Comme une image
Désormais tout va vite. A peine un constructeur automobile a-t-il présenté un nouveau modèle que son restylage est déjà prêt au bureau d’étude !
Ce sont les constructeurs automobiles américains qui sont responsables de cette frénésie.
Afin de doper les ventes, dès les années trente, ils vont proposer des évolutions annuelles de leurs modèles. Durant cette période de croissance, il fallait sans cesse tenter le consommateur et lui donner envie d’avoir le modèle dernier cri.
Les fabricants de jouets essaieront de coller au plus près de l’actualité. Ainsi, pour l‘Aronde et la Studebaker, Dinky Toys a dû proposer des versions empruntant les éléments de deux millésimes. Heureusement, il demeurait un domaine où les choses évoluaient bien plus lentement, celui des autos de course qui n’était pas soumis aux mêmes lois de marché. Au contraire, même. Une auto pouvait ainsi traverser les années et passer de propriétaire en propriétaire. Parfois transformée, modifiée, repeinte, elle gardait bien souvent une identité propre qui permettait aux spectateurs de la reconnaître du premier coup d’œil, même sous une autre couleur. L’exercice se révélerait bien périlleux en 2015.
Si la Ferrari de Vettel perdait sa robe rouge et recevait une publicité pour une boisson énergisante, la reconnaitriez-vous facilement ? J’en doute.
Mais à l’époque on ne pouvait pas confondre une Ferrari 500F2 et une Alfa Romeo 158. Les fabricants de jouets vont en profiter pour conserver ces modèles très longtemps dans leurs catalogues. Dinky Toys qui gardera sa série réalisée en 1952 jusqu’en 1964 n’a-t-’il pas été trop loin ?
La révolution opérée par les constructeurs britanniques qui ont fait passer le moteur à l’arrière donnera à ces autos un coup de vieux. Déjà, en 1958-1959 la presse automobile spécialisée qualifiait les Ferrari à moteur avant de « dinosaures ». Qu’en pensaient les enfants lorsqu’ils regardaient les vitrines des magasins de jouets ? Il est vrai qu’ils n’avaient pas les moyens actuels de suivre leurs héros préférés, et le plus important était de rêver devant des bolides, qu’ils soient dépassés ou non. C’est la silhouette de l’Alfa Romeo 158, la présence d’un personnage casqué, de roues dépourvues d’ailes et d’un pot d’échappement latéral qui transportaient les gamins et les faisaient se transformer en petit Fangio ou en Stirling Moss des bacs à sable.
Pour un fabricant de jouets comme Dinky Toys, il était aussi important d’avoir dans son catalogue des autos de course que d’avoir un camion de pompiers ou un char. Voilà comment il faut interpréter la présence de ces autos qui s’éternisaient aux catalogues, sans oublier toutefois le sens de l’économie qui caractérisait Liverpool.
Nous allons nous arrêter sur l’auto qui, après la guerre, ouvrira le palmarès du tout nouveau championnat du monde des conducteurs : L’Alfa Romeo 158 dite Alfetta. Sa conception remonte déjà à 1937. Après la fin de la guerre, c’est en toute logique qu’elle s’imposera dans la course au titre pour les trois premières places du tout nouveau championnat du monde de formule 1. Liverpool en livrera une très belle reproduction. Distribuée dans un premier temps par boîte de six, elle recevra ensuite un étui individuel en carton et connaitra même, vu sa carrière prolongée au catalogue, l’expérimentation des emballages dits « blister » : l’auto reposant sur un socle coloré est coincée dans une bulle en plastique thermoformée. Au cours de sa longue carrière ce sont les jantes qui connaitront le plus de variantes. Le modèle sera d’abord équipé de jantes moulées et peintes de couleur rouge, et ce pendant la plus grande partie de sa production. Puis ces dernières seront remplacées par des jantes en acier chromé concaves avant de connaître, oh sacrilège, le plastique ! Ce sont ces versions que l’on retrouve dans le dernier emballage précité.
Au début des années soixante, dans un sursaut désespéré, Meccano essaiera de relancer ces autos en créant un superbe diorama représentant l’ensemble des monoplaces disponibles au catalogue. Les autos sont disposées dans un arc de cercle coloré figurant la courbe rapide d’un circuit virtuel. Il est vrai que l’ajout des jantes en plastique coloré donne à ces autos un aspect anachronique.
Cette miniature de Dinky Toys inspirera bien d’autres fabricants. Charbens reprendra l’idée de reproduire une série de monoplaces, très fortement inspirées de celles de Liverpool. La Ferrari reprendra même les couleurs de celle de Dinky Toys, originale, bleu et jaune (Argentine). Pourtant on ne peut parler de copie au sens strict. L’échelle est semblable mais la gravure est différente et beaucoup moins fine que la Dinky Toys. De très nombreux détails diffèrent. On peut penser que Charbens souhaitait créer une certaine confusion auprès des acheteurs éventuels. L’aventure tourna court, au vu du peu d’exemplaires qui nous sont parvenus.
Les versions en plastique produites à Hong Kong sont elles de vraies copies. Réduites au pantographe à l’échelle du 1/60, la finition argentée au pochoir leur confère une certaine allure. Plus tard, cette finition « luxe » disparaitra.
La semaine prochaine, je vous ferai découvrir d’autres Alfa Romeo 158 du bout du monde. Preuve que cette auto marqua bien de son empreinte l’histoire de la course automobile et pas seulement en Europe.
A suivre