Archives par mot-clé : 24 S

Nouvelle vague et vieille Simca

Nouvelle vague et vieille Simca

Elle apparait à l’écran vrombissante et se jouant de la circulation parisienne. On ne peut pas dire que son conducteur la ménage. Elle dérape. Il la mène à train d’enfer. D’ailleurs, à y regarder de plus près, elle porte les stigmates de cette conduite échevelée. Elle est présente tout au long du film, incontournable. On la voit slalomer dans des terrains vagues le long de la Marne, tourner en rond comme un animal en cage. Elle passe de l’un à l’autre des deux personnages masculins du film, deux petits voyous de faible envergure. Ils décident de monter un cambriolage chez la tante d’une jeune fille qui héberge cette dernière dont ils sont tous les deux amoureux .

« Elle » c’est la Simca Week-End et le film, c’est « Bande à part » de Jean-Luc Godard.

L’auto a vécu. La capote est perforée et ferme mal, comme celle d’une auto qui a fait son temps. En 1964, date de tournage du film, la Simca cabriolet Week-End est une auto démodée.(voir la  bande original du film)

Cette voiture est sortie en 1954. Elle est à la croisée des chemins dans la production Simca. Elle se situe entre la Simca 8 cabriolet (1950) et  l’Océane (1956).

Marin d'état vu dans le film "bande à part" (hommage à Jacques Demy)
Marin d’état vu dans le film « bande à part » (hommage à Jacques Demy)

Le choix du cinéaste Jean-Luc Godard pour cette auto est bien sûr assumé. La « Nouvelle Vague »dont il est l’un des moteurs, veut sortir du « cinéma de Papa ». Il prend le parti de placer ses protagonistes dans une auto à bout de souffle. C’est innovant. Le film est truffé de clins d’oeil. J’ai apprécié celui fait à Jacques Demy qui venait tout juste de présenter « Les parapluies de Cherbourg » : un café, un juke-box qui crache la musique du film et l’un des figurants qui arbore un costume de marin d’Etat, personnage récurrent dans les films de Jacques Demy. (voir le blog sur « Les parapluies de Cherbourg »).

affiche du film Bande à part
affiche du film Bande à part

Autre clin d’oeil du trublion du cinéma de la « nouvelle vague », le film se passe à Joinville, sur les quais. Juste en face se situent les fameux « studios de Joinville », symbole de l’ancienne génération du cinéma français. Avant la guerre, près de 40% des films étaient tournés à cet endroit. Marcel Carné et Jean Renoir y réalisèrent plusieurs chefs-d’oeuvre.

extrait du film de J.L Godard "bande à part"
extrait du film de J.L Godard « bande à part »

Les amateurs d’architecture, d’espaces urbains, de banlieues et d’automobiles des années soixante apprécieront ce que l’on appelle « le réalisme » de la Nouvelle Vague , cette façon de filmer la vraie vie là où elle se situe, dans les rues, les bars, le métro. Pour les amateurs de véhicules anciens ce témoignage visuel est un pur régal.

Les fabricants de miniatures des années cinquante ont été sensibles à cette gamme d’élégantes autos qui va de la Simca 8 à l’Océane en passant bien sûr par la « Week-End » choisie par Jean-Luc Godard.

La gamme eut plus de succès auprès des fabricants de jouets qui ont affiché l’auto dans leur catalogue qu’auprès de la clientèle visée par Henri Pigozzi.

Clé, Minialuxe, Solido, Norev ont inscrit une ou plusieurs reproductions de cette élégante auto, mais c’est Dinky Toys qui a ouvert le bal.

Dans le chapitre précédent relatif à la Simca 8, nous avons vu comment Dinky Toys a tâtonné dans le choix de la version à reproduire (voir le blog consacré à la gestation du projet de la Simca 8).

Finalement, elle sort en 1952. Les choses ont dû s’accélèrer, et la direction a tranché. C’est un modèle légèrement hybride qui est proposé aux jeunes amateurs. Le choix de la calandre du prototype en bois semblait plus réaliste, ceci n’est pas très grave car la version finalement validée par la direction est bien plus belle. Bobigny a fait des merveilles c’est une indéniable réussite. La façon dont Dinky Toys a traité le pare-brise va même inspirer Liverpool.  (voir le blog sur l’Austin Atlantic) .

Je ne vais pas rentrer dans les détails, Jean-Michel Roulet l’a déjà fait. Il suffit d’ouvrir son livre. Retenons simplement la modification du pare-brise et son renforcement en 1957.

L’opération sera une réussite esthétique. On peut facilement comprendre que le moule commençait à se fatiguer, en raison des contraintes de fabrication.

La première version proposée au public est fort harmonieuse. Elle est de couleur noire et possède un intérieur et une capote repliée de couleur caramel. Elle possède une caractéristique propre à cette version. Le pare-chocs et la calandre sont peints séparément. Très vite, le pochoir sera modifié et toutes les versions postérieures recevront un voile de peinture recouvrant l’ensemble pare-chocs et calandre.

Peu de temps après, la teinte de l’intérieur évoluera, passant à un beige clair, très différent de la première version. Ce sont les deux versions issues du commerce les plus difficiles à se procurer.

On se doit ici de parler d’une micro série de modèles finis de couleur rouge avec intérieur ivoire. L’amateur de Dinky Toys aura tôt fait de comprendre qu’il s’agit en fait de la couleur inversée d’une des dernières versions de cette miniature (ivoire avec intérieur rouge). Je peux certifier que des exemplaires ont été distribués en commerce.

