Numéros dans le désordre
Le rituel est incontournable.
Comme les Grecs qui consultaient les oracles avant de partir en voyage, avant de me lancer dans l’étude d’un modèle de la game Solido j’ai besoin d’ouvrir le livre de Bertrand Azéma. A chacun sa méthode.
Au risque parfois de lasser le lecteur, ce dernier a choisi de privilégier la description des variantes de moules. Les subtilités sont souvent difficiles à transposer visuellement.
Pour ma part je préfère mettre en avant les variantes de couleurs, de jantes, ou de carrosseries au détriment des variantes de châssis, de fixations, de suspensions ou de vitrages.
Il est tout de même réconfortant de pouvoir s’appuyer sur le travail de Bertrand Azéma. La base est solide et la chronologie de fabrication rarement mise en défaut. Ce dut être un travail assez ingrat que de répertorier tout cela.
Pour chaque modèle de la série 100 Bertrand Azéma fait une rapide introduction. J’aime relire ces quelques lignes, souvent attendues, parfois déconcertantes.
Pour notre modèle du jour, la « Porsche GT », qui porte la référence 138, introduite au catalogue en 1964, Bertrand Azéma a voulu replacer l’auto dans son contexte historique.
De manière confuse, il indique que Solido a choisi de représenter la voiture qui a participé aux 24 heures du Mans, et oublie de préciser l’année. Il raconte comment Ferrari a dominé la course et comment une Cobra s’est glissée au milieu des autos italiennes au classement général. Quant à la Porsche, objet de l’étude, elle a, dit-il, vaillamment combattu. ll nous explique enfin que le numéro 30 choisi par Solido correspond à une autre Porsche « GT » qui a abandonné à la 9ème heure. Il conclut sur le fait que la firme d’Oulins sera bientôt plus rigoureuse dans le choix des décorations.
Grâce à la description du palmarès, il m’a été assez facile de retrouver le millésime des 24 heures du Mans dont parle Bertrand Azéma. C’est l’année 1963.
Je me suis plongé dans l’excellent et très complet ouvrage de Dominique Pascal « Porsche au Mans » sorti en 1983 afin de visualiser les propos de Bertrand Azéma. Et là, les surprises ont commencé. Bertrand Azéma s’est emmêlé les pinceaux.
En 1963, la Porsche qui porte le numéro 30 est une 2000GS engagée en catégorie GT. Elle n’a rien à voir avec la miniature reproduite par Solido.
Cette dernière correspond plutôt à l’auto qui porte cette année-là le numéro 27. D’après Dominique Pascal elle répond au patronyme de « 718/8 ». Elle est animée par un 8 cylindres et concourt dans la catégorie « sport » et non « GT ».
Elle possède deux imposantes prises d’air sur les custodes et un becquet arrière. Or la miniature reproduite par Solido est dépourvue de ces appendices. Etrange. Bertrand Azéma se serait-il trompé de millésime de course ? Ma curiosité naturelle m’a fait remonter le temps.
Grace au numéro de châssis répertorié par Dominique Pascal (718_046) j’ai retrouvé cette auto deux ans auparavant, toujours aux 24 heures du Mans, mais en 1961. Elle portait alors comme patronyme RS61.
C’est en fait le même châssis (718_046) qui servira de base commune au modèle RS61 et 718/8. Elles ne font qu’une. Et quel numéro de course arborait-elle en 1961 ? le 30, comme notre Solido.
On constate enfin que la Porsche RS 61 de 1961 possède des custodes lisses. Solido l’a donc globalement bien reproduite. Toutefois, on aperçoit une grille recouvrant une ouverture pratiquée sur ces custodes. Si l’on veut être puriste, Solido a donc bien traité l’avant de l’auto, mais la partie arrière laisse grandement à désirer.
Le pauvre moteur 4 cylindres devait avoir bien du mal à respirer dans la version Solido. En 1963, il sera remplacé par un 8 cylindres , comme l’a indiqué Solido sur le châssis de l’auto. Les deux imposantes grilles, typiques des Porsche de compétition ont été purement et simplement oubliées.
Notre numéro 30 , avec Bonnier et Gurney renoncera à la 23ème heure, sur panne moteur (vilebrequin , nous précise Dominique Pascal) après une très belle course.
Les Porsche du début des années 60 sont peu connues. Les résultats en dents de scie durant le début de cette décennie, se sont opposés à ce qu’elles entrent dans l’histoire comme les 550 ,ou plus tard les 904 et les 906. Il faut bien dire que durant cette période, la firme de Stuttgart végétera en endurance, sans doute en raison du lancement d’ambitieux programmes. A cette époque Porsche est en effet engagée en monoplace et en endurance. D’ailleurs, elle installe dans notre RS 61 le moteur 8 cylindres conçu pour la formule 1.
L’entreprise a du mal à gérer les deux programmes.(voir les blogs consacrés aux monoplaces Porsche). Il est intéressant de constater que la firme allemande montera en puissance en endurance, quand elle aura définitivement abandonné son coûteux programme en monoplace.
Solido a donc reproduit la bonne voiture avec le bon numéro, contrairement à ce que laisse croire Bertrand Azéma.
Durant sa très longue carrière en France, le modèle ne connaitra que deux couleurs.
Et encore, le modèle de couleur vert très pale ne fera qu’une apparition éphémère. La voiture a mis trois ans à sortir et dès son apparition elle a un côté obsolète.
Notre « RS61 » poursuivra son bonhomme de chemin. Elle connaitra , plusieurs variantes de jantes : acier concave, puis logiquement, zamac moulé de type « standard » et enfin les jantes empruntées à l’Alpine A310.
Elle connaît en parallèle toutes les variantes de boîtage.
L’ultime version française en étui transparent est rare.
Elle est décorée au départ d’une bande aux couleurs allemandes et du numéro 30. La bande perdra ensuite la couleur jaune. On retrouve également une version équipée de la décalcomanie vu sur les monoplaces Porsche avec le numéro 3. Ensuite, le modèle portera juste un numéro de course sur fond blanc, puis sur fond transparent. En fait on constate que Solido a géré au mieux la disponibilité de ces fameuses décalcomanies avec bandes. Si l’on suit la chronologie des variantes de jantes on s’aperçoit que lorsque il y avait une rupture de stock, Solido se contentait d’apposer un numéro de course.
On a l’impression que cette auto a servi de marqueur aux collectionneurs, comme pour mieux montrer le temps qui passe. Lorsqu’enfant j’avais reçu cette auto en cadeau. J’avais eu l’impression que l’on m’offrait une antiquité.