Et l’automobile bascula dans la modernité

C’est le 18 avril 1934, dans son grand hall d’exposition place de l’Europe, qu’André Citroën choisit de dévoiler la traction avant.

En vérité, les concessionnaires avaient été conviés dès le 23 mars à une présentation privée. A la mi-avril, la production commence au rythme de cent voitures par jour. La production passe très vite à deux cents exemplaires par jour. Il s’agit de la « 7 ».

Traction Citroën JRD
Traction Citroën JRD

Dès le début du mois de mai 1934, les heureux privilégiés commencent à prendre possession de leur véhicule. Ce sera le commencement de la fin pour le créateur de la marque. Même si les qualités qui feront plus tard le succès de l’auto sont déjà là, les premières voitures ne sont pas au point, elles manquent de fiabilité. En fait, André Citroën, cerné par les créanciers tente un dernier coup de poker. Cela ne suffit pas, il doit céder son entreprise à son principal créancier, la firme de pneumatiques Michelin. C’est ainsi que Pierre Boulanger arrive à la tête de Citroën. Au prix d’une gestion rigoureuse la firme se redresse.

Mais André Citroën devra quitter son entreprise qui était sa raison de vivre. Il décédera un an plus tard, en 1935, sans avoir vraiment assisté au succès de cette auto. Cette période troublée pour la firme du quai de Javel aura des répercussions sur nos petites reproductions miniatures

Le budget consacré à la reproduction en miniatures des automobiles Citroën n’est pas épargné par la rigueur et le contrat liant Citroën à la firme de Briare ne sera pas reconduit. C’est notamment pour cette raison que la C-I-J se tourne vers Renault.

Monsieur Rabier issu des jouets Citroën, en profite pour créer la JRD. Celle-ci continuera à s’intéresser aux reproductions Citroën, mais pour ne pas revivre les mêmes déboires, JRD refuse de s’enfermer à nouveau dans une logique de monopole

Ainsi verra-t-on une magnifique série de Peugeot, mais également des autos de course (tank Bugatti, Bluebird et autres Delahaye du million). C-I-J au contraire, souhaitera avoir le monopole des reproductions de Boulogne-Billancourt. Renault avait toujours jalousé Citroën. L’opportunité d’avoir, comme André Citroën un label « Jouets Renault » a dû fortement peser dans la balance. Ce monopole ne cessera qu’avec la Dauphine !

Cette reproduction de la traction peut être interprétée à nos yeux comme une reproduction « post Jouets Citroën ». Le jouet n’emporte pas le succès escompté. Les modèles de la série des tractions sont difficiles à se procurer. En dehors de la berline, il existe un cabriolet, et des versions militaires (mitrailleuse et projecteur). Au final, on peut légitimement s’interroger : s’agit-il d’une 7 ou d’une 11 ? bien que de bonne facture, la reproduction n’autorise pas à trancher.

Nous laisserons donc aux spécialistes de la marque aux chevrons le dernier mot. Observez pour finir le nom figurant sur les pneumatiques ce sont des Michelin, bien évidemment !

Un Leyland à Hong-Kong

A première vue, ce modèle semble une copie des reproductions fournies par la firme de Binns Road. Mais, il ne faut jamais se contenter d’une explication trop facile : trop de modèles ont été catalogués comme des copies, alors qu’une analyse rigoureuse aurait prouvé le contraire. Le fabricant Roxy Toys nous a gratifiés de ce superbe Leyland camion benne.

Camion Leyland Roxy Toys
Camion Leyland Roxy Toys

D’une taille conséquente, 23 cm, son échelle de reproduction est très proche du 1/43 : le véhicule équipé de ce châssis avait effectivement une taille imposante. La cabine diffère en deux points de celle du modèle de chez Dinky Toys : le monogramme Leyland est absent et la cabine ne bascule pas sur la reproduction du bloc moteur, contrairement au modèle de Binns road. Il est troublant de remarquer que les sièges qui équipent la version en plastique sont d’un dessin similaire à celui du Dinky Toys. Notons également que Roxy qui a affublé son camion d’un pilote de course devait avoir un moule facilement adaptable à ce type de siège.

Sans se poser trop de questions il a doté sa miniature d’un pilote casqué. On ne sait comment interpréter ce choix : soit le camion avait des performances extraordinaires soit au contraire son comportement routier était si désastreux que le brave chauffeur devait se prémunir contre tout risque.

Sur le dessin de la boîte, une simple casquette sied beaucoup mieux à notre valeureux conducteur. Un examen du châssis, et plus particulièrement des ailes, est évocateur. Les ailes du Dinky Toys sont arrondies et le châssis comporte des détails gravés (lames de suspension entre autres) que le modèle Roxy ne possède pas. Mais surtout, les ailes de ce dernier sont anguleuses. On peut penser que c’est en rapport avec l’évolution du vrai modèle.

