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Prague au printemps, le temps de l’insouciance.

Prague au printemps, le temps de l’insouciance.

« Aviez-vous vu la date ? Mai 1968 !  » Je viens de la découvrir sur la languette de la boîte de la Tatra de la marque Tchèque Igra que j’ai entre les mains.

Igra Tatra 603 avec caravane (boîte 29/056/1968
Igra Tatra 603 avec caravane (boîte 29/056/1968

« Bien sûr me répond M Haas en riant, j’étais à Prague à ce moment là ! Nous sommes même allés sur le tournage d’un film de Truffaut aux studios Barrandov ».

Pour les Français, mai 1968, cela évoque le chaos social, la « chienlit » pour reprendre le mot de notre Président de la République de l’époque. Mais à l’Est, en Tchécoslovaquie, soufflait alors un vent d’espoir. Depuis le début de l’année, on s’acheminait vers « un socialisme à visage humain ».

M Haas avait-il voulu prendre un bol d’air en cette difficile année 1968 ? Voulait-il apprécier sur place les réformes d ‘Alexander Dubček, à la tête du pays depuis le 5 janvier 1968 ? Il ne m’en dira pas plus.

C’est lors d’un « grand » rangement chez lui, qu’il a remis la main sur plusieurs boîtes à chaussures, dont une contenant une petite vingtaine de jouets en plastique provenant de son voyage en Tchécoslovaquie. En l’ouvrant, comme par enchantement, les souvenirs lui sont revenus à la mémoire.

Autant vous le dire tout de suite, M Haas n’accordait pas un grand intérêt à cette boîte et à ces modèles. Il les avait acquis en 1968, plus par curiosité que par passion pour ce type de jouets.

Il faut dire qu’il était un collectionneur averti de Micro Models, Tekno et Buby. On comprend que ces petits jouets pouvaient lui sembler désuets.

Peut-être fut-il un peu surpris du fait que parmi les quelques boîtes exhumées ce soit celle contenant les modèles de l’Est qui m’attira le plus. C’est en effet une collection où j’ai encore beaucoup à découvrir. Et cela fut bien le facteur  déterminant qui me fit choisir cette boîte parmi les autres !

Le premier modèle que j’ai pris en main était un petit coffret. Le graphisme évocateur de la boîte m’a immédiatement transporté à Prague en 1968. On pourrait y ajouter cette légende  » Après un dur labeur, des vacances bien méritées ».

On y voit une Tatra 603 tirant une petite caravane. Il souffle un vent nouveau à l’Est.

Si le thème du caravaning et donc des vacances nous est familier, je pense que c’est la première représentation de ce sujet à travers un jouet produit de l’autre côté du rideau de fer. Le décor est idyllique, avec cette auto filant sur la route bordée d’arbres,.

Dans le même registre, j’avais acquis un autre coffret intéressant produit en Roumanie. La grande différence, à mes yeux, est que ce coffret est une reprise de modèles fabriqués en Allemagne de l’Ouest par Jean.

On y voit un cabriolet (!) , une « Ford Fairlane », une caravane et même un petit avion de tourisme. Le vrai socialisme à visage humain ! Ce coffret a été produit pour le marché roumain, et non pour un quelconque marché occidental comme sa thématique pourrait le laisser penser.

Il m’a semblé intéressant de montrer qu’à travers le prisme de la fabrication de jouets, on pouvait mesurer l’ouverture d’un pays vers l’extérieur.

Si en URSS il a existé des reproductions d’autos occidentales, elles émanent de reprises d’outillage italien (Politoys, Mebetoys) ou français (Norev). Mais il n’y a pas eu de création d’outillage pour reproduire des autos européennes ou américaines.

Par contre dans les pays satellites de l’URSS, j’ai trouvé quelques exemples. En Roumanie j’ai découvert une Renault 16 au 1/43 créée sur place par I.I.S Metaloglobus en 1969.  Certes les formes sont approximatives, mais on reconnait l’auto. C’est un produit très rare. On appréciera le boitage,  avec le coq dessiné , très loin des standards occidentaux.

En Tchécoslovaquie, Smer fabriqua une série d’autos occidentales dont une Citroën DS21, une Ford Capri, une Volkswagen 1600TL et même une Renault 12. On peut parler d’une véritable ouverture sur l’occident. Cette gamme comprenait naturellement quelques Skoda locales. L’unité de style est assez intéressante à observer.

Smer a également produit une étrange « Chevrolet Corvair ». J’en dois l’identification à M. Dufour. Les faces avant et arrière font certes penser à cette auto, mais le volume de l’auto la rapproche plutôt d’une Ford Galaxie ! Peut-être faut-il l’interpréter comme un croisement des deux! Cette auto symbolise l’auto américaine « moderne. »

Plus classique et identifiable, la Mercedes 220 qui est l’auto »occidentale » par excellence. Deux versions, avec ou sans friction.

La marque Rotor a elle aussi produit une caricature d’auto américaine comme en témoigne cette « Ford Fairlane » en bakélite avec ses lignes approximatives.

Igra, l’autre grand fabricant Tchéque a aussi proposé une Mercedes break qui semble n’avoir connu qu’une version sanitaire.

La Ford Consul Cortina est très réussie. Elle est aussi plus tardive. Elle est injectée en plastique et non en bakélite comme la Mercedes.

Au- delà des modèles décrits ci-dessus, c’est avec plaisir que je vous présente un échantillon d’autos Tchèques et Russes produites sur place par Igra et Smer.

Mais revenons à l’histoire, le 21 aout 1968, l’intervention des troupes du pacte de Varsovie réduit à néant l’espoir de liberté entrevu en début d’année.

Que sont devenus ces petits jouets qui symbolisaient si bien ce vent de liberté ?

Au début des années soixante Igra proposait un coffret étrange par sa composition : il contenait une ambulance, une Skoda et une automitrailleuse. Ces autos bénéficiaient d’éléments interchangeables (châssis avec mécanisme).

C’était une bien curieuse prémonition des événements qui allaient venir. .

Pour finir sur une note plus joyeuse, dans la boîte de M. Haas se trouvait une intruse, une auto qui n’avait rien à faire là : une auto d’origine mexicaine dans une boîte consacrée à des modèles Tchèques. M. Haas n’arriva pas à trouver une explication logique à sa présence.

De plus, sa taille imposante, du vrai 1/43, ne la faisait pas passer inaperçue au milieu des miniatures Tchèques plus  proches du 1/50 .

Il s’agissait d’une Dodge Royale policia produite au Mexique. J’ai consacré un blog il y a fort longtemps à la version taxi. (voir le blog Dodge Royal Taxi à Mexico).

M. Haas l’avait récupérée lors d’un voyage au Mexique ! Merci M. Haas d’avoir ramené au gré de vos voyages ces superbes témoignages d’une époque.