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Comme dans un rêve

Comme dans un rêve

Ce mercredi 23 août 2017 j’allai à l’hôpital rendre visite à mon père. Il avait subi une intervention chirurgicale deux jours  auparavant et il était encore en service de réanimation.

Je pensais ne rester  que quelques minutes afin de ne pas le fatiguer. ll avait plutôt bien récupéré et, finalement, ma visite s’est prolongée. Comme les collectionneurs sont incorrigibles, très rapidement, la discussion a bifurqué  sur notre passion commune, les miniatures automobiles et mes nouvelles  acquisitions.

Et là, bizarrement, sur son lit d’hôpital, il me fit une confidence, celle d’un regret. Il déplorait de ne pas avoir acquis en son temps le C-I-J Renault 2,5T Galion « Préfontaines » qui avait été mis en vente aux enchères en 1988.

Ce modèle faisait partie du contenu de la fameuse valise  du fils du directeur de l’époque, représentant de la C-I-J, contenu que ce dernier avait confié à une salle des ventes.

Je le réconfortai en lui rappelant qu’à l’époque nous avions eu l’autre pièce phare de cette vente, et qu’il fallait y voir le point positif. On comprend cependant que le fait de manquer ce type de pièce exceptionnelle marque la vie d’un collectionneur passionné.

(voir l’article  consacré au Saviem semi remorque fourgon « Transcontinetal Express »)

Le lendemain, jeudi 24 août, comme tous les matins, la factrice m’a déposé  mon courrier au sein duquel se trouvait, bien identifiable une pochette en papier craft contenant  un catalogue de salle des ventes. C’est le genre de courrier que j’aime ouvrir, la perspective de découvrir une belle pièce à vendre donne toujours un petit coup d’adrénaline. Comme toujours, j’ai parcouru les pages du catalogue en quelques minutes, avant d’en faire une lecture plus approfondie. Je regarde principalement les pages consacrées aux productions françaises Solido, C-I-J  et autres modèles d’avant-guerre.

C’est alors que le lot 331 a retenu mon attention.  Il s’agissait de la photo  d’un camion Renault 2,5T Galion  « Préfontaines ». Bien évidemment, je ne pouvais que repenser à la conversation que j’avais eue la veille avec mon père.

J’avoue avoir d’abord  pensé que c’était l’œuvre d’un amateur qui aurait  pris pour modèle l’exemplaire mis en vente en 1988. La description de l’étude abondait dans ce sens. De plus, on imagine bien que le possesseur de ce modèle exceptionnel ne l’aurait pas donné à vendre sans commentaires. Pour information, en 1988, il avait atteint l’enchère de 38 000,00 Frs sans les frais. Cependant, j’eus quand même un doute. J’ai toujours aimé garder une trace des modèles rares qui m’ont échappé. Ainsi, en quelques minutes je retrouvai le catalogue de la salle des ventes de 1988. Mieux encore, j’avais également gardé un article réalisé après la vente, avec les commentaires au sujet du modèle !

Là, je restai sans voix, le cœur battant. Le modèle mis en vente en septembre 2017 était bien celui de 1988. Pas de doute. On retrouvait la même trace blanche sur le pare-chocs, bien visible, résultat d’un pochoir baladeur sur le devant du modèle.

De plus, les jantes en plastique de couleur verte équipant le modèle sont uniques. Celui qui collectionne la marque C-I-J le sait. Il est donc impossible de se procurer ce type de jantes.

J’ai compris alors que le propriétaire ne devait plus être de ce monde.

Ce qui m’a perturbé c’est l’incroyable conversation de la veille, avec mon père au sujet de ce modèle, comme une prémonition.  En fin d’après midi, j’allai rendre visite à mon père. Après m’être enquis de sa santé, je lui demandai s’il se rappelait  notre conversation de la veille. Ma question l’a surpris, il a souri. A ce moment j’ai su qu’il m’incombait de ramener le véhicule dans notre collection. Il ajouta: « Tu l’auras pour rien ». Ce à quoi je lui répondis que si l’étude était passée à travers, il restait à affronter tous les amateurs de C-I-J ! Il suffisait  qu’un seul le repérât !

Le jour de la vente, je devais absolument être en Grande-Bretagne. Mon épouse se proposa pour faire la vente aux enchères. Equipée de deux ordinateurs pour prévenir tout incident technique mais sans doute bien moins stressée que je ne l’aurais été, elle s’acquitta au mieux de la tâche. Personne n’avait repéré l’objet. Mon père avait raison, il fit 130,00€ au marteau.

