Episode 1. Un pari fou.
Mon trajet quotidien à bicyclette, de quelques 30 kilomètres, est ponctué d’arrêts aux feux rouges. J’en profite pour reprendre mon souffle, surtout dans la montée de la rue des Pyrénées, mais aussi pour lever le nez de mon guidon et observer la ville. Les gens, leur chien, les frontons des immeubles, les arbres, et bien sûr les affiches des kiosques et des panneaux publicitaires.
Ce matin-là, c’est la une du magazine, « Entreprendre », sur le kiosque situé place Gambetta qui attire mon attention. » DOMINIQUE ROMANO – IL INVESTIT SUR DES PROJETS FOUS . Vente-privée, start-up , Seine St-Denis, La Pérouse…
Le feu passe au vert et je repars, tout ébouriffé encore par ce titre. Les héros sont désormais des capitalistes entrepreneurs. De mon temps c’était Tintin. Autre époque, autres références.
Le même jour, en fin d’après-midi, une personne avec des lunettes noires entre discrètement dans la boutique. Il reste 10 minutes à scruter minutieusement les vitrines, et pose une question. Au son de sa voix je le reconnais : Edmond Magne, un ancien confrère qui était établi à Drancy au milieu des années 80. Edmond est un passionné. C’est le genre d’amateur qui a du mal à contenir sa passion et qui, parfois, s’est laissé entrainer par ses pulsions d’achat. Certains ont ainsi gardé de lui des souvenirs mitigés.
Edmond indique avoir accumulé 70 000 modèles. Il a fondé une association: AAMAATOL . J’admire chez Edmond la volonté qu’il a, et ce depuis que je le connais, d’ouvrir un musée. C’est son objectif, depuis près de 40 ans. A chacune de nos rencontres, je lui demande des nouvelles de son projet, le sujet revient comme un serpent de mer.
Cet aprés-midi, je renouvelle ma question. Et là, Edmond retire ses lunettes noires, me regarde dans les yeux et me répond : « Cela va se faire ! »
« J’ai acquis un terrain de 600 m2 » me dit-il. Et il continue à m’exposer son projet .Monter un complexe, dans la région de Troyes : un musée et une petite salle de spectacle…A ce niveau du récit, je me dois de préciser qu’Edmond a changé de métier et qu’il il est désormais dans le show business. Il programme des chanteurs et des groupes de musiciens.
Comme je m’inquiète de la restauration il me répond du tac au tac : « C’est prévu ! Et ce sera de la gastronomie française ! »
Aux détails et arguments qui étayent la réponse, je comprends qu’Edmond est assurément un fin gourmet voire un peu cordon bleu. Quel projet !
Certes c’est ambitieux mais je suis médusé et admiratif d’un tel enthousiasme. Le soir en vélo, je revois l’affiche et je ne peux n’empêcher de faire le lien entre le titre du magazine et l’ambitieux projet d’Edmond. J »imagine sa rencontre avec M. Romano.
Je me dois cependant ici de mettre en garde Edmond. C’est un projet que j’ai envisagé un moment, il est assez utopique. Le collectionneur prend facilement sa collection pour un musée. Or la collection est une démarche personnelle, sa constitution répond aux goûts et aux choix de ce dernier. Une collection personnelle n’est pas faite pour recevoir la visite du public. Quant au musée, il se doit d’éveiller la curiosité du spectateur, il a un rôle pédagogique.
Une récente visite au musée du Louvre, au département des arts de l’Islam m’a inspiré ces quelques idées. A l’entrée du département le musée a installé quelques vitrines avec des oeuvres phares qui permettent au grand public de mieux appréhender la visite. Ces quelques pièces maitresses sont replacées dans le temps et dans l’espace avec une carte. C’est simple et efficace.
Comme moi, Edmond est amateur de jouets français. Il aura d’ailleurs cette phrase : « Mon truc, c’est la France ! » il voulait bien sûr parler des fabrications françaises.
Cher Edmond, voilà ce que tu pourrais faire à l’entrée de ton musée : un classement chronologique des 10 modèles réduits d’automobiles de fabrication française qui ont marqué l’histoire par leur innovation technique, le matériau utilisé ou la fonction ludique . Je te fournis ma liste :
- SR Unic taxi (plomb)
2. CR double phaeton (tôle)
3. CD Delahaye (plomb)
4. jouet Citroën, Citroën C4 (plastiline/tôle)
5. Solido coffret d’autos Major démontables (zamac)
6. Norev Simca Aronde (plastique/tôle)
7. Solido Lancia Flaminia (zamac)
8. RD Marmande. Panhard Levassor 13,6 L course 1902 (bois)
9. Champion Lola T70 (plastique/zamac)
10. AMR Porsche RSR turbo Martini Le Mans 1974(white metal).
Lors des quatre prochains épisodes, je donnerai et développerai les explications sur mes choix. Que ceux qui s’alarment de ne pas voir leur marque favorite dans cette liste attendent donc un peu pour m’écrire.
Et les Dinky Toys?
Elles ne ne viennent qu’après …en 1970-1980. Ces années marquent l’arrivée du phénomène de la collection de miniatures.
Dinky Toys n’a jamais innové. Si ses modèles ont marqué une époque, une génération, ce n’est pas pour leur innovation technique ni pour les choix audacieux des matériaux entrant dans leur fabrication. C’est la qualité de fabrication et le réseau de distribution (magasins de jouets renommés) qui ont contribué à la légende.
D’ailleurs l’idée de départ de Meccano, celle de créer des éléments d’animation pour les trains Hornby, à l’échelle « O » , donc au 1/43, est sérieusement écornée quand on analyse un peu la gamme des berlines Dinky Toys. Les premières en plomb, matériau déjà obsolète en 1934 sont réduites à une échelle proche du 1/50.
Les deux premières miniatures que l’enfant peut identifier sans se tromper, la Simca 5 et la Peugeot 402 sont également reproduites à des échelles nettement inférieures au 1/43. Il suffit de les comparer avec les modèles JRD en plastiline ou Rivarossi en bakélite !
Il faudra attendre la 24 N , la Citroën Traction avant pour avoir une vraie Dinky Toys France au 1/43 !
Dès les années soixante-dix, le modèle aura quelque chose de mythique et passera aux yeux de nombreux collectionneurs pour une pièce rare, malgré le nombre d’exemplaires produits, comme le souligne Jean-Michel Roulet dans son ouvrage.