Studebaker : la tournée de mon père – 1

Troisième volet de la série 25 en hommage à mon père.

Après les Ford, voici le 25 K Studebaker, camion maraîcher qu’il affectionne particulièrement.

A l’issue de la guerre, beaucoup de véhicules de l’armée américaine trouvèrent une seconde vie, dans un usage civil. Une partie des entreprises dont les véhicules avaient été réquisitionnés pendant le conflit avaient été prioritaires à la libération pour obtenir un véhicule à essence.

Studebaker
Studebaker

Ce fut le cas d’un cousin de ma grand-mère, négociant en aliments pour bétail et en vins à Champagnac. Pendant les grandes vacances, celui-ci emmenait mon père alors enfant, faire la tournée des débits de boissons du Cantal. Le pays est rude, et si la renommée de la production vinicole locale ne dépasse pas le département, durant l’hiver, le produit réchauffe autant qu’un autre. J’ose espérer que mon père se contentait d’une limonade.

En tout cas, mon père était très fier à l’intérieur du Studebaker. Il faut dire que le Studebaker était encore équipé de sa tourelle et il avait plaisir à se tenir debout sur la banquette, le nez au vent, comme dans une décapotable.

La campagne auvergnate, les routes sinueuses étroites et bosselées, c’était le rêve pour un gamin venant de la région parisienne. Il ne faut pas chercher plus loin l’intérêt pour mon père de ce véhicule.

Il a été difficile de réunir ces Studebaker maraîchers. L’expérience nous a enseigné que ces modèles, moins spectaculaires que les tapissières (25L), étaient bien plus rares. Ils empruntent le même châssis sur lequel est fixée, au moyen d’un axe vertical serti, maintenu par une roue de secours, une ridelle haute ajourée. Les modèles se différencient par la présence d’une bâche en tôle amovible sur la tapissière. On ne peut confondre les deux. Le maraîcher reçoit une finition bicolore, la teinte du châssis cabine étant différente de celle de la ridelle. Pour la tapissière, le châssis cabine et les ridelles sont unicolores. C’est la bâche qui reçoit une peinture de couleur différente.

Il y avait une petite différence de prix entre les versions maraîcher et tapissière, due au surcoût de la bâche en tôle. La tapissière a eu davantage de succès. Un slogan imprimé était placé à l’intérieur et précisait : « deux jouets en un ». Aujourd’hui encore, la tapissière a les faveurs des collectionneurs.

Le camion Studebaker sera exploité plusieurs années par Meccano qui a peut être vu là un moyen d’étoffer son catalogue à moindre coût. Il connaîtra les deux moules. Je me souviens avoir été passionné par les photos révélant les différences de moule lors de la parution du premier livre de Jean-Michel Roulet : la « caisse à outils sur le marchepied » et « la baguette large sur le plat du capot ».

Ces détails me paraissent évidents aujourd’hui, mais à l’époque, il nous fallait un certain temps pour bien identifier un premier moule d’un second !