La conquête du Sahara français
La recherche et la découverte de nouveaux champs pétrolifères dans le Sahara ont eu des répercussions jusque dans nos vitrines d’amateurs de miniatures automobiles. On peut dire qu’il y eut à partir de 1957 un phénomène « Sahara » en France. Les magazines pour les jeunes, comme « Tintin » ou « Meccano magazine », mais aussi les grands quotidiens et même le cinéma vont s’y intéresser. Henri Verneuil tournera « 100 000 dollars au soleil » avec une impressionnante brochette d’acteurs et de superbes camions Berliet.
Toute la France a les yeux tournés vers le Sahara et les fabricants de miniatures français ne vont pas rester inactifs. Ils vont rapidement chercher à satisfaire cet engouement. Le Sahara a de quoi fasciner, les engins utilisés ont de quoi exciter la curiosité.
En 1952, quelques géologues français font preuve d’audace. Le démarrage est difficile, on trouve quelques gisements de gaz sec.
En 1956, le champ géant d’Hassi Messaoud est mis au jour. Cela vaudra la visite du Général de Gaulle. Toute l’industrie française va bénéficier de ces découvertes, et en premier lieu celle qui nous intéresse, l’industrie du matériel de transport.
L’exploitation des champs pétrolifères nécessite toute une logistique : matériel de forage bien sûr, mais aussi matériel de survie. Faire travailler des hommes et des femmes en plein désert nécessite un approvisionnement en eau potable et en nourriture. Enfin, il faut acheminer le pétrole vers les raffineries et les ports. Ces contraintes hors du commun font naître des véhicules hors normes. Si les principaux puits sont balisés par des pistes, la poursuite de la recherche conduit à s’aventurer hors des pistes. Les constructeurs de poids lourds, Berliet en tête, vont vite comprendre la nécessité d’avoir des véhicules toutes roues motrices. Les 6×4 ne sont pas suffisants. Il faut des 6X6. Une firme bénéficie de l’expérience américaine des forages pétroliers et brille dans cet exercice. Il s’agit de Kenworth qui se taille la part du lion. Dans cette période euphorique, que l’on dénommera plus tard les trente glorieuses, notre industrie du poids lourd n’a peur de rien. Tous les fabricants s’intéressent à ce marché pourtant bien étroit. Berliet, Unic, Willème notamment proposent des engins conçus spécifiquement pour l’usage saharien.
Cet engouement a des répercussions jusque dans l’industrie du jouet français, où nos fabricants, à l’instar des constructeurs de camions se livrent une farouche compétition pour un marché lui aussi assez étroit. Incontestablement nos fabricants pensent avoir trouvé un filon. Pourtant il faudra un peu déchanter.
Encore une fois, une des plus belles réalisations est l’œuvre de Dinky Toys France. Son Berliet GBO 15P 6×6 est une réussite. Son gabarit hors norme et son équipement permettent d’atteler au même titre qu’un tracteur, de longues remorques pour charger des éléments de derrick, des tonnes à eau, des containers frigorifiques voire des engins de terrassement et parfois même les deux.
Comme l’explique Jean-Michel Roulet dans son ouvrage, Dinky Toys avait prévu de réaliser une remorque : la miniature est en effet équipée de la traditionnelle lame d’acier brevetée « Meccano » permettant d’en atteler une. Mais cette dernière n’arrivera jamais. A la fin de la production, sachant que le projet de la remorque n’aboutirait pas, Meccano a purement et simplement supprimé la lame d’acier. Il n’y pas de petites économies. Comme on aurait aimé voir au moins le dessin du projet de Dinky Toys.
Ce camion Berliet GBO a obligé Dinky Toys à créer une jante et un pneu spécifiques qui resserviront sur quelques camions reproduits au 1/43 comme le Saviem porte-fer ou l’Unic Esterel. Signalons que le Berliet GBO Dinky Toys est reproduit à une échelle intermédiaire : il est au 1/55 selon les calculs de François Laurent. Pour mémoire signalons que les camions Berliet GLR sont au 1/50 chez Dinky Toys. La couleur des jantes évoluera dans le temps en s’éclaircissant. Le crochet sera en plastique sur les derniers exemplaires.
Enfin, une version promotionnelle a vu le jour pour la société « Languedocienne ». Cette dernière était chargée d’équiper en plateau dit « oil field body » avec chèvre, des châssis nus de camions destinés à la recherche pétrolière. Cette version est, je pense, de code 1, au vu de la qualité de la décalcomanie, similaire à celles vues à la même époque sur les autres modèles Dinky Toys. Dans les années 90, un faussaire a fabriqué des décalcomanies similaires et les a appliquées sur des versions du commerce.
Les modèles falsifiés sont repérables en raison de la transparence de la décalcomanie et de la couleur des lettres, plus claire. Enfin, la croix sur la porte est différente.
Ce Berliet GBO est le second modèle de la gamme Sahara. Il suit l’Unic semi-remorque porte-tubes qui n’avait pas nécessité un gros investissement de Meccano. Le camion et la remorque existaient déjà, Dinky Toys créera juste la galerie et le support de roue de secours. Dans la réalité, le transport de pipeline était réservé à des tracteurs et des remorques bien plus imposants.
Le succès n’a pas été au rendez-vous. C’est sûrement la raison pour laquelle la remorque prévue n’a jamais vu le jour. Dinky Toys réutilisera une partie du moule de son Berliet GBO, afin de mieux l’amortir, mais c’est est une autre histoire que nous verrons prochainement.