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Etoiles du Nord

J’ai la chance d’avoir une activité professionnelle qui me conduit à voyager dans de nombreux pays. Ces fréquents déplacements nous ont permis, avec mon père, de rencontrer des miniatures peu fréquentes en France.

Mercedes Bapro
Mercedes Bapro

Nous avons su, je pense, aborder ces rencontres avec opportunisme. C’est ainsi que nous avons glané cette série de monoplaces Mercedes en Scandinavie.

Quel plaisir de découvrir, autour d’un modèle donné, les variantes de couleur, de moulage, de matériaux. C’est peut être là que réside la jouissance du collectionneur : la découverte d’un maillon supplémentaire dans une série. Mon plaisir est encore plus grand lorsqu’il s’agit d’un thème qui intéresse peu de gens.

En Scandinavie, ces monoplaces Mercedes ont peu d’amateurs. Nos amis nordiques sont plutôt attirés par les Scania ou les Volvo. Les modèles de la série présentée ont en commun d’appartenir à la firme étoilée. A mes yeux, il est peu probable que ces productions soient d’avant- guerre. Je les situerais juste après. Il est intéressant de voir comme ces monoplaces ont frappé les esprits des gens et des enfants. A titre d’illustration, au début des années 50, Mercury commencera aussi sa série par la reproduction des deux grands protagonistes des Grands Prix d’avant guerre, Mercedes et Auto Union.

En Allemagne, dès le retour de la paix, de nombreuses reproductions d’Auto Union apparaissent. Le modèle présenté est certainement une W163 de 1938. Il ne s’agit en aucun cas d’une reproduction fidèle. Il est évident que le fabricant a surtout souhaité capter la physionomie générale de ces autos.

On peut distinguer deux moules très différents : le modèle issu du premier est clairement identifiable car il porte sous le baquet du pilote la marque de la firme « Bapro » référence 301. C’est le sujet de ce petit article. La miniature mesure 11 cm. Elle est équipée de jantes en zamac brut. Deux finitions, au moins, sont connues : chromé ou bleu pétrole. Un numéro 9 est gravé dans un petit carré devant le poste de pilotage de chaque côté. Cette gravure disparaîtra sur l’ultime version, également de couleur bleue, mais plus soutenue. Celle-ci n’est plus en zamac mais en aluminium. La gravure mentionnant la firme Bapro a disparu. Par économie, sans doute, les roues sont en bois équipé d’un enjoliveur chromé. La calandre sera alors soulignée à l’aide de peinture argent. (voir l’autre article sur le sujet)

Etoiles mystérieuses

Contrairement à ce qu’indique Paolo Rampini, dans son ouvrage, il est peu probable que ces monoplaces Mercedes soient d’origine Bapro. Ils ne présentent aucune trace de fabricant.

Monoplaces Mercedes avec ou sans pilote
Monoplaces Mercedes avec ou sans pilote

Il est sûr cependant qu’un lien les unit aux monoplaces Bapro présentées dans l’article précédent : leur provenance scandinave, et plus précisément danoise.

C’est d’ailleurs dans ce pays que nous les avons acquises. Il est pourtant surprenant que l’ouvrage édité au Danemark sur les jouets « Made in Denmark » ne comporte aucune allusion à ces monoplaces Mercedes.

L’inspiration est nettement Germanique. La similitude avec la monoplace proposée par Märklin sous la référence 5521/61 est évidente.

Nous pouvons distinguer deux moules différents. Le premier des deux comporte le numéro 42.

  • La première variante issue de ce moule est en zamac peint de couleur argent. Elle mesure 11,3 cm. Les jantes sont en zamac brut, retenues par les bouts d’axes qui sont pincés. Cette variante est peu fréquente. Elle est suivie par une variante mesurant 11 cm. L’allure générale est également légèrement différente, la première variante apparaissant plus trapue.
  • La seconde version est disponible en finition chromée, avec jantes en zamac brut non perforées. Ces dernières laisseront la place à des roues en bois peintes de couleur argent sur la version de couleur bleu métallisé, ou peintes en noir sur la version couleur bordeaux.
  • Enfin, à partir de la même base, un autre petit fabricant proposera une ultime version, sans numéro 42, avec une gravure plus grossière, observez notamment les ouïes de refroidissement sur le capot, et avec un empennage plus court. L’auto a encore perdu en longueur, sa dimension est désormais de 10,5 cm. Elle est moulée en plomb (carrosserie et jantes). Nous en avons une de couleur bordeaux clair et une de couleur jaune…d’autres couleurs existent certainement, mais je n’en ai jamais vu. Le second moule a donné naissance à une miniature en zamac chromé. Elle mesure 11,2 cm. Les jantes sont en zamac brut avec un dessin de rayons. L’origine est inconnue. Elle porte étrangement un numéro 41 gravé de chaque côté devant le cockpit. C’est une création. Les flancs sont totalement plats, la calandre fort différente de la Märklin. Un pilote en zamac peint de couleur rouge ( ! ) finit d’habiller la monoplace.