Que dire? On mesure bien l’importance de la documentation et des témoignages. Ce camion, chaînon important dans l’histoire de la C-I-J ne figure pas en photo dans les livres sur cette marque.

Comme me le fera remarquer M. Dufresne après la vente, il fait néanmoins l’objet d’une photo  couleur de grande dimension dans l’ouvrage de Mick Duprat sur les jouets Renault.

Une chose est certaine, le modèle a acquis sa notoriété et l’histoire ne se reproduira pas deux fois Le jour où notre collection sera dispersée, il ne passera plus inaperçu.

 

Un GBO au Bois d’Amour

Un GBO au Bois d’Amour

Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez ressenti de l’émotion devant un tableau ? Pour ma part je me souviens fort bien de mon premier choc artistique.

C’était au lycée, avec un professeur d’histoire-géographie. Nous étions au mois de juin, à la fin de l’année scolaire. Le soleil brillait derrière les vitres de  la classe et  la pression des résultats  était retombée. Il arrive, que dans des circonstances telles que celles-ci, on découvre une autre face du professeur qui a délivré son enseignement au cours de l’année.

Fini le personnage terne et grognon, qui répétait sans cesse que nous étions des ignares par rapport aux élèves de la génération précédente.

Notre professeur nous a donc présenté la reproduction d’un tableau de Paul Sérusier, « Le bois sacré ». Nous avons tout de suite senti combien ce type de  peinture le passionnait. C’est cette passion communicative qui m’a touché. Il nous posait des questions, nous demandait ce que nous voyions.

Il voulait notamment nous faire comprendre comment le tableau était construit, comment les arbres structuraient l’espace de la toile et attiraient les yeux du spectateur vers le ciel. Leur position, leur silhouette élancée, leurs troncs dépouillés,  tout cela n’était que calcul. Ce fut un déclic, j’étais transporté.

C’est ainsi que j’ai découvert les « Nabis », ceux qui avaient  fui Pont-Aven et ses colonies de peintres, pour se réfugier au Pouldu, plus tranquille. Entre ces villages se trouve une petite forêt qui porte le joli nom de « Bois d’amour ». Elle a inspiré nombre de peintres dont bien sûr Paul Sérusier, Georges Lacombe, Paul Gauguin.  Parfois la forêt peut sembler inquiétante,  souvent elle est mystique. Sa représentation s’inspire des estampes japonaises dont les Nabis ont emprunté les codes, l’arbre a une place majeure.

Si des artistes ont su transformer de simples troncs d’arbre en chef- d’œuvre, on ne pas dire que ce fut le cas de Quiralu  avec son fardier. Le chargement composé de madriers n’était pas taillé pour le succès.

Toute l’originalité de la reproduction d’un camion fardier repose sur la façon dont le fabricant de jouets a traité son chargement de bois

Il y plusieurs écoles. Avec son Willème, Dinky Toys, a choisi la véracité. Ce sont des grumes en branches de noisetier qui sont chargées. C’est simple, efficace  et beau.

D’autres comme Tekno, FJ ou Quiralu ont choisi du bois travaillé en scierie. C’est plus « propre », il n’y a ni défauts ni aspérités et sans doute moins de charme.  Il y a quelque chose d’aseptisé et cela conviendrait parfaitement à des jouets actuels.

Dans les années quatre-vingt les américains d’ERTL ont choisi une troisième solution. Les troncs d’arbre sont injectés en plastique : ils ont ainsi réglé les problèmes de bois vermoulu et le prix de revient est imbattable. Le contrôle de gestion a dû passer par là.

Quiralu avait déjà bien du mal à amortir l’outillage de son camion Berliet GBO bâché (voir l’article sur le Berliet GBO bâché). La version tribenne ne suffisant pas à relancer les ventes (voir l’article sur le Berliet GBO benne), l’entreprise  tenta sa chance dans une troisième et éphémère version. Pour cela l’investissement fut des plus raisonnables : deux ranchers et la commande de madriers calibrés. Il devait y avoir de nombreuses scieries aux environs de Luxeuil. Bien évidement, le prix élevé du véhicule fut un frein à sa diffusion.

Aujourd’hui c’est une rareté. Il n’est pas très esthétique mais il a une place de choix dans le panthéon des collectionneurs de jouets français.

