Luxe, Riviera et Ami 6 break
Tout avait bien commencé. Un casting de rêve : Ferrari 500 Superfast, Lamborghini Miura, Maserati Mistral, BMW 2000CS et Ford Mustang. Avec ses voitures de rêve, le catalogue Solido de 1966 ressemblait aux rues de la principauté de Monaco. Il présentait en effet le genre d’autos que l’on croisait dans la cité princière, sans qu’on ait même l’envie de se retourner, tellement elles semblaient faire partie du paysage.
En 1967, Solido surprit son monde. Sont-ce les prémices de l’année 1968 et des turbulences à venir ? M. de Vazeilles a -t-il eu la prémonition du changement qui allait s’opérer ? Que voit-on dans ce catalogue 1967.
Trois coffrets. Jusque là, rien d’extraordinaire. Collectionneurs, nous savons tous que les fabricants de jouets ont usé jusqu’à la corde l’astuce consistant à créer des coffrets dits ”coffret cadeau » afin d’écouler des modèles en fin de carrière.
Lesdits coffrets étaient présentés de manière avantageuse, dans des boîtes avec socle en plastique et couvercle en plastique cristal transparent (made in Monaco s’il vous plait !).
L’intitulé des coffrets est des plus sobres :
– 159 coffret cadeau « B » avec une automobile et un bateau hors-bord sur remorque L220 ;
– 158 coffret cadeau « C » avec une automobile avec caravane, hayon relevable ;
– 215 coffret cadeau « G » avec un camion Renault 4×4 , une motocyclette et deux motards.
On remarque tout de suite que dans sa description Solido fait abstraction du nom des constructeurs automobiles, sauf pour le camion Renault de la gendarmerie, comme il le faisait déjà avec les modèles démontables Junior des années cinquante. La lettre accolée en suffixe à l’intitulé du coffret sert à identifier le contenu : « B » comme Bateau, « C » comme Caravane et « G » comme Gendarmerie.
La surprise vient de la composition des coffrets. N’avez vous rien remarqué ? La placide ami 6 break, auto familiale est associée au hors-bord de luxe tandis que le pimpant cabriolet transalpin à deux places, icône de la séduction masculine est attelé à une caravane ordinaire. Etrange non ? Dans quel état d’esprit se trouvait-on chez à Solido pour constituer ces deux associations ? Un courant avant-gardiste, pré soixante-huitard parcourait-il les troupes ?
Je me rappelle fort bien que des amateurs qui possédaient ces rares coffrets dans leurs vitrines avaient jugé bon de les remettre dans « le bon ordre ». Aujourd’hui encore, dans la conversation, les gens inversent souvent la composition des coffrets, l’Alfa Romeo étant jugée plus plausible que la Citroën Ami 6 break pour tracter le hors- bord. Il est bien évident que Solido a conçu ces coffrets de manière consciente. Si le terme générique « automobile » utilisé dans le descriptif du catalogue laisse ouvertes toutes les suppositions, les dessins illustrant le carton protecteur du coffret plastique sont clairs et sans équivoque.
D’ailleurs j’aime assez l’image de cette Citroën Ami 6 break avec son canot à moteur au milieu des autos de luxe, perdue dans la circulation de la Principauté. Comme une incongruité. Le luxe à Monaco ne serait-il pas de tracter son Riva au moyen d’un break Ami 6 plutôt que d’une banale Lamborghini Miura ? Les artistes de l’Ecole de Nice y auraient peut-être trouvé une source d’inspiration.
Quant à l’Alfa Romeo Giulietta spider, en 1967, c’est déjà une antiquité. Elle a 11 ans. Pour séduire les belles, il y a désormais la nouvelle Alfa Romeo Duetto sortie en 1966. Là, on imagine un ancien playboy rangé des affaires de cœur emmenant son ultime conquête au camping des flots bleus.
Finalement, le choix de Solido est osé mais plein de bon sens, c’est un choix anticonformiste qui sied bien à l’époque
Ces deux références sont, sans conteste, les plus difficiles à se procurer de toute la série 100.
L’antique bateau en plastique de la Citroën Ami 6 break vient des Junior des années 1955, tout comme la caravane en plastique équipant l’Alfa Romeo. C’est peut être là que réside le charme désuet des ces deux articles au milieu des fantastiques modèles de la série 100.
Solido reste fidèle à sa ligne de conduite. Imperturbable. Ces coffrets de la série 100 ne sont que le prolongement de ces beaux coffrets apparus 15 ans plus tôt. Solido apparait comme une firme sachant à la fois innover et garder les recettes anciennes qui ont fait son succès.
Au plan technique, Solido s’est contenté de modifier astucieusement le moule du châssis sur les deux autos.
Le crochet d’attelage en acier, provenant aussi des modèles Junior est fixé lors du sertissage du châssis et maintenu droit grâce à un têton en zamac créé sur chacun des deux châssis. Signe de modernité, les deux autos et les attelages sont équipés des jantes moulées en zamac dénommées « standard » par BertrandAzéma.
Votre œil exercé aura remarqué l’étrange association des couleurs d’une des remorques tractées par l’Ami 6 break.On retrouve cette couleur sur les remorques des séries Junior. Dans le coffret de la série 100, elle est logiquement équipée des jantes « standard ».
Si l’Alfa Romeo est tout de même plus fréquente que l’Ami 6, la version de couleur bleu pâle est extrêmement rare.
Le collectionneur conservateur pourra se rassurer avec le troisième coffret. La lettre « G » est sans équivoque, c’est la lettre initiale de la gendarmerie.
Son numéro de catalogue le fait classer dans la série 200, constituée des modèles militaires On voit là toute l’habileté de Solido : après deux coffrets à destination d’une jeune clientèle contestataire, un troisième coffret empreint de bon sens s’adresse aux tenants de l’ordre public d’autant qu’un des gendarmes est en train de dresser un procès-verbal tandis que l’autre fait signe à un automobiliste de s’arrêter.