Comme pour tous les enfants, le mercredi était pour moi une journée particulière. Mes parents, commerçants tous les deux, travaillaient ce jour-là et il avait fallu trouver à mon frère et moi-même une occupation pour cette journée sans école. Ils m’avaient inscrit au catéchisme le matin, et aux Cœurs Vaillants l’après midi.
Bien qu’étant non-croyant, je garde un merveilleux souvenir des matinées passées chez une dame qui nous ouvrait sa maison et nous enseignait les principes de la foi chrétienne. Elle arrivait à capter notre attention alors qu’il aurait été plus naturel que nous ayons envie de jouer avec nos petites autos.
En m’inscrivant aux Cœurs Vaillants, mon père reproduisait un schéma qu’il avait lui-même connu. Ses parents l’avaient inscrit très jeune, il avait gravi les échelons et, devenu jeune homme, avait dirigé à plusieurs reprises des camps l’été. Mais si le mouvement était en plein essor au milieu des années cinquante, dix ans plus tard, il s’était essoufflé…mai 68 avait donné d’autres rêves à la jeunesse.
En tant que membres des Cœurs Vaillants, nous avions le privilège de recevoir le magazine. C’est dans Cœurs Vaillants qu’Hergé trouvera en France son premier support pour publier ses histoires. Les amateurs de BD savent que Tintin n’était pas toujours bien vu chez certains catholiques qui trouvaient étrange de glorifier un personnage dépourvu de famille et de métier. C’est pour satisfaire cette clientèle qu’Hergé créera les aventures de Jo, Zette et Jocko. J’avoue que pour ma part, j’avais une préférence pour la BD Sylvain et Sylvette de Maurice Cuvillier. C’est également à ce dernier que nous devons Perlin et Pinpin.
La grosse activité de l’hiver consistait, avec toute l’équipe, à monter un spectacle qui, après plusieurs mois de travail, devait être donné à la paroisse voisine devant les familles. Les adolescents qui nous encadraient avaient choisi de mettre en scène la BD de Hergé « le sceptre d’Ottokar ». Je faisais partie des plus jeunes, mon rôle était bref et se cantonnait à une phrase, ou plutôt, à deux mots : « halte-là ! ». Habillés en gardes Syldaves je devais avec un camarade m’opposer à la fuite d’un personnage. Je n’ai jamais réellement su si ma prestation avait été convaincante, car mon expérience d’acteur s’est arrêtée à ces deux mots.
Bien plus tard, devenu collectionneur, j’ai eu la surprise de découvrir une série de miniatures réalisées par Norev pour le compte des éditions Fleurus, alors éditeur du journal « Cœurs Vaillants » puis « Fripounet ».
J’ai une tendresse particulière pour la série de Citroën 2cv camionnettes aux couleurs des différentes bandes dessinées : « Perlin et Pinpin », « Fripounet et Marisette » et « Cœurs Vaillants ».
Les éditions Fleurus commandèrent aussi des autos afin d’apposer leur publicité.
La Peugeot 403 est aux couleurs des différentes publications du groupe : « Ames Vaillantes », magazine pour les jeunes filles et « Perlin et Pinpin ». Il existe aussi une Renault Amiral. La date de juin 1958 est indiquée sur une publicité, mais il n’y a aucun doute sur le fait que ces séries se sont étalées sur plusieurs mois, voire plusieurs années, ce qui expliquerait les différents modèles.
Ces autos ont été distribuées aux abonnés du magazine. Elles constituent le pendant aux miniatures offertes par le journal de Tintin qui étaient réalisées par Minialuxe, le concurrent de Norev. Les Norev, sont bien plus rares. A l’origine, les Minialuxe pouvaient être obtenues en échange de Chèques Tintin que les enfants découpaient dans l’hebdomadaire et les albums complets de la Collection du Lombard. Des marques de produits alimentaires se mirent à en faire figurer sur leurs emballages Ensuite, en fonction du nombre de points collectés, l’enfant choisissait un cadeau : ce pouvait être des miniatures bien sûr mais aussi des kilomètres de chemin de fer via la SNCF.
Les années ont passé. Ceux qui avaient choisi les trajets en train n’ont plus que le ticket. Ceux qui avaient opté pour les miniatures, et qui étaient soigneux ont encore leur trésor.