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Mes premières leçons.

Mes premières leçons.

Cet après-midi, je suis dans mon abri de jardin où sont rangées mes archives. Je recherche des photos de voitures de course, plus précisément des cartes postales pour illustrer un blog.

Ces cartes postales de voitures de course ont été mon premier lien avec la collection.

Aux yeux de certains il est bien étrange ce comportement qui consiste à amasser des objets divers et sans utilité apparente.

Aujourd’hui, je recherche la photo d’une Chaparral, prise au Mans dans les esses du Tertre Rouge. C’est une carte postale que j’ai adorée lorsque j’étais adolescent.

Dans le carton étiqueté « archives personnelles collection », je suis attiré par un petit carnet à spirale de couleur verte. Un répertoire. Il s’agit de celui de de notre collection que j’avais pieusement conservé.

C’est le début modeste de ma vie de collectionneur qui est consigné là et qui défile devant mes yeux.

Je pense pourtant aux mots de Barbara dans sa chanson « Mon enfance » :

« Il ne faut jamais revenir aux temps cachés des souvenirs
Du temps béni de son enfance »

Fallait-il rouvrir ce carnet ? Tout me revient. Mes débuts. J’avais 11 ans en 1974 quand j’ai commencé ce répertoire. Mon père m’avait conseillé de noter tous les modèles que j’avais, afin d’avoir quelques éléments dans le futur, notamment la date et le prix d’achat.

J’ai continué et aujourd’hui encore, je consigne par écrit sur des fiches bristol tous mes achats, avec les mêmes critères qu’au début.

Même à la retraite, je n’aurai jamais le temps de tout reprendre dans un fichier informatique.

Je fais défiler les pages. L’écriture est celle d’un enfant. Apparaissent quelques Dinky Toys, des Mercury. Que des autos de course, bien sûr.

Les prix sont modestes, quelques dizaines de francs. Surgit soudain un modèle annoté d’un 750 francs. Autant dire que ce prix se détache nettement des autres.

Je me souviens très bien de ce modèle. Comment pourrait-il en être autrement ? 750 francs en novembre 1976. La scène est resté gravée à jamais.

C’était chez M. Scherpereel. Jusqu’à présent, lors de nos visites dominicales, je me concentrais sur la vitrine plate à l’entrée du magasin, ou mieux, celle dans le coin à droite. C’était en quelque sorte les vitrines des premiers prix.

Ce jour-là, mon père qui devait avoir en tête le prochain Noël, entama la conversation avec le commerçant. Cela faisait un an que nous venions de temps en temps acheter une miniature ou deux.

Mon père, qui a toujours été attiré par le beau, avait bien compris que la petite vitrine, derrière le commerçant, devait contenir les pièces rares. Le fait qu’elles soient en petit nombre, dans une vitrine en forme de calandre l’intriguait. .

Mon père avait bien sûr tout compris. Ce fut ma première leçon. Savoir où poser les yeux.

A sa demande, M. Scherpereel en sortit cette monoplace Auto Union de chez Märklin qui répondait parfaitement à nos critères de recherche et nous en expliqua tout l’intérêt.

Quand j’ai vu le prix, 750 francs, je crois que j’ai été gêné. Mais mon père ce jour-là franchit le cap.

Il l’acheta en me disant que ce serait mon cadeau de Noël, un peu comme pour justifier cette folie. Vu le niveau de notre collection à l’époque, c’en était une. Il ne savait pas qu’il venait de mettre le doigt dans un engrenage qui allait faire de la collection de miniatures notre passion, et plus tard mon métier. Quel destin quand j’y repense.

J’ai oublié les autres miniatures qui étaient dans cette vitrine ce jour là, sauf une. En bas à gauche.

C’était sûrement la miniature la plus récente de cette vitrine réservée aux modèles rares et anciens. Une étrange Dinky Toys. La boîte ne m’était pas familière. Elle intriguait. Il s’agissait d’une Triumph Vitesse fabriquée en Inde.

Un exemplaire du début de cette fabrication de Binns Road délocalisée en Inde. Une vraie Dinky Toys, et non une copie comme des ignorants ont pu le colporter. (voir le blog consacré à ce sujet) .

Dans l’euphorie de l’achat de l’Auto Union, moi qui étais pourtant réservé, j’ai demandé alors au marchand pourquoi cette Dinky Toys figurait dans cette vitrine. Il nous la sortit. Son prix me déçut. Je pensais que cette vitrine élitiste ne contenait que des modèles au prix élevé.

Ce fut la deuxième leçon du jour. Rareté et prix élevé sont deux choses bien différentes. M. Scherpereel, en plaçant cette rare miniature Dinky Toys de fabrication indienne à cet endroit voulait simplement attirer le regard des connaisseurs.

Je me souviens que ce modèle est resté très très longtemps à cet endroit, des années, ne trouvant pas preneur. J’y repense quelquefois, quand, moi aussi, j’essaie d’attirer l’attention sur un modèle peu fréquent, pas forcément très cher, mais que j’ai eu du mal à faire rentrer dans ma collection.

Il arrive que je ne trouve pas d’acheteur. Je repense alors à cette miniature indienne. Il est parfois difficile d’expliquer aux collectionneurs tout l’intérêt d’un modèle.

En 2020, une Auto Union monoplace 16 cylindres se négocie à des prix allant de 100 à 200 €. Une Dinky Toys indienne de première génération, 3 à 4 fois plus.

Cela m’amène à la troisième leçon du jour. Ecoutez toujours les gens qui ont de l’expérience. J’ai écouté religieusement ce que disaient M. Scherpereel, et d’autres anciens comme Charles Prieur. Et puis un jour, j’ai compris que j’étais mûr pour analyser, comprendre, évaluer un modèle.

