La querelle des bouffons
Ce n’est pas une conversation entendue dans une rame de métro de la ligne 5 en direction de Bobigny qui m’a inspiré cette chronique. Non, c’est une émission de Jérémie Rousseau diffusée le 7 juillet 2019 sur France Musique qui relatait cet épisode historique appelé « la querelle des Bouffons » ou « guerre des Coins ».
Nous sommes au 18ème siècle. Louis XV règne. Les encyclopédistes, Jean-Jacques Rousseau à leur tête, vont lancer une polémique. Ces derniers sont charmés par un nouveau type d’opéra, tout droit venu d’Italie, l’opéra « buffa ». Ils mettent en avant ses qualités : effets comiques, légèreté, sujets inspirés du quotidien qui sont les caractéristiques principales de ce type d’ opéra.
A cette époque, on joue à la Cour du roi des tragédies lyriques typiquement françaises, dont les sujets sont inspirés de la mythologie. Lully est à l’origine de cette musique « savante ». Rameau, en sera le digne successeur. Ce dernier, avec l’appui du roi et de sa maîtresse Mme de Pompadour s’opposera donc à Rousseau, aux encyclopédistes et à la reine. Cette « querelle » durera deux ans et fera l’objet d’échanges musclés entre les partisans des deux camps.
Dans le domaine de la collection d’automobiles miniatures, j’ai parfois assisté à des querelles de chapelles, entre les partisans des modèles en « fer » et les partisans des modèles en « plastique ».
Une petite partie des collectionneurs de DinkyToys peuvent avoir du mépris pour les modèles Norev en plastique, du fait de la déformation dans le temps de certains d’entre eux. Ils opèrent un raccourci rapide entre le prix, faible, des Norev et l’absence de qualité. C’est un raisonnement assez simpliste.
Les amateurs de miniatures Norev peuvent répondre que les Dinky Toys ne sont pas exemptes de problèmes de tenue dans le temps. On observe de la « metal fatigue » même sur des produits d’après-guerre.
Je me souviens d’un confrère, Alain Gransard, qui avait mis sous cloche dans son magasin, une superbe Ford Vedette 1949 issue du fameux stock de magasin provenant de Marseille, « La Provence », entièrement en métal fatigue. Il s’agissait de mettre en garde les amateurs de Dinky Toys : « Regardez ce qui vous attend. » On reconnait bien là le style d’Alain Grandsard.
Une chose m’est apparue évidente au fil de mon activité commerciale. Les collectionneurs de miniatures reproduisent très souvent dans leurs choix de collection le schéma de l’enfance. Ainsi ceux qui ont été bercés par les miniatures en plastique restent toute leur vie attachés à cette matière. On n’échappe pas si facilement à son destin !
C’est très souvent le prix, bien plus élevé des modèles en zamac qui a contraint les parents de l’enfant à se rabattre sur la miniature en plastique. C’est très rarement un choix délibéré. Famille nombreuse, ou parents tirant le diable par la queue et l’enfant aura été familier des Clé, des Minialuxe ou des Norev.
Devenu adulte, installé dans la vie, même si ce dernier a la possibilité financière de collectionner les Dinky Toys, il restera bien souvent comme attaché à ses Norev.
Même si j’ai parfois taquiné les amateurs de Norev, j’ai un faible pour cette firme. Depuis l’enfance également. Mon père était à l’époque fumeur, ma tante également, et j’associe le souvenir des présentoirs Norev à l’odeur du tabac.
Haut comme trois pommes, je les regardais en contre- plongée et leurs couleurs me faisaient rêver. La matière plastique dans laquelle elles étaient injectées n’était aucunement un obstacle pour moi .
D’ailleurs, dès le début de notre aventure de collectionneurs mon père et moi, avons été séduits par cette firme. Un des premiers thèmes de notre collection a été les camionnettes publicitaires, et Norev en ayant produit un grand nombre, cette firme nous est vite devenue familière au même titre que Tekno ou C-I-J.
Je vais vous présenter ce- jour le Citroën 1200Kg . Norev savait utiliser la planche à décalques (papier) ! Au fil de la production qui s’est étalée de 1959 à 1968 environ, de nouvelles publicités sont régulièrement apparues. Certains modèles ont subi des déformations dans le temps.
Observez les modèles photographiés. Nous avons mis du temps à réunir ces exemplaires bien conservés. Mais ils sont la preuve que l’on peut en trouver en bel état.
Il y a quelques raretés. Les promotionnels bien sûr, dont celui édité pour Citroën Ouden à Rotterdam aux Pays-Bas. je n’en sais pas plus sur la façon dont fut diffusé ce modèle. On peut légitiment penser qu’il a été distribué dans cette grande concession.
Celui aux couleurs Michelin est peu fréquent. Vous aurez noté que Norev a curieusement reproduit ce véhicule de couleur verte et non jaune , couleur traditionnelle du manufacturier clermontois.
Celui aux couleurs d’une succursale Lévitan à Toulon avec l’adresse du magasin m’a été cédé par M. Darotchetche, un des auteurs du livre qui fut un véritable succès sur la marque Norev. On peut légitiment penser que les dirigeants de cet établissement ont demandé à Villeurbanne de réaliser sur la base du modèle du commerce une variante avec leur adresse. D’autres magasins Lévitan ont peut -être fait de même.
Les autres modèles semblent tous avoir été produits en série. Il est fort probable que d’autres modèles promotionnels réapparaîtront un jour ou l’autre.
Les premiers exemplaires du Citroën HY sont sortis dès 1959. Il faut bien se souvenir que Norev, on l’oublie un peu, a reproduit tous ces modèles à l’échelle du 1/43.
D’ailleurs, sur une rare publicité apparue dans dans le premier répertoire consacré aux miniatures automobiles en 1959, on peut lire ce slogan imparable:
« Vous pouvez passer sous une échelle mais pas sur celle de votre collection. Norev respecte scrupuleusement la réduction au 1/43. »
C’est un argument des plus intéressants quand on sait qu’une partie des amateurs de DinkyToys pensent que toutes les Dinky Toys sont au 1/43 !
Voilà bien quelques arguments qui risquent de raviver la querelle entre les deux clans.
Au bout d’un certain temps, Jean-Jacques Rousseau fut lassé par cette polémique. Il lâcha quelques encyclopédistes qui selon lui étaient allé trop loin dans la querelle et les propos. D’ailleurs il reconnaissait bien le talent et le travail de Rameau.
Il vit dans la musique nouvelle de Christoph Wilibald Glück, une alternative aux deux camps opposés.
S’agissant de la collection de miniatures, à l’image de Jean-Jacques Rousseau qui aima Rameau, s’enthousiasma pour les Italiens et se laissa charmer par Glück, je vous suggère une solution des plus simples.
Les deux firmes ont des atouts non négligeables. Faites comme nous, collectionnez les deux.
PS: nous tenons, ma mère, mon frère et moi à remercier toutes les personnes qui nous ont témoigné leur soutien. Sachez que nous avons été très touchés par les très nombreux messages. Merci de tout coeur.