Dinky Toys Simca 8 sport (pare brise épais) couleur rare
Dinky Toys Simca 8 sport (pare brise épais) couleur rare

Il y a une trentaine d’années, le docteur Lasson de Valenciennes m’avait demandé si je connaissais cette couleur. je lui avais répondu par la négative. Il m’avait alors raconté que, collectionneur dès les années cinquante, il avait acquis cette miniature en commerce à Valenciennes. Quelques années plus tard, quand M. Chaudey me céda sa collection, je ne fus pas surpris de voir cette miniature dans cette couleur. M. Chaudey était dessinateur chez Meccano.

J’ai pu récupérer deux autres modèles auprès de Jean-Bernard Sartre, qui pour l’instant n’ont pas été répertoriés en d’autres exemplaires. Un de couleur rose, qui semble être un clin d’oeil à l’Austin Atlantic et un d’une très élégante couleur bleu marine.

Leçon de géométrie chez Dinky Toys

Leçon de géométrie chez Dinky Toys

Droite, triangle isocèle, rectangle, voilà quelques-unes des figures géométriques que le bureau d’étude de Dinky Toys eut à utiliser pour résoudre une équation des plus délicates, celle consistant à reproduire, sur une miniature, le pare-brise d’un cabriolet. Voici les données du problème : il faut qu’il soit fidèle, esthétique, solide, et qu’il ne nécessite pas trop de contraintes lors de sa production.

A première vue, cela peut sembler facile. Mais celui qui connaît un peu la production mondiale de miniatures sait qu’il y a toujours eu là une source de difficultés et ce, chez tous les fabricants. Dinky Toys, Grande-Bretagne et France, ont été confronté dès l’origine à cette équation.

Pour le premier modèle, celui de la série 22, injecté en plomb et carrossé en cabriolet c’est un rectangle rapporté qui fait office de pare-brise. Sur le modèle produit en France, c’est une pièce comprenant le volant, le pare-brise et le tableau de bord qui est retenue à la carrosserie à l’aide de deux rainures verticales.

C’est simple, efficace, mais fragile.

Sur la version anglaise, antérieure à la française, c’est également une pièce rapportée qui remplit la fonction de pare-brise. Le système de fixation à la carroserie est différent, sûrement moins pratique à mettre en place. A première vue le pare-brise semble plus sophistiqué et plus fin. Cependant, la réalisation n’est pas convaincante car il est finalement plus fragile que sur la version française.

Pour les modèles suivants, ceux de la série 24 d’avant-guerre, c’est un harmonieux rectangle rapporté, ajouré sur les premiers modèles, puis plein, qui fait office de pare-brise. Il vient se fixer simplement sur la carrosserie. Au niveau robustesse, cela semble être un sérieux progrès par rapport aux séries 22. La série reprise après guerre conservera cette technique.

Le vrai changement arrive après-guerre avec la reproduction de la  Jeep Willys réduite à l’échelle du 1/50 chez les Anglais et au 1/41 environ en France. Un nouveau procédé de reproduction est utilisé. La pièce est en tôle, rapportée, puis encastrée dans deux glissières verticales. Elle ne peut s’enlever. Tout est à angle droit. Un montant vertical divise le pare-brise en deux rectangles. Cette solution est inspirée par la forme du pare-brise de la véritable Jeep.(voir le blog consacré à la Willys jeep Dinky Toys)

Vous avez tous en collection une Simca 8 sport de chez Dinky Toys. Sur ce modèle, très typé, le traitement harmonieux du pare-brise est « La  » caractéristique majeure de la miniature. Ce sont les triangles isocèles faisant office de montants verticaux qui sont remarquables.

Ils permettent une solidité renforcée par rapport aux modèles décrits précédemment, tout en donnant à la Simca une élégance et un raffinement jamais rencontrés jusque- là sur ce type de produit.

 

Pourtant, la découverte récente de trois éléments permet d’établir aujourd’hui que le projet initial, portant le nom de code 100148, était bien différent. C’est en effet sous ce matricule qu’est étudiée le 24 octobre 1950 (!) cette  reproduction de la Simca 8 sport. Il ne reste à ce jour que les vues en coupe.

Un détail est frappant. Il n’y a pas de triangle isocèle, mais un pare-brise en tôle, encastré, comme sur la Willys.

La récente mise en vente du prototype en bois permet de confirmer cet état de fait. Comme le plan de 1950 le modèle en bois comporte un pare-brise en tôle. Le modèle en bois est antérieur aux plans, il servait à la direction pour valider ou non le modèle et donc l’exécution des plans .

Le modèle dessiné sur le plan ne porte pas encore un suffixe à son numéro. La lettre « S » n’a pas encore été choisie.

Mais ce n’est pas tout. J’ai également récupéré un autre dessin du projet 100148 ( le même numéro a été conservé). Celui ci est daté du 21 mai 1951. Les fameux triangles isocèles du pare-brise sont bien là. Comme le subodore Jean-Michel Roulet dans son dernier livre au sujet de la Simca 8 et de sa gestation, Dinky Toys a tardé à concrétiser cette auto. De plus, la vraie voiture a évolué très vite. Le plan de 1951 est révélateur.

Le modèle dessiné possède la calandre de forme ovale que l’on voit sur le prototype en bois. Ce n’est donc pas encore le projet final !

Ces plans et ces prototypes sont des pièces exceptionnelles. Ils permettent une meilleure compréhension de l’histoire de Dinky Toys France.

C’est pourquoi j’avoue avoir été déçu de l’accueil réservé aux plans que j’avais fait tirer à la fin de l’année dernière. Peu de collectionneurs de Dinky Toys se sont révélés intéressés pour en acquérir un jeu. A 30 € les 18 pièces, le coût était pourtant bien raisonnable. (voir l’article sur les 18 plans reproduits).