l’intérieur. J’ai récupéré le présentoir auprès de Robert Goirand.

C’est celui qui était dans la vitrine du magasin du Bébé Lorrain. J’ai eu une émotion particulière en apprenant cela. Je l’ai laissé dans l’état dans lequel Robert Goirand l’a récupéré. je n’ai pas voulu changer la boîte de la 4L, ni effacer la trace de ruban adhésif. Je le conserve telle une relique.

L’affichette publicitaire expliquant le tour de force de Meccano est évocatrice. Quelle époque ! Quelle prouesse que d’avoir réussi cet excercice ! Les gens ont-ils apprécié l’exploit à sa juste mesure ?

Pourtant le vent a tourné pour les fabricants de miniatures. La demande a évolué. Les sportives et les autos de course commencent à fasciner la jeune clientèle avide de sensations .

Cependant, laissons nous encore surprendre par cette petite berline qui est une superbe réussite. C’est incontestablement une digne héritière des séries 24. Elle connaitra une très longue carrière.

Cette époque d’après-guerre semble loin. Il va falloir des arguments solides pour persuader les salariés et l’opinion publique du bien fondé d’un énième plan de redressement chez Renault. Pour utiliser une image liée au cinéma on pourrait titrer : « l’empire contre-attaque ». Je me demande pourtant si le combat n’est pas perdu d’avance, au regard de l’avenir bien sombre de l’automobile dans notre société. 

Rendez-vous dans 15 jours le dimanche 13 Décembre pour la suite  et la fin de l’aventure de la 4L chez Dinky Toys.

 

 

 

C’est cadeau !

C’est cadeau !

« Bonjour je suis possesseur d’un J7 Bourbon avec la publicité « Potain service après vente », on me propose de me le racheter mais je n’ai aucune idée de la valeur, il est comme neuf, pourriez-vous m’ aiguiller svp.merci »

C’est en ces termes qu’un lecteur du blog, M. Patrice Chabanon m’interpella via la rubrique contact du site. (voir le blog consacré aux Peugeot J7 de chez Bourbon)

On me sollicite très souvent pour connaitre la valeur d’un jouet. C’est un sujet sensible. En tant que professionnel je me sers de mon prix d’achat afin de déterminer mon prix de vente. De par mon expérience, j’ai bien sûr en tête une fourchette de prix de vente, que je module en fonction de ce prix d’achat.

Ce 18 septembre 2019, j’ai choisi de répondre ainsi à M. Chabanon :

« Vous êtes collectionneur ? Alors faites plaisir à un autre collectionneur ! Offrez lui ! Plus tard vous vous souviendrez longtemps de ce beau geste et vous ne le regretterez pas ! »

Ce dernier m’écrivit le lendemain pour me dire que c’était une bonne idée. Il précisa que la personne qui lui avait demandé ce Peugeot J7 était un bon ami et qu’elle saurait en prendre soin.

J’ai bien aimé sa réponse. J’ai rapproché cette histoire d’une autre anecdote. C’est Robert Goirand qui me l’a contée. Alors qu’il était jeune étudiant à Lyon, il passait tout son temps libre au magasin « Le Bébé lorrain ». Il y allait quasiment tous les jours et cela lui a permis de nouer des liens solides avec Roger Goulon, le propriétaire.

La section lyonnaise du club Dinky Toys a été créée en 1956. Et lorsqu’elle organisait ses animations annuelles sous l’impulsion de M. Goulon, c’est tout naturellement que M Goirand prêtait main forte. La section lyonnaise fut une des section les plus dynamiques et les plus influentes de France.

Elle est d’ailleurs régulièrement à l’honneur dans le bulletin de liaison « Actualités Meccano ». Des photos et compte-rendus  apparaissent régulièrement et en  grand nombre en première page du journal.

Lors de l’édition du 9 octobre 1960, M. Chanu, le directeur général de Meccano vint en personne à Lyon. On le voit lire un discours, à la manière d’un homme politique. On appréciera, derrière lui, les membres du bureau, façon bureau exécutif du parti communiste, tous à l’écoute du grand timonier.

Vous aurez surtout remarqué le grand écart de générations entre les officiants et le public dans la salle : des enfants accompagnés de leurs parents et ces adultes, déjà collectionneurs, assis autour du bureau sur l’estrade. j’imagine combien les gamins devaient avoir hâte qu’on en finisse avec les discours et qu’on commence les jeux !

