Un GBO de rêve en plein désert
J’ai parcouru le désert très jeune. C’est un paysage qui exerçait sur moi une forme de fascination mêlée de peur. Cet horizon que rien ne venait barrer, ce paysage monotone à l’infini me déconcertait.
Comme beaucoup d’entre vous, le désert, je l’ai découvert en lisant les aventures de Tintin. J’ai compris plus tard, en m’intéressant au style d’Hergé et à sa fameuse « ligne claire » que le désert était un univers adapté au style de l’artiste.
La « ligne claire » dont le nom a été trouvé tardivement, consiste à souligner d’un trait noir régulier chaque élément du dessin créant ainsi une séparation artificielle. C’est un cerclage comme celui utilisé par les peintres Nabis en Bretagne . Les caractéristiques du paysage désertique donnent l’occasion à l’artiste de réaliser des dessins épurés. La représentation du ciel offre les mêmes opportunités, un aplat de couleur bleue symbolise la pureté de l’azur.
Vous connaissez tous l’épisode de Tintin au pays de l’or noir dans lequel les Dupondt ont des hallucinations. C’est un épisode qui marque toujours les jeunes lecteurs, il y a une fascination pour le mirage. Le dictionnaire nous explique qu’il s’agit d’un phénomène de réfraction, observé dans les déserts et pays chauds où il produit l’illusion d’une nappe d’eau s’étendant à l’horizon.
On se délecte des mésaventures des Dupondt dans leur Jeep. Le phénomène de répétition est pour beaucoup dans l’effet comique de ces scènes.
Les dirigeants de Quiralu, en proposant leur Berliet GBO Saharien ridelles bâché, ont sûrement aussi été victimes du phénomène. Pourtant, en Haute-Saône, entre Vesoul et Belfort, à Luxeuil précisément, la région n’est pas renommée pour les hautes températures. A moins qu’il n’ y ait eu abus d’une liqueur locale afin de mieux supporter les températures rigoureuses de l ‘hiver.
J’aurai l’occasion de revenir prochainement sur l’histoire et la genèse du Berliet GBO . J’envisage une série d’articles ayant comme point commun la conquête et l’exploitation des champs pétrolifères dans le désert. Disons que dans la réalité, ce GBO, dénommé GBO 15 6×6 a été conçu principalement pour un usage saharien. La reproduction qu’en a livré Dinky Toys France en est un parfait exemple. Equipé d’un plateau dénommé « oil field body », il peut tracter d’imposantes remorques chargées des matériaux les plus divers : citerne à eau, élément de derrick , engins de terrassement , rien ne lui résiste.
La firme Quiralu a en fait créé un engin hybride, n’ayant que peu de ressemblance avec le véritable Berliet GBO 6×6. Ce véhicule se devait d’avoir une certaine autonomie. Il était équipé d’une galerie, de roues de secours et de treuils pour les descendre.
Le Sahara n’est pas la nationale 7, il n’y pas un garage tous les 20 kilomètres.
La cabine est fidèlement reproduite mais le plateau ridelles bâché n’est pas compatible avec ce genre d’engin. En fait, ce plateau ridelles bâché est plus adapté au GBC 8 6×6 dit « gazelle ». De gabarit inférieur, sa silhouette est des plus connues.
Je reste persuadé que Quiralu a souhaité dans un premier temps reproduire ce genre d’engin, mais la possibilité de reproduire un camion encore plus imposant a finalement dû tenter les dirigeants. N’oublions pas que Berliet présentait à cette époque son T100, encore plus démesuré.
Il n’en reste pas moins que la miniature produite par Quiralu, si peu fidèle à la réalité est un objet magnifique. C’est un jouet et non une maquette, devant lequel nombre d’enfants ont dû rêver. Tout l’attrait réside dans le traitement de la bâche réalisée en tissu et cousue main. Des arceaux métalliques structurent l’ensemble. Un détail doit être ici rapporté. Quiralu, comme son voisin Rami, utilisait la main-d’œuvre locale en distribuant le travail chez l’habitant. En pleine zone rurale, cela assurait une petite rémunération à la population.
Ceci explique les nombreuses variantes observées dans le montage de la bâche : tissu employé, coutures, avec ou sans fermeture à l’arrière. Cela ajoute un charme supplémentaire à ce jouet.
La version de couleur sable est moins fréquente que celle de couleur rouge. Celle qui possède en plus les ridelles de couleur rouge est vraiment rare. Enfin, la version de couleur verte est très rare, elle reprend les couleurs vues sur le tri-benne.
On appréciera la boîte, fort évocatrice : des palmiers, des puits de pétrole, des dunes et ce titre évocateur »camion saharien gros porteur ».Pas de doute il s’agit bien d’un modèle destiné à l’aventure. Un dernier mot:
Il y a quelques années, un client lyonnais m’a contacté au sujet d’une étrange boîte. Il me parlait d’un fond jaune. Effectivement, je connaissais une boîte, nettement moins fréquente avec un dessin similaire mais le bleu de la boîte avait fait place à du jaune. Mon interlocuteur m’a répondu qu’il s’agissait encore d’autre chose : il s’agissait d’une boîte avec rabats, portant sur ces derniers la mention Eria. Par chance il a pu en récupérer deux exemplaires. Il semble qu’Eria, qui avait repris en fabrication certains moules Quiralu avait songé à produire le Berliet. Une chose est sûre , la boîte existe !