J’ai été contacté il y a quelque temps par Claude Thibivilliers. C’est toujours un plaisir de s’entretenir avec une personne qui a travaillé chez Meccano France. M. Thibivilliers a tenu un rôle important au bureau d’étude entre 1965 et 1971. Il a un avantage par rapport aux autres personnes que j’ai eu la chance de rencontrer : c’est un passionné qui possédait à son entrée chez Meccano une culture automobile solide. Il suffit de voir ses créations personnelles dans la revue Modélisme pour le comprendre.
Pourtant, l’appel de M. Thibivilliers fut comme une douche froide pour moi. Le ton était sec, il souhaitait aborder deux sujets : la Citroën DS19 présidentielle et son cortège et le Berliet Stradair, deux modèles dont j’avais parlé dans dans les blogs 205, 206, 207 et 35.
S’agissant de la Citroën DS19 présidentielle, il contestait l’authenticité du modèle présenté dans le blog. Claude Thibivilliers possèdait encore l’exemplaire photographié dans Modélisme, et pensait qu’il n’existait qu’un seul exemplaire. Il estimait que le blog remettait en question l’authenticité de son modèle. J’ai bien relu ce texte, pour vérifier qu’il ne lui portait pas préjudice. Or, j’avais bien signalé que manifestement deux autos au moins existaient. La seule chose que je pouvais affirmer était que celle en ma possession venait de la rue du Maroc. Je n’ai jamais eu l’intention de contester l’authenticité de la DS de M. Thibivilliers.
Beaucoup plus intéressantes furent les précisions qu’il m’apporta au sujet du Berliet Stradair. J’avais écouté les commentaires de Robert Goirand et d’autres collectionneurs de la première heure et j’en avais déduit que ce Stradair benne, comme l’autobus Berliet parisien ou le Saviem porte-fer avaient été injectés en plastique pour tester le moule avant d’éventuelles corrections. Il n’en est rien. M. Thibivilliers m’a expliqué en détail le procédé de fabrication. Je lui ai offert de publier un texte qu’il écrirait sur le sujet mais il ne l’a pas souhaité. Je me propose donc de vous livrer aujourd’hui toutes les précisions qu’il m’a données.
Pour cela, il faut se pencher sur la carrière de M. Thibivilliers. Elle commence chez Gilac, au bureau d’étude. Il connaissait donc la technique de fabrication des moules destinés à injecter du plastique. Fort de cette expérience, il est parti aux USA où vivait un membre de sa famille. Il y a trouvé du travail dans une entreprise qui fabriquait des maquettes plastiques. Là-bas, il a appris à travailler le polystyrène étiré. De retour en France, il est aussitôt embauché par Meccano. La direction a été séduite par ces nouvelles techniques d’ébauche des prototypes, elle y trouvait son intérêt. En effet, cela coûtait bien moins cher de payer un salarié que de devoir retoucher les moules une fois gravés lorsqu’ils présentaient un défaut. Il faut aussi comprendre que cette époque est favorable aux modèles sophistiqués. M. Thibivilliers m’expliqua qu’il avait réalisé le Stradair benne présenté dans le blog 35 avec des feuilles de polystyrène étiré d’épaisseurs diverses et de couleur blanche, le tout avec une tolérance de 0,5 mm par rapport au plan définitif. Cette réalisation révéla un défaut de fabrication qui empêchait la benne de bien fonctionner. Il précisa que sur le bus Berliet ce fut bien pire.
Il s’agit donc d’un véritable travail d’orfèvre, et non comme je l’ai indiqué par erreur d’une injection en plastique. C’est également Claude Thibivilliers qui a réalisé la version teckel, celle du Stradair surbaissé. Un document paru dans le « Charge Utile » hors série Berliet 1967 montre des photos du camion. Sur l’une d’entre elles, mon regard a été attiré par un détail : l’adresse de l’entreprise inscrite sur les portes du véhicule. Cette dernière, spécialisée dans les transports spéciaux, était établie avenue Henri-Barbusse à Bobigny. Claude Thibivilliers à qui je rapportais cette précision se souvint qu’un collègue lui avait suggéré cette déclinaison après avoir vu ce camion tout près de chez Meccano. Le projet a tourné court. D’ailleurs, la cabine n’a même pas été modifiée alors que ces « Teckels » avaient un capot moteur bien plus court que les autres modèles. Je profite de la présentation de ce prototype pour vous montrer une autre couleur qui ne fut pas retenue par Meccano. Il existe aussi une version de couleur bleue. J’adresse tous mes remerciements à M. Thibivilliers pour ces intéressantes précisions et les rectifications qu’il m’a permis d’apporter.