Je me souviens de la mode des devinettes qui, dans les cours de récréation, consistait à interroger son camarade de la manière suivante : qu’est-ce qui est bleu, avec deux bandes blanches… ? suivi de la description de la particularité d’un objet usuel ou d’un animal.
La réponse consistait à identifier l’objet ou l’animal suivi du mot Gordini ! Cela dura quelque temps, celui de l’effet de surprise rencontré auprès du camarade non-initié. Cela démontre combien la régie Renault avait réussi son coup avec la réalisation de la Renault 8 Gordini. Le succès populaire fut immédiat auprès des jeunes et même des très jeunes comme moi. A défaut de piloter un de ces bolides, je dus me contenter de la reproduction offerte par Dinky Toys. De toute manière, à l’époque, mes jambes n’atteignaient pas les pédales de l’auto. Cette voiture fut un détonateur pour la jeunesse française. De talentueux pilotes furent découverts à l’occasion de la coupe organisée par Elf. Cette coupe coïncidait avec le lancement de cette grande compagnie pétrolière qui fera du sport automobile son principal vecteur publicitaire. Ainsi, pendant très longtemps, la marque de carburant, avec son logo au trépan stylisé, symbolisera auprès de l’opinion publique le sport automobile français.
ensemble de trois variantes de R8S
intérieur cossu
R8 S et catalogue
A défaut de la vraie !
R8S de couleur jaune…à défaut de la Gordini !
R8 S de couleur caramel
Lorsque Renault décida de relancer le concept Gordini en l’adaptant à la Twingo, je ne pus m’empêcher de voir une communication habile de la part du constructeur. Cependant, il ne suffit pas de peindre une auto de couleur bleue et de lui ajouter deux bandes blanches pour qu’elle ait toutes les qualités de la R8 Gordini. Par ailleurs, je ne suis pas certain que l’avenir de l’automobile soit celui de petits bolides.
Nous avons plusieurs fois évoqué le fait qu’au milieu des années 60 la nouvelle direction de Meccano chercha à s’orienter vers les autos sportives, imitant en cela ses concurrents. Inscrire la R8 Gordini à son catalogue fut pour Dinky Toys un jeu d’enfant.
Pour cela, le bureau d’étude fit exactement la même chose que les ingénieurs de Boulogne-Billancourt. Il récupéra l’excellente base que Bobigny avait produite en 1962 et l’adapta aux critères en vigueur à la fin des années 60 : phares en strass, décoration, personnage. Voilà comment, à peu de frais, Dinky Toys colla à l’actualité, tout en remplissant les objectifs fixés par la direction : proposer à sa jeune clientèle des reproductions de bolides.
Grâce à Monsieur Malherbe qui officiait au bureau d’étude lors de la réalisation de ce modèle, j’ai eu la chance de récupérer une pièce intéressante. Il s’agit d’une Renault 8 de base équipée d’une figurine et qui a dû être préparée dans le but évident de visualiser le rendu du personnage dans l’habitacle de la miniature. Un détail mérite d’être décrit. Le bureau d’étude a cru bon de reproduire la ceinture de sécurité. C’est aussi à cette époque que cet accessoire, d’abord réservé aux autos de course, fit son apparition sur les autos particulières. On se souvient de celle équipant la passagère de la Triumph Spitfire de Liverpool. Pour la R8, il s’agit d’un habile trait réalisé à la peinture. Cette initiative n’aura pas de suite sur le modèle définitif.
La reproduction miniature de la R8 Gordini eut un certain succès. Encore aujourd’hui, c’est une pièce convoitée par les collectionneurs.
Signalons qu’une série a été commandée par le pétrolier Elf, en compagnie de la Matra MS7 de formule 1, et distribuée en boîte vierge, de couleur blanche. Il est étrange que le pétrolier n’ait pas demandé un boîtage spécifique.
Dinky Toys Renault 8S jaune avec bandes Gordini
Dinky Toys Renault 8S jaune
C’est par elle que la Gordini est arrivée !
Renault 8 avec personnage et ceinture de sécurité !
R8 Gordini
Dinky Toys Renault 8S jaune avec bande Gordini
L’usine de Bobigny travailla pour une autre commande. D’après Monsieur Roulet, c’est la Régie Renault qui commanda une série de R8S à Dinky Toys. Il suffisait d’un voile de peinture dans la teinte appropriée et le tour était joué. Bien sûr, Meccano ne corrigera pas son moule et laissera le logo Gordini sur le capot arrière. Par contre, une petite étiquette autocollante avec l’inscription « R 8S » viendra masquer sur la façade de l’étui la mention 8 Gordini. Cette série est assez mystérieuse. Les quelques exemplaires que j’ai rencontrés ont été acquis à l’époque dans des boutiques spécialisées. Jamais je n’ai eu un exemplaire provenant de chez Renault. J’ai également récupéré un feuillet provenant de la fameuse boutique Modélisme, où la voiture apparaît à un prix double de celui d’une R8 Gordini normale. De plus, des exemplaires ont été produits avec ou sans personnage. Ensuite une série fut produite de couleur caramel, identique à la couleur choisie par Meccano pour sa R12. Enfin, un dernier modèle doit être décrit. Il s’agit d’un exemplaire, que j’ai acquis auprès d’un couple qui travaillait chez Meccano sur la chaîne d’assemblage et qui avait constitué deux collections, une pour leur fille et une pour leur fils. J’ai eu la chance d’acquérir celle de la fille. Parmi les modèles figurait cette R8 Gordini, avec boîte, planche de décoration et bandes blanches. L’auto était cependant de couleur jaune ! De plus, le personnage était la conductrice de la Triumph Spitfire. On peut comprendre son choix.
