La Muse, le moteur et la musique.
Comme un inventaire à la Prévert : une affiche publicitaire pour un hamburger, la une d’un journal, le comportement des visiteurs dans un musée.
Toutes ces petites choses quotidiennes peuvent servir de prétexte à la réalisation d’un blog, ou du moins à son point de départ. La vie de tous les jours est source d’inspiration.
La radio est souvent à l’origine de mes divagations, notamment la station de radio publique France Musique.
L’émission d’Anne-Charlotte Rémond, « Musicopolis », qui nous plonge dans l’histoire des compositeurs et de la création de leurs oeuvres m’inspire beaucoup, qu’il s’agisse de Maître Pérotin, compositeur français au passage de l’an 1200, dont la journaliste avoue que l’on ne sait pratiquement rien ou d’ Arvo Pärt compositeur estonien contemporain.
Son émission me fournit de la matière, je la retravaille et la transpose à l’univers de la collection des miniatures automobiles. Cela oblige parfois à quelques contorsions.
(voir celui consacré à la cantate du café)
(voir celui consacré à Aaron Copland)
Aujourd’hui c’est pourtant une autre émission de France Musique qui m’a donné le déclic. Nous sommes en plein confinement, et contrainte à des rediffusions, France Musique puise dans ses archives. Durant cette étrange période, à 11 heures, c’est l’émission « Comme si vous y étiez » du journaliste Jérémie Rousseau qui est extirpée du passé.
Il s’agit de présenter un compositeur à travers la période de son existence qui a été déterminante dans son oeuvre. Ce mardi 5 mai l’émission est consacrée à John Adams, compositeur étasunien. Tout en travaillant, j’écoute d’une oreille le récit du journaliste.
C’est l’art du conteur que de vous embarquer dans une histoire. Et cela fonctionne parfaitement ce jour-là.
Pour évoquer le début de la carrière de John Adams, le journaliste le présente en train de démarrer sa Volkswagen. Elle est de couleur bleu-clair, et « il en est très fier ».
Le journaliste précise que c’est dans ce véhicule que John Adams a raccompagné le compositeur Aaron Copland, le jour où ce dernier est venu à Harvard écouter de jeunes diplômés. Nous sommes en 1971, et John Adams est effectivement tout juste diplômé d’Harvard.
A ce stade, on comprend que pour avoir autant de détails, le journaliste s’est appuyé sur une biographie très complète du compositeur. Le récit, vivant, me ravit. Il est rare d’évoquer l’ histoire d’une automobile dans la vie d’un compositeur.
Il décrit pourtant le long périple de notre homme, qui, accompagné de son épouse, parcourt les 4 000 km qui séparent leur lieu d’attache, en Nouvelle-Angleterre, de la Californie, destination finale.
« C’est long en Volkswagen » précise le journaliste. Mais il indique comment les rencontres et les arrêts dans des motels miteux, les grands espaces et la nature qui évolue au fil du voyage vont forger le style du compositeur.
Le journaliste explique l’approche du compositeur, ses tâtonnements. Ce qu’il cherche explique-t-il, c’est « un langage musical spécifiquement américain ». Et c’est en lisant le livre de John Cage « Silence » que John Adams a cette révélation :
« Et si tout était musique? le bruit de la pluie, le crachotis de la radio , le silence…intéressant. »
Malicieusement, j’ai fait le rapprochement de ce concept du « tout est musique », avec le voyage initiatique en Volkswagen.
Avez-vous déjà fait ne serait-ce que 200 km dans une Volkswagen Coccinelle ?
Si la réponse est positive, vous savez que le moteur a un bruit très caractéristique, entêtant à la longue. C’est amusant d’apprendre qu’un compositeur cherchant sa voie a peut-être été influencé par le bruit de sa voiture.
Il m’a été assez facile de trouver une miniature correspondant à la coccinelle de John Adams en 1971.
Au début des années soixante-dix, les fabricants européens de jouets considéraient la coccinelle comme une antiquité et tournaient les yeux vers les nouvelles Volkswagen qui tentaient sans succès, de la faire oublier. L’auto avait fini sa carrière en Europe, mais en Amérique du Sud, elle avait encore de beaux jours. Au Mexique bien sûr, mais au Brésil également. Elle sera finalement produite jusqu’en 2019.
La firme Solex a signé un contrat avec Solido pour la production et la distribution de miniatures Solido à Sao Paulo au Brésil. Cette entité a même commandé un moule inédit afin de reproduire sur place cette auto populaire. Elle est dénommée 1500. C’est un modèle intéressant pour les européens. Il résulte d’un panachage : les ailes avant conservent les phares sans support verticaux, comme les modèles antérieurs à 1968 tandis que les feux arrière sont de grande dimensions, comme les modèles post 68.
Sans que cela soit prouvé on peut penser que le moule a été conçu en France. On retrouve les caractéristiques propres à la firme d’Oulins : qualité de moulage, finesse de gravure, parties ouvrantes fonctionnant parfaitement, juste proportion des formes.
Sa production a été courte. Les premiers modèles sont équipés de jantes gravées VW conçues spécifiquement. On note un problème récurent : le pneu en nylon semble avoir été conçu avec un diamètre trop juste. De nombreux exemplaires souffrent de pneus découpés. Il faut savoir accepter ce défaut.
Les derniers exemplaires sont équipés de jantes à rayons, peu crédibles, empruntées aux autos de course.
Brosol, nom de l’entité chargée de fabriquer ces miniatures a décliné une version taxi et une version policia. Elle a utilisé les décorations réalisées pour la Chevrolet Opala, qui comme la Volkswagen 1500 est une création brésilienne.
La version policia a été réalisée en deux versions. On comprend que celle avec les portes peintes en noir ait été éphémère. La couleur nuit à la perception de la décalcomanie.
Je pense qu’une version bomberos a été réalisée, mais je ne peux pas le démontrer : si j’en ai entendu parler, je ne l’ai jamais vue.
John Adams semble avoir été marqué par l’automobile. Dans la série d’émissions qu’elle lui a consacrée, Anne-Charlotte Rémond rappelle que c’est une équipée à bord d’une Lamborghini qui lui a inspiré la partition : « Short ride in a fast machine ».
Rendez-vous dans 15 jours. Désormais le blog parait deux fois par mois.