Berliet et Côtes-du-Rhône

Berliet et Côtes-du-Rhône

Gulliver livrera les premiers exemplaires peints de couleur rouge ou bleue. Je n’ai jamais vu le camion Berliet GDR 7D de couleur verte, comme le car PCK 7D.(voir l’article sur les cars Berliet PCK7D)

Je pense enfin que la version brute, la version économique, est arrivée ensuite dans l’idée de le proposer à un moindre coût. Je n’ai pas eu l’occasion de voir des versions mécaniques en finition brute.(voir l’article sur les Berliet GDR7D bâché première partie)

La version mécanique, plus luxueuse, allait de pair avec les versions peintes. Le traitement de la bâche subira des évolutions au fil de la production, dans le but également d’en baisser le coût.

Une version promotionnelle pour une firme de distribution alimentaire « La Ruche » sera produite, sur une base brute.

Enfin, une version beaucoup plus rare a été produite, dans l’idée sans doute de trouver de nouveaux débouchés et d’amortir  l’outillage.

Il s’agit d’un plateau brasseur que l’on doit peut-être à la proximité du siège de Berliet avec la vallée du Rhône  et ses vignobles. Un simple plateau en bois, peint de la couleur de la carrosserie fait office de plateau brasseur.

Il aurait été difficile de faire plus économique. Il est équipé de quatre barriques …peut-être  du Crozes-Hermitage  ou du Saint-Joseph.

Le modèle est équipé d’un petit mécanisme à remontage à clef, très plat, totalement différent de celui du bâché qui est en position verticale. Ce mécanisme est le même que celui des Willys de chez Polichinelle. Je connais deux finitions de couleur rouge ou bleue.

Il est évident qu’outre l’usage publicitaire pour Berliet, les jouets Gulliver ont aussi été distribués en magasins de jouets, avec un succès tout aussi limité.

Il est vrai que l’apparition de la gamme des camions Ford et Studebaker de chez Dinky Toys a donné à ces jouets un air d’antiquité. (voir l’article consacré aux camions Ford plateau brasseur 25 H).

Il est désormais difficile de s’en procurer en bon état de conservation, la peinture sur l’aluminium étant des plus fragile.

 Ils ont un charme indéfinissable et sont incontournables dans toute vitrine axée sur l’immédiat après-guerre.

 

Un Berliet indémolissable

Un Berliet indémolissable

 

Les publicitaires ont parfois des difficultés à trouver des messages  qui accrochent. En voilà un qui aurait pu servir à la maison Berliet pour ses poids lourds : « Un Berliet indémolissable ». C’est la mention qui figure sur l’étiquette du couvercle de la boîte du Berliet GDR 7D  des jouets Gulliver.

 

François Laurent est un passionné des poids lourds français,  son nom revient régulièrement dans le blog. Il m’a amené il y a quelque temps un document. Il s’agissait d’un extrait de la revue interne de Berliet destinée aux clients et aux concessionnaires de la marque, « Berliet Service ». L’article était daté d’octobre 1947. Au milieu des informations juridiques relatives à l’évolution du droit du transport figurait, en bas de page, la présentation d’un jouet Gulliver représentant le nouveau car Berliet PCK 7D (voir l’article sur le car Berliet PCK 7D de chez Gulliver).

L’auteur entendait saluer la sortie du Berliet GDR 7D que je vous présente ce jour. Il vantait la fidélité de reproduction, mais surtout le fait que le modèle  « soit pratiquement incassable » (dans le texte).  J’aurais pour ma part renchéri en rajoutant qu’il était à l’image du vrai véhicule !

Les concessionnaires étaient ensuite invités à commander des exemplaires auprès d’un bureau lyonnais, la « société FADAM » 6 rue Émile-Zola à Lyon,  dont on imagine qu’il représentait la marque Gulliver, afin de les offrir à leurs clients.

On apprécie toute la ruse de Berliet qui laisse aux concessionnaires la charge de commander et de payer les cadeaux qui seront ensuite offerts à leurs clients, les transporteurs. Dans ces années d’après-guerre la maison Berliet a une conception bien particulière de la publicité.

L’auteur termine son article par une précision : les miniatures peuvent être équipées d’un mécanisme de remontage à clef, qui, selon ses dires  est un réel plus.

Le succès ne sera pas au rendez-vous. L’époque est  difficile, nous sommes au sortir de la guerre. C’est une rude période  aussi pour la maison Berliet qui doit s’expliquer sur la fabrication de véhicules durant l’occupation. Quant au monde du transport routier, tout est à reconstruire et les jouets auront moins de succès que les vrais camions ! Les préoccupations n’étaient pas d’ordre promotionnel, ces objets sont arrivés trop tôt. Ils devaient de plus être coûteux, en témoigne la boîte en carton fort, luxueuse,  dont on imagine le seul coût.