Berne 1939 : la piste aux étoiles !

C’est en chinant à Zürich, aux hasards des déballages de brocanteurs que j’ai trouvé cet émouvant document, édité pour le Grand Prix de Suisse, à Berne le 20 août 1939. Quelques jours après la course, le monde serait plongé dans le chaos.

lettre émise le jour du grand prix en 1939
lettre émise le jour du grand prix en 1939

A partir de ce petit document, je me suis replongé dans un ouvrage datant de 1969 et intitulé : « L’histoire illustrée du Grand Prix de Suisse » de René Häfeli, que j’avais acquis quelques années auparavant lors d’un meeting de jouets anciens. Le livre est passionnant.

L’auteur relate qu’afin d’intéresser le public lassé par la domination des firmes allemandes, les organisateurs avaient modifié le règlement du Grand Prix de Berne 1939 pour créer une seconde catégorie ouverte aux autos de 1,5 litres. La grille de départ était établie à l’issue de deux courses qualificatives de 20 tours réservées respectivement à la catégorie 3 litres et à la catégorie 1,5 litres. La course de la catégorie 1,5 litres fut l’occasion de découvrir une future championne, l’Alfa Romeo Alfetta, qui triomphera après la guerre, (voir l’aticle 110), mais l’essentiel n’est pas là.

Lors des essais, Hermann Lang se plaint de sa Mercedes auprès de son directeur Alfred Neubauer. Il estime que son mulet a une meilleure tenue de route que sa monoplace attitrée et exige des mécaniciens qui avaient déjà changé une fois le moteur de sa monoplace personnelle qu’ils effectuent la même opération, mais sur le mulet qu’il trouve supérieur. Le directeur d’écurie assure alors à son pilote la parfaite équivalence des châssis qui ont été contrôlés en Allemagne, avant le départ en Suisse, avec la rigueur que l’on attribue généralement à nos amis germaniques. Mais rien n’y fait, et comme une diva, le pilote maintient ses exigences. Les mécaniciens travailleront toute la nuit. L’autre grand pilote de l’écurie Mercedes, Rudolf Caracciola, sent à ce moment que malgré son ancienneté dans l’écurie, son cadet de 10 ans bénéficie d’une position privilégiée. Il demande alors que l’on change également son moteur. Alfred Neubauer a une explication très ferme avec son pilote et ne cède pas. A cet instant, le clan Mercedes comprend que le lendemain, Caracciola courra pour lui et non pour son employeur.

Lors de la course servant à établir la grille de départ, il économise de manière intelligente sa monture, terminant second derrière Hermann Lang. Mercedes monopolise les 4 premières places de la grille de départ. Au départ, sur sol mouillé, l’Afetta de Farina réussit à s’intercaler entre les deux Mercedes de Lang et Caracciola. Celui-ci met 7 tours à dépasser la petite Alfetta à la faveur d’un arrêt de la pluie. Deux tours plus tard, Von Brauchitsch sur Mercedes, ravit à Farina la troisième place. L’écart de puissance sur piste sèche est tel que la petite Alfa Roméo ne peut résister. Nous trouvons donc trois Mercedes aux trois premières places. C’est alors qu’en professionnel expérimenté, le directeur Alfred Neubauer décide de figer les positions. Mais Caracciola se met au contraire à remonter irrémédiablement sur son équipier, ne voulant pas voir les signes de son directeur d’écurie au bord de la piste. Piqué au vif, il n’a qu’un souhait : prouver à tous qu’il est toujours un grand pilote. Neubauer ne tient plus en place. Les deux Mercedes, à plus de 300 kilomètres à l’heure, se présentent à chaque tour côte à côte dans la ligne droite. L’ambiance est électrique. La seule consolation pour le directeur d’écurie est la troisième place couverte par la troisième Mercedes. Alors, comme il le racontera plus tard dans ses mémoires, il prend petit à petit plaisir à regarder le spectacle. La tension est à son comble, pour le plus grand plaisir des spectateurs. La seule chose qui compte pour les deux pilotes c’est de remporter la victoire. Les intérêts de leur employeur sont passés au second plan. Alfred Neubauer prend conscience, qu’avec deux pilotes de cette trempe rien de grave ne peut arriver. Ils connaissent parfaitement leurs limites.

Le spectacle est de toute beauté. Alfred Neubauer confessera que ce fût le plus grand spectacle auquel il assista de toute sa carrière de directeur d’écurie.

Finalement, Caracciola ne pourra jamais dépasser Lang et terminera second, dans ses roues. Sur le podium, une franche accolade ainsi qu’une amicale poignée de main réconcilie les deux protagonistes et toute l’équipe pourra aller fêter la troisième victoire de suite des flèches d’argent sur le circuit du Bremgarten.

Retrouvez la suite la semaine prochaine avec deux nouveaux épisodes : « Etoile du nord » et « Etoiles mystérieuses »