Le compte-rendu paru dans « Actualités Meccano », prend des allures de Paris Match. On est ainsi heureux d’apprendre que la femme du préfet, Mme Roger Ricard et son fils Jean-François assistent à l’évènement. On compte aussi la présence d’une représentante de la mairie de Lyon et de M. Perrin Cavalier, directeur des usines de Pont-à-Mousson. On mesure l’importance de l’événement pour la ville de Lyon. Le 9 Octobre 1960, c’était l’endroit où il fallait être et se faire voir.

Cette année-là, Robert Goirand a prêté sa collection. Un petit panneau au centre de la vitrine l’indique. Quelle fierté pour ce dernier. On peut s’interroger sur le sens de la pancarte en carton : « Dinky Toys variété et valeur » .

Il faut bien repérer les deux modèles à l’extrême gauche : une Citroën 2cv camionnette unicolore (grise) et le Berliet GLR multibenne que Robert Goirand vient juste de récupérer auprès de M. Goulon, ce dernier l’ayant lui même obtenu, lors du salon du jouet qui se tenait à l’époque à Lyon.

C’est Robert Goirand qui lui avait soufflé l’idée de récupérer le modèle car cet habile organisateur et commerçant n’était pas du tout collectionneur de Dinky Toys. Il ne gardait rien. Robert Goirand a su en profiter.

Une autre année, lors d’une autre manifestation, il avait animé un jeu pour les jeunes membres du club. A cette occasion, il avait déployé ses qualités de dessinateur. Il ne rechignait pas à la tâche.

Aussi, lorsque M. Goulon le sollicita à nouveau, il lui fit comprendre qu’il attendait un geste commercial en remerciement. C’est peut être le cliché sur lequel, lors d’une réunion du club, un enfant soulève un paquet cadeau plus gros que lui, qui lui inspira cette demande.

Actualités Meccano: un gros cadeau offert lors de la réunion du club "BB Lorrain"...combien de 2cv camionnette à l'intérieur ?
Actualités Meccano: un gros cadeau offert lors de la réunion du club « BB Lorrain »…combien de 2cv camionnette à l’intérieur ?

M. Goulon se déchargea de l’affaire et écrivit à la direction de Bobigny, pour mettre en avant les bons et loyaux services de M. Goirand au sein du club, afin que ce soit directement Meccano qui se charge de la gratification.

Et c’est ainsi que M. Rio, alors secrétaire général du club Meccano à Bobigny, envoya à Robert Goirand un exemplaire d’un modèle qui n’était pas encore sorti. On imagine toute sa fierté lors de la réunion du club lorsqu’il put exhiber auprès des membres son … AML Panhard référence 814. Cela peut faire sourire en 2020, tant ce modèle est fréquent.

Histoire de marquer le coup et de faire plaisir à un membre actif, M Rio prit un des premiers exemplaires sur la chaine. Oui, mais voilà, les antennes plastique n’avaient pas encore été réalisées.

M. Goirand reçut donc un des premiers exemplaires, mais sans le sachet avec les antennes ! L’étui avec la cale est bien là, mais pas les accessoires. Qu’importe, ce dernier n’a jamais cherché à les récupérer.

Il faut dire que ce modèle est unique. La boîte d’envoi avec le tampon de la poste » Bobigny 1962″, l’adresse de Meccano France sur l’étiquette d’envoi et surtout la petite carte « Avec les compliments de Monsieur Rio » donnent à ce modèle une dimension extraordinaire. Son histoire l’est également. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir récupérer cette pièce historique.

M. Goirand aurait sûrement préféré avoir la Simca 1000, sortie quelque temps plus tard. Mais il faut savoir que lors de son lancement l’AML se vendait plus cher que la Simca 1000. Meccano lui avait donc fait un beau cadeau.

La Simca 1000, il la trouvera bien plus tard, à la fin des années soixante-dix, rue du Maroc dans le 19ème arrondissement. Il mettra la main, avec Jean-Michel Roulet sur deux exemplaires finis de couleur argent, la sienne avec un intérieur de couleur verte, celle de Jean-Michel Roulet avec un intérieur de couleur noire.

Bien que de couleur argent, la miniature est quand même finie au pochoir, d’une nuance différente de celle de la carrosserie.