Un GBO au Bois d’Amour
Vous souvenez-vous de la première fois où vous avez ressenti de l’émotion devant un tableau ? Pour ma part je me souviens fort bien de mon premier choc artistique.
C’était au lycée, avec un professeur d’histoire-géographie. Nous étions au mois de juin, à la fin de l’année scolaire. Le soleil brillait derrière les vitres de la classe et la pression des résultats était retombée. Il arrive, que dans des circonstances telles que celles-ci, on découvre une autre face du professeur qui a délivré son enseignement au cours de l’année.
Fini le personnage terne et grognon, qui répétait sans cesse que nous étions des ignares par rapport aux élèves de la génération précédente.
Notre professeur nous a donc présenté la reproduction d’un tableau de Paul Sérusier, « Le bois sacré ». Nous avons tout de suite senti combien ce type de peinture le passionnait. C’est cette passion communicative qui m’a touché. Il nous posait des questions, nous demandait ce que nous voyions.
Il voulait notamment nous faire comprendre comment le tableau était construit, comment les arbres structuraient l’espace de la toile et attiraient les yeux du spectateur vers le ciel. Leur position, leur silhouette élancée, leurs troncs dépouillés, tout cela n’était que calcul. Ce fut un déclic, j’étais transporté.
C’est ainsi que j’ai découvert les « Nabis », ceux qui avaient fui Pont-Aven et ses colonies de peintres, pour se réfugier au Pouldu, plus tranquille. Entre ces villages se trouve une petite forêt qui porte le joli nom de « Bois d’amour ». Elle a inspiré nombre de peintres dont bien sûr Paul Sérusier, Georges Lacombe, Paul Gauguin. Parfois la forêt peut sembler inquiétante, souvent elle est mystique. Sa représentation s’inspire des estampes japonaises dont les Nabis ont emprunté les codes, l’arbre a une place majeure.
Si des artistes ont su transformer de simples troncs d’arbre en chef- d’œuvre, on ne pas dire que ce fut le cas de Quiralu avec son fardier. Le chargement composé de madriers n’était pas taillé pour le succès.
Toute l’originalité de la reproduction d’un camion fardier repose sur la façon dont le fabricant de jouets a traité son chargement de bois
Il y plusieurs écoles. Avec son Willème, Dinky Toys, a choisi la véracité. Ce sont des grumes en branches de noisetier qui sont chargées. C’est simple, efficace et beau.
D’autres comme Tekno, FJ ou Quiralu ont choisi du bois travaillé en scierie. C’est plus « propre », il n’y a ni défauts ni aspérités et sans doute moins de charme. Il y a quelque chose d’aseptisé et cela conviendrait parfaitement à des jouets actuels.
Dans les années quatre-vingt les américains d’ERTL ont choisi une troisième solution. Les troncs d’arbre sont injectés en plastique : ils ont ainsi réglé les problèmes de bois vermoulu et le prix de revient est imbattable. Le contrôle de gestion a dû passer par là.
Quiralu avait déjà bien du mal à amortir l’outillage de son camion Berliet GBO bâché (voir l’article sur le Berliet GBO bâché). La version tribenne ne suffisant pas à relancer les ventes (voir l’article sur le Berliet GBO benne), l’entreprise tenta sa chance dans une troisième et éphémère version. Pour cela l’investissement fut des plus raisonnables : deux ranchers et la commande de madriers calibrés. Il devait y avoir de nombreuses scieries aux environs de Luxeuil. Bien évidement, le prix élevé du véhicule fut un frein à sa diffusion.
Aujourd’hui c’est une rareté. Il n’est pas très esthétique mais il a une place de choix dans le panthéon des collectionneurs de jouets français.