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Junior à Bobigny

Junior à Bobigny
« Je n’écris pas pour la foule, j’écris pour les gens cultivés » La phrase est de Beethoven. Nous sommes en 1806 et c’est la réplique qu’il adresse au Baron Von Braun lorsque ce dernier lui fait remarquer que la salle où l’on joue l’opéra « Fidelio » peine à se remplir. En fait, si la partie de la salle réservée à l’aristocratie est bien garnie, l’autre partie, celle qui accueille le peuple, demeure clairsemée. Le baron fait la comparaison avec Mozart qui, lui, avait connu un vrai succès populaire et avait su remplir les salles. Il remarque que si Mozart avait demandé un pourcentage du prix des places vendues pour assister à ses opéras, comme Beethoven qui fut le premier à recevoir ce genre de rétribution, il serait devenu riche !

 

Cette anecdote entendue dans l’excellente émission « Musicopolis » d’Anne-Charlotte Rémond sur France Musique m’a fait réfléchir.

Faut-il être élitiste? Faut-il plutôt chercher à rassembler le maximum d’amateurs ? Rapporté à mon univers de la collection et de la vente de miniatures, cela se traduit par la question suivante. Ne doit-on vendre que des modèles en parfait état, avec de belles boîtes ce qui entraîne de facto un prix certain et une clientèle ciblée, ou faut-il proposer l’éventail de produits le plus large possible pour toucher le maximum de collectionneurs ?

J’ai choisi cette seconde solution depuis le début de mon activité. C’est la seule qui me paraisse viable.
Aujourd’hui, je pense même que l’on peut faire un site dédié à des modèles dont le prix est accessible à presque toutes les bourses.

La crise économique est passée par là et le budget que le collectionneur consacre à sa passion s’est réduit. Voilà donc en quelques mots les raisons qui nous ont motivés, mon frère et moi, à ouvrir le site « Auto Jaune Junior ».

Dans le passé, au milieu des années soixante, afin de doper ses ventes de Dinky Toys, Meccano avait créé une gamme économique  à Bobigny dénommée « Junior ». Nous étions alors en période de forte croissance et l’idée d’élargir la clientèle en proposant des produits économiques ne fut pas couronnée de succès.

Cela peut s’expliquer par le fait qu’une marque renommée a toujours beaucoup de mal à se positionner sur un produit économique qu’on appellerait aujourd’hui « low cost », elle y perd un peu son âme. Il est sûrement plus facile de monter en gamme.

Cette gamme Dinky Toys  junior est désormais assez prisée des collectionneurs qui voient dans cette aventure éphémère le moyen de diversifier leurs étagères. En effet, ces modèles ont été proposés dans des teintes différentes des modèles de la série 500 dont ils étaient issus. Mais, et c’est là que réside le charme de la collection, les choses ne sont pas aussi simples. Par le passé, en achetant des collections auprès de gens ayant travaillé au bureau d’études Dinky Toys, notamment M. Malherbe, j’ai eu le plaisir de trouver des exceptions.

On peut penser que ces modèles ont été présentés à la direction, lors des fameuses réunions où étaient prises les grandes décisions, afin d’entériner la nouvelle gamme. Pour cela, le bureau d’étude s‘est servi des couleurs disponibles sur la chaîne et les ont assemblées avec des châssis Junior. Pour certaines versions, je connais plusieurs exemplaires. Il est également possible que Dinky Toys, devant fournir des commandes programmées et n’ayant pas le temps de faire repasser ces autos sur la chaine de peinture, se soit contenté de les assembler avec les couleurs de séries (Série 500 en l’occurrence). On ne saura jamais. Le fait est là, ce type de modèles existe. Ils sont dûment rivetés.

De Boulogne-Billancourt à Bobigny en R8 Gordini

Nous avons plusieurs fois évoqué le fait qu’au milieu des années 60 la nouvelle direction de Meccano chercha à s’orienter vers les autos sportives, imitant en cela ses concurrents. Inscrire la R8 Gordini à son catalogue fut pour Dinky Toys un jeu d’enfant.

R8 Gordini
Dinky Toys Renault 8 avec personnage préfigurant la Gordini

Pour cela, le bureau d’étude fit exactement la même chose que les ingénieurs de Boulogne-Billancourt. Il récupéra l’excellente base que Bobigny avait produite en 1962 et l’adapta aux critères en vigueur à la fin des années 60 : phares en strass, décoration, personnage. Voilà comment, à peu de frais, Dinky Toys colla à l’actualité, tout en remplissant les objectifs fixés par la direction : proposer à sa jeune clientèle des reproductions de bolides.

Grâce à Monsieur Malherbe qui officiait au bureau d’étude lors de la réalisation de ce modèle, j’ai eu la chance de récupérer une pièce intéressante. Il s’agit d’une Renault 8 de base équipée d’une figurine et qui a dû être préparée dans le but évident de visualiser le rendu du personnage dans l’habitacle de la miniature. Un détail mérite d’être décrit. Le bureau d’étude a cru bon de reproduire la ceinture de sécurité. C’est aussi à cette époque que cet accessoire, d’abord réservé aux autos de course, fit son apparition sur les autos particulières. On se souvient de celle équipant la passagère de la Triumph Spitfire de Liverpool. Pour la R8, il s’agit d’un habile trait réalisé à la peinture. Cette initiative n’aura pas de suite sur le modèle définitif.

La reproduction miniature de la R8 Gordini eut un certain succès. Encore aujourd’hui, c’est une pièce convoitée par les collectionneurs.

Signalons qu’une série a été commandée par le pétrolier Elf, en compagnie de la Matra MS7 de formule 1, et distribuée en boîte vierge, de couleur blanche. Il est étrange que le pétrolier n’ait pas demandé un boîtage spécifique.

L’usine de Bobigny travailla pour une autre commande. D’après Monsieur Roulet, c’est la Régie Renault qui commanda une série de R8S à Dinky Toys. Il suffisait d’un voile de peinture dans la teinte appropriée et le tour était joué. Bien sûr, Meccano ne corrigera pas son moule et laissera le logo Gordini sur le capot arrière. Par contre, une petite étiquette autocollante avec l’inscription « R 8S » viendra masquer sur la façade de l’étui la mention 8 Gordini. Cette série est assez mystérieuse. Les quelques exemplaires que j’ai rencontrés ont été acquis à l’époque dans des boutiques spécialisées. Jamais je n’ai eu un exemplaire provenant de chez Renault. J’ai également récupéré un feuillet provenant de la fameuse boutique Modélisme, où la voiture apparaît à un prix double de celui d’une R8 Gordini normale. De plus, des exemplaires ont été produits avec ou sans personnage. Ensuite une série fut produite de couleur caramel, identique à la couleur choisie par Meccano pour sa R12. Enfin, un dernier modèle doit être décrit. Il s’agit d’un exemplaire, que j’ai acquis auprès d’un couple qui travaillait chez Meccano sur la chaîne d’assemblage et qui avait constitué deux collections, une pour leur fille et une pour leur fils. J’ai eu la chance d’acquérir celle de la fille. Parmi les modèles figurait cette R8 Gordini, avec boîte, planche de décoration et bandes blanches. L’auto était cependant de couleur jaune ! De plus, le personnage était la conductrice de la Triumph Spitfire. On peut comprendre son choix.

Opter pour la Gordini en place de la Spitfire, j’aurais fait le même choix. Cette auto est intéressante. Elle l’est d’autant plus qu’elle figurait aussi dans la collection constituée pour le fils ! Ainsi, je suis sûr que d’autres ont été produites !