Il ne fait aucun doute que Siku a vu dans cet accord commercial un moyen habile de rentabiliser ses moules. Mais le choix du pays partenaire est loin d’être le fruit du hasard. Les pays du proche orient du Moyen-Orient et du Maghreb ont toujours tissé des liens avec les différentes puissances occidentales.
Ainsi, l’Allemagne a profité des erreurs des Russes et des Anglais qui tenaient ce pays au début du siècle dernier. Les deux puissances se mirent à dos les populations iraniennes. Les Allemands ont pu dès les années 1920 envisager une coopération économique. Usines, chemin de fer, ports, les allemands ont participé activement au développement du pays. Ce n’est donc pas une surprise qu’une firme allemande de jouets ait eu des liens économiques dans les années soixante-dix avec ce grand pays qu’est l’Iran.
Revenons-en à nos modèles. Après toutes ces négociations, je touchais enfin au but. Bien qu’ayant vu les photos quelques mois auparavant, l’ouverture du carton contenant les précieux coffrets a été un vrai plaisir et m’a réservé quelques heureuses surprises.
En tant qu’amateur de jouets j’ai été frappé par la similitude de présentation avec les coffrets Matchbox de la période du milieu des années 60. Pour Minicar, fabricant iranien, le but était de s’inspirer de ce qui se faisait en Occident.
Les intitulés des coffrets en langue anglaise (holidays series, Volkswagen series) confirment bien la volonté du fabricant d’établir une certaine confusion avec Matchbox. L’échelle de reproduction des miniatures conforte cette analyse. L’intention du fabricant était bien de donner à ces jouets une touche occidentale. Un autre détail m’a beaucoup intrigué : la présence, en bas des coffrets de la mention « A Mecano Product », avec un seul c à Meccano tout de même. Deux références à deux grands groupes anglo-saxons : les Iraniens n’étaient pas rancuniers !
Le style naïf des dessins qui mettent en scène les véhicules au milieu de paysages iraniens est plein de charme.
Le dessinateur s’est inspiré du style de ceux décorant les coffrets Matchbox, mais il les a revisités à la sauce iranienne y faisant figurer notamment les hautes montagnes qui sont partie prenante du paysage iranien. Nous sommes bien loin des paysages européens ou américanisés des illustrations des coffrets Matchbox.
L’autre face des coffrets, est tout aussi intéressante. Sur cette face, la nationalité du fabricant est clairement visible. Outre le drapeau iranien, le texte en farsi ne laisse aucun doute sur la nationalité du fabricant. Une illustration attire le regard. Dans le style vestimentaire de la fin des années soixante, une jeune femme, en pantalon et pull à manches courtes, fait mine de tendre à un bambin un coffret. Ce dernier doit se mettre sur la pointe des pieds pour essayer de l’attraper. On verrait plus ce genre de dessin pour une friandise. Le slogan, en farsi indique que les jouets Minicar rendent les enfants heureux. Plus loin le texte explique que les enfants qui jouent sont plus intelligents et en meilleure santé ! Voilà bien un argument qui a dû décupler les ventes des coffrets Minicar !
Un autre texte a attiré mon attention : « Achetez et offrez aux enfants que vous aimez ce coffret. Vous serez sûr de conquérir leur cœur et d’assurer leur divertissement » ou cet autre « demandez à votre revendeur les autres produits Minicar qui sont conçus pour divertir et promouvoir la pensée des enfants ». Je vous laisse méditer sur ces deux textes inhabituels sur des emballages de jouets occidentaux.
L’acquisition de ces coffrets a été une longue épopée. Vint alors la dernière étape, celle d’une demande de traduction des textes auprès de l’ambassade de la République islamique d’Iran.
Il a fallu être patient. Mais la réponse de l’ambassade marque la fin de l’aventure. Avec beaucoup d’émotion, j’ai découvert la traduction de tous ces textes. Je tiens à remercier chaleureusement la personne à l’ambassade qui a pris le temps de traduire ces quelques lignes.