Ces Dinky Toys indiennes de première génération, j’ai pu en obtenir en Grande-Bretagne, il y a fort longtemps. J’avais retenu la leçon. Le seul bémol résulte du fait qu’elles sont très fragiles. j’ai renoncé à certains achats à cause de la mauvaise tenue dans le temps de ce zamac de qualité médiocre. Cela contribue à leur conférer une rareté supplémentaire.

On appréciera la grande variété de couleurs. J’ai gardé aussi les Nicky Toys, qui sont venues ensuite, découlant de ces premières séries. Mais je n’ai jamais cherché à collectionner les couleurs de ces dernières.

Elles étaient très communes dans les années 80, alors que les Dinky Toys indiennes elles, étaient déjà rares. Cela M. Scherpereel le savait, lui qui avait placé la Triumph Vitesse à cet endroit pour éveiller la curiosité que doit avoir tout collectionneur.

Vanwall à la sauce curry

Pour un grand nombre de collectionneurs, les Nicky Toys indiennes ne sont que de vulgaires copies des productions de Binns Road. Il faut reconnaître que les dernières productions provenant de Calcutta sont de qualité médiocre ce qui a pu laisser imaginer qu’il s’agissait de copies.

Vanwall Nicky Toys
Vanwall Nicky Toys

L’histoire est tout autre et se révèle passionnante. Dans les années 60, l’Inde a bien évidemment conservé des liens très étroits avec la Grande-Bretagne, notamment sur le plan économique.

L’histoire commence avec Monsieur Kumar, industriel établi dans la région de Calcutta qui rencontre des dirigeants de Dinky Toys. L’idée germe, séduisante, d’une association entre le géant de Liverpool et une unité de fabrication indienne, comme une délocalisation avant l’heure. Meccano envoie ainsi des moules de modèles obsolètes et donne une seconde vie à son outillage.

Monsieur Kumar a l’autorisation de conserver le nom de Dinky toys, ce qui confère à sa production toute l’aura de la grande marque. Ont ainsi vu le jour des Triumph Vitesse, des Bentley série S convertibles ou encore notre Vanwall.

Si les autos conservent la mention Dinky Toys sur les boîtes et sur les châssis, cette mention s’accompagne de la précision « Made in India ». Ce détail est très important car il s’agit du seul cas de miniatures Dinky Toys délocalisées qui recevront une mention autre que made in England ou made in France. En effet, les modèles produits chez Harris en Afrique du Sud ou les Poch en Espagne ne recevront jamais une mention gravée sur le châssis indiquant leur nouveau pays de fabrication, seules les boîtes porteront cette mention.

Ces premiers modèles Indiens, très rares et difficiles à trouver, méritent réellement qu’on les regarde autrement. Bien que nous nous soyons intéressés très tôt à cette fabrication, nous n’avons pu rassembler qu’une vingtaine de ces modèles et ils ont à nos yeux autant d’intérêt que les autres productions délocalisées. Voilà la suite de l’histoire. Atamco, la société qui produit ces autos se développe assez rapidement.

Ces vraies Dinky Toys indiennes vendues très bon marché doivent à l’origine se cantonner au marché local. Mais c’est oublier les liens qui unissent l’ancienne colonie et son pays d’attache !

Les modèles indiens se retrouvent en vente dans des bazars londoniens tenus par des personnes ayant gardé des relations avec leur pays d’origine.

Les prix de vente, bien que beaucoup plus élevés que ceux pratiqués en Inde, restent faibles pour le marché anglais. Evidemment les boîtes et les couleurs sont différentes.

L’affaire provoque beaucoup d’embarras à Binns road. Dans un premier temps, la décision est prise de masquer, grâce à un autocollant le nom de Dinky Toys. Il faut trouver une consonance similaire. On imagine aisément que Monsieur Kumar était très attaché à la dénomination d’origine et il est certain que cette exportation clandestine s’est faite à son insu. Ainsi donc, dans un premier temps seules les boîtes sont modifiées. Ce n’est que dans un deuxième temps que les châssis subiront le même sort : les trois premières lettres « Din » étant remplacé par « Nic ». Enfin, dernière étape des boîtes sont créées avec la nouvelle marque « Nicky Toys ». Ce sont bien sûr les plus fréquentes. Elles furent produites jusqu’au début des années 80 et sont à l’origine de la croyance selon laquelle ces autos seraient de vulgaires copies. Elle se trouve confortée par la circonstance selon laquelle la qualité s’est dégradée au fil des ans.

Encore maintenant, peu de gens connaissent cette histoire pourtant liée à une des plus importantes firmes de miniatures mondiale. L’évolution de la Vanwall de Nicky Toys est assez simple. Les premières séries reçurent des jantes en aluminium. Nous ne connaissons pas de modèles Dinky Toys India avec des jantes en zamac peintes, ce qui est assez logique puisque la plupart des moules exportés concernaient des autos déjà équipées de jantes en aluminium.

La Vanwall sera ensuite équipée de roues monobloc de fabrication très grossière, communes à la gamme. Contrairement à la Mercedes 220se, où l’on voit clairement l’indication « made in India », la Vanwall ne recevra jamais d’indication du pays de création. Cependant, sa numérotation, le 39, atteste de son origine indienne : le modèle anglais portant lui la numérotation 239. Les pilotes connaîtront des évolutions : l’un est en zamac peint, très simplifié, l’autre, en plastique est issu du moule britannique. Le numéro de course est le 35, emprunté à la version britannique, d’abord en décalque, puis en papier chromé du meilleur effet !

Si vous avez l’occasion de croiser ce type d’autos, ne les laisser pas passer…faites leur une place dans vos vitrines.