« Le modèle est coulé en aluminium » dixit l’article de Berliet Service. Malgré l’éloge de la qualité du jouet, force est de constater que le modèle Gulliver s’apparente plus à une caricature du Berliet  GDR 7D qu’à une maquette.

En fait, on identifie le véhicule par les décalcomanies de la calandre et de l’arête du capot moteur. Ces dernières sont très fidèlement reproduites  et contrastent avec la rusticité de l’ensemble. La vue d’un  Berliet Gulliver en état de jeu qui a perdu ses décalcomanies confirme ce fait. L’objet perd tout son charme.

Au niveau des proportions, la cabine  du Berliet Gulliver manque de hauteur. La gravure n’est pas fine.  Le jouet est composé de deux parties. La ridelle est articulée permettant de le  transformer en benne basculante…après avoir enlevé la bâche bien sûr !

Lire la suite au prochain numéro.

 

Avez-vous la 4cv Dinky Toys ? 

Avez-vous la 4cv Dinky Toys ?

C’est la question que m’a posée, il y a fort longtemps, un monsieur qui était entré dans ma boutique. Il cherchait  sa madeleine de Proust.

Comme vous le savez, Dinky Toys n’a malheureusement jamais reproduit ce véhicule. Pourtant, sûr de lui, il finit  par me prendre de haut, tant il était persuadé d’avoir eu cette miniature dans sa jeunesse. Il est difficile de ne pas vexer un interlocuteur qu’on contredit lorsque ce dernier est aussi péremptoire . J’essayais donc d’être pédagogue. Sans succès.

J’ai dû  aller chercher le livre de Jean-Michel Roulet et l’ouvrir à la page où apparaît la référence 24 E de la Renault Dauphine. Sous cette référence, ce dernier indique que la  Dauphine est la première « Renault »  à avoir eu l’ honneur d’être reproduite par le fabricant de Bobigny.

La Dauphine ayant succédé à la 4cv, j’avais bien  entre les mains la preuve de mon affirmation. La personne changea de ton et s’excusa. Il est vrai  qu’elle était presque devenue désagréable  et m’avait pris pour un incompétent.

Depuis ce jour, je me  méfie des souvenirs personnels liés à l’enfance. J’ai souvent constaté qu’ils étaient enjolivés ou bien éloignés de la réalité.

Voci donc le troisième volet de la saga des Renault 4cv de chez C-I-J. (voir le premier volet consacré  à la Renault 4cv de chez C-I-J  équipée de roues en zamac) 

(voir le second volet consacré à la Renault 4cv de chez C-I-J en version mécanique)

Nous sommes toujours avec le premier moule et la calandre à 6 barres. La pénurie de caoutchouc est désormais finie. C-I-J peut donc utiliser des jantes plates en acier équipées de pneus blancs. Ces mêmes jantes serviront fort logiquement à la Panhard Dyna X, de dimensions similaires

Certaines versions, que l’on peut qualifier d’intermédiaires sont équipées de châssis provenant des versions mécaniques. Elles en ont la découpe  mais sans l’équipement spécifique. Encore une fois, on voit que chez les industriels rien ne se jette ! Ainsi   j’ai  récemment récupéré deux modèles équipés du châssis en tôle chromée utilisé sur les tout premiers modèles. On peut d’ailleurs noter que ces deux modèles sont peintes dans  deux couleurs très peu fréquentes dans cette variation : bleu ciel et vert pâle.

C-I-J va ensuite équiper tous ses modèles de jantes en plastique, sans doute pour des raisons d’économie. Il est évident que les jantes en plastique devaient revenir moins cher que celles en acier. Elles assureront la transition avec la nouvelle calandre à 3 barres que nous étudierons la prochaine fois. Ainsi de nombreuses couleurs répertoriées avec la calandre à 6 barres et équipées de jantes en plastique rouge, poursuivront leur carrière avec les mêmes jantes en plastique rouge  mais avec la nouvelle calandre et le châssis riveté.

Une des plus représentatives est celle de couleur noire. Elle me tient à cœur. Ce fut ma première voiture  ! Je me souviens qu’elle me servait de support publicitaire avec l’affiche de mon magasin collée sur les vitres arrières !

Puis en 1986, notre fils est né. En ramenant la maman et le couffin de la clinique à notre domicile, je me suis dis que cette auto n’était plus recommandée pour transporter un nourrisson.   Il était temps de changer d’auto. C’est ce que j’ai fait mais j’ai gardé la C-I-J  !