La vie du collectionneur est cadencée d’acquisitions programmées. Les achats s’inscrivent dans une suite logique de complètement d’une série. Cette vie deviendrait vite monotone s’il n’y avait des cassures de rythme : des rencontres inattendues où la logique cède le pas au plaisir de se laisser surprendre par une découverte inattendue.
C’est précisément ce que j’ai ressenti à la découverte de ces deux boîtes Banania. Elles n’ont aucune valeur particulière, mais j’ai été conquis. Qu’est-ce qui fait qu’on se laisse séduire de manière irrationnelle ?
L’effet de surprise d’abord : je ne connaissais pas ces objets et je ne me souviens pas, enfant, avoir vu ces découpages. Certes, j’en ai rencontré d’autres. Je garde un souvenir plaisant de ces planches. Comme elles étaient belles ces autos à plat. Le dessin montrant l’objet fini faisait naître dans mes yeux des étoiles. Je les imaginais déjà avec mes Solido et Norev. Quel dommage que mes talents dans le maniement des ciseaux aient été si limités ! C’est surtout les roues qui me posaient problème… Quelle idée de la part de l’artiste ayant mis à plat ces autos que d’avoir créé des rondeurs parfaites. Quelle exigence pour les bricoleurs en herbe : même pas un méplat ! Moi, du méplat, j’en créais à foison… je peux même parler de crevaison lente.
Bref, ces autos auxquelles j’avais consacré tant d’énergie, me laissaient souvent déçu, au milieu d’un champ de pinces à linge, les doigts gluants de colle, et finissaient leur carrière à peine commencée à la poubelle !
Confus d’avoir gâché le bel objet, je me promettais alors de m’appliquer davantage la fois suivante. Les progrès furent lents ! Il faut peut-être atteindre la maturité pour réaliser avec sérieux les choses les plus futiles. Mes dernières réalisations sont dignes de figurer en vitrine. Lorsque je trouve les planches en double, j’en conserve une intacte et je découpe l’autre. Mais les deux boîtes présentées ce jour, il n’est pas question que j’y touche. Je ne peux pas me limiter à voir dans ces objets un simple découpage à effectuer, un travail manuel en devenir
L’histoire de ces planches me laisse un peu mélancolique ; le marchand qui me les a vendues m’a raconté qu’il les avait trouvées, bien rangées à plat au fond d’un meuble de cuisine lors d’un débarras. Les enfants, certainement turbulents, à qui on avait promis ces découpages en échange d’un petit moment de sagesse n’ont-ils jamais su les mériter ? Est-ce une grand mère qui a vainement attendu que ces petits enfants lui rendent visite ? Faisait-il tellement beau que tout le monde préférait les jeux de plein air aux travaux de découpage-collage… Tant pis pour les enfants, tant mieux pour moi qui peux vous présenter aujourd’hui ces petits trésors. Il n’y a que mes petits enfants, si j’en ai un jour, qui auront le droit de se faire les ciseaux dessus !
PS : je joins deux autres exemples de découpages réussis. L’ensemble avec la moto « AA » provient des céréales Weetabix, alors que le Peugeot J7 vante une compagnie de transport communale Ville de Caen.