Le marchand sa fille et le collectionneur.
Tout homme par son métier doit bien gagner sa vie
mais le salaire n’émeut ni le coeur ni l’esprit
C’est avec des rencontres, des échanges des récits
Qu’on devient plus humain et que l’on s’enrichit.
Septembre 21 La Covid se retire,
Nous en sommes ravis, on pourrait presque dire
Que tout est comme avant car je suis à Milan.
Tous les collectionneurs ont repris de l’allant
Et l’armée des novices et la troupe des pros
S’en vont soigner leur vice au marché Novegro.
Il y eut néanmoins à l’entrée de l’enceinte
Un moment de tension une petite crainte
Quand du passe sanitaire la demande fut faite.
Mais il en fallait plus pour troubler notre fête.
En poste depuis la veille le préposé nous dit :
» Mais je vous reconnais, hier déjà je vous vis
Vous étiez semble-t-il sains de corps et d’esprit,
Libres de tout virus, passez donc je vous prie. »
Gérant comme il pouvait la file des chalands,
Ne voulant qu’elle grossisse il ne fut regardant
Oubliant que la veille, déjà sous la pression
Il s’était dispensé de vérification.
Tout fut dit et fut fait avec une belle humeur
Nous ne sommes pas en France, nous sommes en Italie,
et l’âme transalpine sait rire de bon coeur
Et trouve toujours prétexte à faire la comédie.
Nous sommes en italie et c’est bien un pluriel
Car ma fille m’accompagne qui m’emboîte le pas
Il me faut du métier lui donner les ficelles
Quelle gloire pour un père quel bonheur de papa !
Pour être revendeur encore faut-il savoir
Repérer, marchander, acheter sans déboire.
Et comme à la piscine on saute dans le grand bain
Il lui faut s’immerger dès le petit matin
Dans le monde du jouet, et de la collection
savoir mener sa barque et faire les additions.
La leçon commença par une belle trouvaille.
Une vitrine de fortune n’exhibait rien qui vaille,
Remplie de choses communes et des plus ordinaires
En apparence du moins, et pour qui manque de flair.
L ‘Alfa Auto chilienne y trônait tout en haut
Une volkswagen 1500 inspirée par Tekno
Avec jantes en acier, première génération,
Un vrai trophée pour ma petite collection !
Mais de cette journée c’est une autre émotion
Dont je me souviendrai à l’heure du départ ;
Celle de la rencontre avec un compagnon.
L’homme est d’un certain âge il a le cheveu rare,
mais la mine est affable, il parle aux acheteurs
Il discute des modèles, en explique la valeur.
J’attends qu’il ait fini pour demander le prix
D’une petite voiture, dont je me suis épris
et dont je cherche en vain à trouver l’étiquette,
Parfois en Italie le prix c’est devinette.
Son voisin qui nous a remarqué l’interrompt,
Le vendeur se retourne, sourit et me répond :
« Pour ce modèle mon prix est de 60 euros »
« 50, est-ce possible ? 60 c’est un peu trop ! »
Remarquant que nous sommes Français notre ami
plonge dans un carton, il sait qu’il y a mis
une Citroën 2 CV Bandaï, il la sort
D’un air canaille il la brandit, sourit très fort
Ses yeux brillent de malice, il est comme un enfant
« C’est ma première voiture, nous l’avions achetée
à trois, nous étions jeunes et c’était le bon temps !
Nous rêvions d’aventure et je peux vous confier
Qu’à ce jour ma Maman bien qu’elle soit très âgée
Ignore encore toutes nos folles escapades. »
Il est un peu ému, pense aux deux camarades.
« Et si vous pensez que 50 c’est mieux pour vous,
Donnez 50, les 5 € c’est rien du tout. »
Les souvenirs sont là, il en est bouleversé
J’ai payé 55 sans plus tergiverser.
Voyant combien j’étais sensible à son histoire,
Oubliant la Covid, pour me dire au revoir
Il m’a tendu les mains en signe d’amitié
Que j’ai serrées bien fort, vraiment quel beau métier !
Une idée de Vincent mise en forme par Isabelle.