Le personnage semblait sorti tout droit d’un roman de Jane Austen. La romancière aime inclure dans ses histoires des personnages secondaires qui d’un roman à un autre ont de forts points communs.
Notre homme avait la bonhomie provinciale, l’apparence n’était pas sa priorité. C’était un homme bien en chair et carré d’épaules. Sa silhouette volumineuse contrastait avec celle de son épouse, plutôt chétive. Des bonnes joues un peu rouges et un sourire qui avait gardé la malice de l’enfance faisaient qu’on lui aurait donné le bon Dieu sans confession.
L’esprit était vif les yeux pétillaient à la vue de Dinky Toys d’avant-guerre. Je l’ai rencontré pour la première fois lors d’une vente de la maison Christie’s consacrée aux Dinky Toys d’avant-guerre. Cette période de production était la seule qui l’intéressait. J’ai toujours imaginé, sans jamais avoir pu lui poser la question, qu’il avait été privé de petites Dinky Toys avant la guerre et qu’il rattrapait le temps perdu.
Le fait de rencontrer une autre personne qui partageait sa passion pour cette période de production le mettait en joie. Que je sois de nationalité française rajoutait un peu de piment à la situation et comme tout britannique cultivé, il ne manquait jamais l’occasion de montrer qu’il maitrisait parfaitement la langue de Voltaire. Parfois, il prenait un coin de table lors de bourses d’échange londoniennes. Il avait rarement plus de 10 articles sur son étal. La table servait surtout de point de ralliement aux autres amateurs de ce type de modèles qu’il aimait recevoir chaleureusement. Les prix qu’il pratiquait étaient, il faut le dire, assez bas, car le commerce n’était pas son but.
C’était un pur collectionneur qui venait de temps en temps remettre dans le circuit des modèles qui avaient transité par ses vitrines et dont il avait trouvé des exemplaires en meilleur état.
Rares sont les collectionneurs qui vendent désormais pour ce seul motif et nombreux sont ceux pour qui pratiquer le commerce est devenu une deuxième raison de vivre après celle de la collection.
Je le reverrai toujours, sur le seuil de la maison Christie’s, son petit carton sous le bras qui contenait quelques modèles acquis de haute lutte aux enchères. Il n’y a qu’en Angleterre que j’ai pu assister à ce genre de scène. Durant la vente, collectionneurs et marchands s’empoignent férocement. Lorsque cette dernière est finie, chacun congratule l’autre pour l’excellence de ses achats. Faire partie du cérémonial, c’est être inclus dans le cercle des initiés.
C’est ici que l’on vous fait comprendre, après la bataille, si vous avez un goût sûr ou non. C’est un moment rare et agréable. La hache de guerre est enterrée et, sur le trottoir de la salle des ventes, tout le monde se donne rendez-vous pour la prochaine vente.
Chacun repart avec son butin mais il n’y a de ce côté du Channel ni convoitise ni jalousie. Nous avions donc avec John Westcombe un grand respect mutuel. Le jour où j’ai appris sa disparition et la dispersion rapide par sa veuve de sa collection, j’ai été affecté. Cette collection a été dispersée en une vente. Je suis ravi d’avoir pu acquérir bon nombre de modèles. Certains me faisaient défaut et d’autres m’ont permis d’améliorer la qualité de ceux que je possédais, selon la technique qu’il affectionnait.
J’ai choisi cette boîte de six camions citernes série 25, tous d’avant -guerre. C’est un panachage de sa collection et de la mienne. Il aurait sans doute aimé qu’une partie de ses modèles soient venus compléter ma collection. Cette série de camions citernes est tout simplement splendide. Il faut juste rappeler que ces camions n’ont été créés que pour animer les trains Hornby, tout du moins au départ. C’est pourquoi ils reprennent les couleurs des wagons citernes de ces derniers. Il faut savoir que la boîte de six était composée uniquement de six camions arborant la même publicité. Je n’ai pas vraiment d’attrait pour ce genre de collection qui consiste à rassembler six exemplaires identiques dans une même boîte. Dans ce cas, et en étant logique jusqu’au bout il faut alors les trouver dans le même état et les même nuances de couleur, ce qui est totalement utopique pour ce type de produit.
Le camion 25 D est composé de deux parties. Dinky Toys a cru bon de créer un moule particulier pour chacune des variantes de la série 25. La firme de Liverpool se servira juste de la version ridelles pour créer une version avec l’adjonction d’une bâche en tôle. Les premiers modèles arborent une calandre en tôle, sans phares. Éphémère, le moule sera réaménagé pour recevoir une calandre injectée en zamac équipée de deux phares. D’aspect fort réussi, il s’agit d’un camion générique, sans identité propre. Réunir des modèles de cette série est un challenge jalonné de nombreuses difficultés. Outre l’état de conservation de la peinture, celui du métal entrant dans sa composition est sûrement ce qui pose le plus de soucis au collectionneur. Le zamac de cette période, fort instable est un élément qui fait que les survivants sont peu fréquents.
Il faut beaucoup de patience pour pouvoir rassembler une palette.