La Peugeot 402 en déroute
Parmi toutes les Peugeot 402, j’avoue une préférence pour la « banale » limousine. Il faut dire que la réalisation en est impressionnante.
C’est une auto fort réussie, étroitement dérivée du courant « streamline », nous l’avons dit, vu aux Etats-Unis en 1934 avec la fameuse Chrysler Airflow.
Il y a cependant une touche française dans cette auto, comme une élégance « made in France », que ce soit dans le traitement de la face avant avec les phares intégrés dans la belle calandre, ou dans la partie arrière, toute en rondeurs harmonieuses.
JRD a parfaitement su en saisir et en retranscrire les lignes. L’échelle choisie, le 1/43, participe à la réussite de la réalisation. Il faut garder à l’esprit que peu de Chrysler Airflow ont été fidèlement reproduites en miniature, ce qui du reste n’enlève aucunement leur charme aux jouets qui comportent une part d’approximation.
Il y a fort longtemps, j’avais déjà traité cette auto que j’aime particulièrement. De récentes acquisitions me font revenir sur le sujet. Précédemment, dans les articles relatifs aux Peugeot 402 en plastiline de JRD nous avons vu qu’il existait plusieurs tailles de reproduction (voir les articles sur les Peugeot JRD en plastiline). Ainsi, la Peugeot Darl’Mat existe en trois tailles distinctes pour lesquelles il y a bien trois moules différents. Pour la Peugeot 402 limousine, il semblerait qu’il y ait également trois moules différents. Si l’on ajoute le fait que le second moule présente une variation au niveau du passage de roue, cela fait beaucoup pour une auto produite de 1936 à 1940.
Prenons les choses de manière chronologique.
Il semble évident que la première mouture possède une calandre rapportée en tôle et des axes arrière maintenus avec des pattes recourbées en acier qui ont été moulées avec l’auto.
On imagine la difficulté à insérer ces pattes durant le moulage. Cela devait se faire à un moment particulier du séchage de la plastiline. L’opération relève davantage de l’artisanat que d’un processus industriel. Une encoche a été prévue dans le moule, juste au dessus de la calandre afin de fixer cette dernière. Cette version me paraît plus rare que les autres. Je me souviens parfaitement du jour où un client m’a appelé de la région rouennaise pour me signaler l’existence de cette auto. Elle avait perdu sa calandre. J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’une copie, mais lorsque j’ai vu la miniature, ce fut une réelle surprise. Une des plus grandes de ma vie de collectionneur. J’ai trouvé la calandre bien plus tard, dans un lot de pièces détachées.
C’est une miniature qui revient de loin. Je l’ai classée en début de production, au vu des nombreuses difficultés rencontrées dans la fabrication., Une simplification s’imposait.
Elle va intervenir de manière radicale dans la deuxième mouture : la calandre sera désormais moulée, et l’axe arrière maintenu grâce à une perforation de part en part du pont arrière moulé de manière monobloc avec la carrosserie. Pour aider à la mise en place des roues arrière, JRD opère une ouverture au bas des ailes arrière. Adieu la belle gravure avec la tête de lion qu’arborait le premier moule.
Pour des raisons qui nous sont inconnues, JRD va agrandir le passage de roue et supprimer cet élément de carrosserie. Nous pouvons avancer deux explications : soit cela aidait au positionnement dans l’atelier des roues arrière, soit le moulage compliqué de cette partie provoquait une usure et des malformations entrainant un nombre important de refus. On ne peut exclure cette hypothèse.
Au vu des variantes de moules et de tailles des autos, on peut s’interroger sur la durée de vie des moules dans lesquels était coulée la plastiline. Si je me réfère à la vie des moules en élastomère servant à produire les modèles artisanaux en résine, ces derniers ne permettent de sortir qu’un nombre de pièces limité.
C’est avec ce constat que je vous présente la troisième mouture. Elle m’était totalement inconnue il y a peu. Il s’agit d’un moule entièrement nouveau. Le traitement de la grille avant est différent. Elle est plus plongeante. Les volumes semblent mieux respectés par rapport à la vraie voiture, notamment le capot moteur, bien moins plat que sur les versions précédentes.
Pourtant le rendu visuel global est assez déconcertant par rapport à la version précédente. Il s’agit sans doute aucun d’un autre moule. La présence des pneus Michelin indique que nous sommes encore avant le second conflit mondial. Certes, on ne peut exclure que le stock de pneus Michelin de JRD fut liquidé jusqu’à épuisement durant ce même conflit et remplacé ensuite par des roues en buis, mais je n’ai jamais vu de Peugeot 402 limousine ainsi équipée.
Cette Peugeot 402 reste fortement attachée aux images de la débâcle de juin 1940. Elle est souvent utilisée par les cinéastes dans les reconstitutions de scènes de l’exode de 1940. On voit ainsi le cortège d’une population jetée sur la route, fuyant le front et partant vers le sud de la France au milieu des attelages hippomobiles, des charettes à bras et des autos roulant au pas, lourdement chargées. Cette auto méritait une image plus glorieuse.