Opter pour la Gordini en place de la Spitfire, j’aurais fait le même choix. Cette auto est intéressante. Elle l’est d’autant plus qu’elle figurait aussi dans la collection constituée pour le fils ! Ainsi, je suis sûr que d’autres ont été produites !
Je me suis replongé dans l’article de la revue « Modelisme » où figurait cette DS présidentielle. Le numéro 51 était consacré à la seconde exposition de miniatures organisée par le Mini Auto Club dans les locaux de Simca, sur les Champs-Élysées.
A en croire Jacques Greilsamer, alors à la tête de Modélisme, revue et boutique, la manifestation a eu un grand succès. C’est grâce à de telles initiatives, qui ont permis la rencontre des grands noms du modélisme, que la passion du modèle réduit s’est développée.
Il faut ici rendre hommage à Jacques Greilsamer qui savait si bien mélanger les genres. On pouvait voir des vitrines consacrées à de belles maquettes en plastique de voitures américaines en cotoyer une autre retraçant l’histoire de l’automobile, puis plus loin un espace autour du thème des autos de rallye, sans oublier une unité consacrée aux jouets anciens. Le panorama était complet.
Parmi les célébrités présentes figurait un certain Claude Thibivilliers. La revue indique à son sujet qu’il « présentait ses remarquables transformations : Mercedes 600 du Pape, 204 Peugeot coupé Ducarme, Rolls-Royce Phantom V de la reine d’Angleterre, Bugatti Royale cabriolet Esders, Renault 8 Gordini type Tour de Corse et le majestueux cortège des DS présidentielles, à partir des Citroën Dinky Toys de série qui obtint un vif succès ». Ce reportage est particulièrement intéressant puisqu’on voit se dessiner des projets dont certains vont aboutir chez Meccano, comme la Gordini. Meccano va également exploiter le thème des autos des grandes personnalités.
Le projet de la DS présidentielle sur la base de la berline référence 530 ne verra pas le jour, mais nous savons ce qu’il adviendra avec la superbe DS spéciale créée en 1970. Il y a fort à parier que ce genre d’exposition a permis à Meccano de déterminer ses futurs choix. Lorsqu’on lit le reportage et qu’on regarde les photos qui l’agrémentent, on comprend très bien le succès remporté par le cortège présidentiel et l’empressement de Meccano à reproduire par la suite les toutes nouvelles voitures de l’Elysée. La 204 coupé sera, elle, abandonnée.
Je pense, sans pouvoir l’affirmer, que Claude Thibivilliers rentrera chez Meccano avec ses projets juste après l’exposition. Les productions du personnage sont difficiles à appréhender. En effet, ce dernier était, comme nous venons de le voir, un collectionneur habile et passionné. La frontière entre ses productions personnelles et celles qu’il a réalisées pour Meccano en tant que salarié est assez floue.
La DS présidentielle que je présente ce jour vient du bureau d’étude de Meccano. Elle a donc été réalisée par les soins de Claude Thibivilliers, en tant que salarié. La miniature est dûment rivetée. Cependant, lorsqu’on regarde la photo du magasine Modélisme, on relève des différences entre les deux modèles, notamment la baguette latérale et les phares supplémentaires. L’exemplaire que je vous présente ne comporte aucune trace de colle. On peut penser que Claude Thibivilliers devenu salarié chez Meccano a repris certaines idées qu’il venait d’expérimenter à titre de collectionneur. Il proposa peut-être aussi le coupé Peugeot 204. Un détail vient étayer cette thèse. Je vous ai dit que l’exemplaire récupéré était riveté. J’ai trouvé, par une autre source un autre modèle qui peut être relié à cette auto présidentielle. Il s’agit d’une berline DS, portant la référence 530, arborant une finition noire avec pavillon ivoire. La finition de cette dernière est identique à un modèle de série.
Dinky Toys Citroën DS 19 essai de couleur non retenu
Dinky Toys DS 19 présidentielle du bureau d’étude, retrouvée rue du Maroc
Dinky Toys DS présidentielle : les chassis sont dûment rivetés
l’article de Modélisme
Dinky Toys Citroën DS 19 essai de couleur non retenu
Dinky Toys DS 19 présidentielle du bureau d’étude, retrouvée rue du Maroc
Mon idée est que Meccano a réalisé une série de Citroën DS 19 noires, afin de fournir des bases à Claude Thibivilliers pour exécuter un autre cortège par exemple, dont le seul exemplaire qui nous serait parvenu serait l’exemplaire présenté ce jour. A cette occasion, sachant que la fabrication d’une teinte spéciale doit se faire en un certain nombre d’exemplaires d’autres mariages de couleurs auraient été envisagés, dont cet exemplaire noir et ivoire.
Auto Jaune Le Blog de Vincent Espinasse collectionneur