Pour l’anecdote, le marchand anglais qui m’a cédé cette rare et jolie pièce, m’a vanté son produit comme une copie du Dinky Toys. Ce n’est pas le cas. Il s’agit bien d’une évolution. La production asiatique révèle bien des surprises. La présence d’une étiquette sur la boîte atteste du fait que l’on a affaire à un échantillon certainement destiné à être exposé dans le hall d’exposition de l’exportateur du nom : « Anglo American traders LTD » situé au 1327-1329 Prince’s bldg à Hong Kong.

Si vos pas vous mènent jusqu’à Hong Kong, allez donc voir à cette adresse s’il ne reste pas quelque chose.

Si Spot-On avait eu le temps …

Le fait est rare, et mérite d’être mis en valeur. Les fabricants asiatiques ne se sont pas toujours inspirés de ce qui se faisait par chez nous : la preuve en est avec ces beaux camions Morris.

Avouons que ces cabines très typées britanniques auraient mérité des reproductions chez les fabricants anglais. Elles ont eu un succès confidentiel chez les utilisateurs à l’époque.

l'étrange cabine du Camion Morris
l’étrange cabine du Camion Morris

Elles correspondent à la période, au milieu des années 60, où l’ouverture des marchés et des frontières en Europe va bouleverser le paysage routier. Ainsi de nombreuses marques vont fusionner afin de lutter plus efficacement contre la concurrence.

A titre d’exemple, des cabines très similaires à ces Morris seront adaptées en France, chez Willeme. Nous verrons ainsi des camions BMC d’origine anglaise arborant le monogramme Willeme BMC, mais aussi des Willeme AEC…le succès ne sera pas au rendez vous…l’industrie automobile anglaise, en perte de vitesse depuis la fin de la seconde guerre mondiale, aura beaucoup de mal à développer ses exportations.

Ces véhicules ne feront aucune percée commerciale en dehors des colonies ou des pays anciennement colonisés avec lesquels l’Angleterre a gardé des liens privilégiés. Ces modèles ont sans doute souffert d’un manque d’innovation technique qu’une originalité purement esthétique n’a pas pu pallier. Le fait est là, ces firmes seront balayées très rapidement.

Notre Morris est doté d’une cabine assez révolutionnaire. Avec de larges surfaces vitrées, son créateur a manifestement privilégié la vision. Emporté par sa fougue cet ingénieur a réussi à placer les deux portes dans un angle improbable, l’accès à la cabine se faisant par un marchepied situé sur l’angle arrière biseauté. Au niveau de l’originalité c’est réussi, quant à l’efficacité, la réponse est que ce système ne sera jamais plus réutilisé ! Il n’empêche que le modèle a fière allure en vitrine. L’échelle de reproduction est voisine du 1/43 (17cm). Il est à une échelle identique de celle des camions Spot-On.

Il est intéressant de constater que sur son dernier catalogue Spot-On avait programmé un fourgon Leyland dans une version ambulance et police. Un dernier mot sur le ou plutôt les fabricants de ce jouet. La benne et le fourgon portent gravés sur leur châssis le logo « TAT » made in Hong Kong. On rencontre souvent le nom de cette firme très active. Par contre sur les boîtes figurent deux noms différents.

Ainsi la version ridelles a été vendue sous le nom « Fairylite empire made » alors que la firme apparaissant sur la boîte du fourgon est « Merehall’s Noveltoys ».

Ceci ne fait que confirmer un fait familier aux collectionneurs de ces produits. Il semble que toute la production de miniatures de Hong-Kong n’a été en fait l’œuvre que de deux ou trois unités de fabrication. Un peu à l’image de ce qui se passe actuellement en Chine pour les miniatures.

Enfin n’oublions pas de mentionner deux détails. Le premier concernant la version ridelles. Celle-ci est équipée d’une petite remorque, qui doit se loger à l’intérieur de la benne du camion pour tenir dans la boîte ! Quant à la version du fourgon, elle arbore fièrement le nom de son commanditaire « Merehall’s Noveltoys ». On peut imaginer notre camion, comme dessiné sur la boîte remontant le motorway M1 empli de petites reproductions de chez« Merehall’s Noveltoys ».

L’arrêt du car Reo pour Hellerup

L’arrêt du car Reo pour Hellerup

Parfois il faut attendre 20 ans pour retrouver un objet. C’est l’histoire qui nous est arrivée avec ce bel autocar Reo de la firme Micro Danemark. Monsieur Scherpereel était en relation avec un Steward de la SAS, qui lui amenait de façon régulière des miniatures scandinaves. C’est ainsi qu’un beau dimanche, lors de notre visite hebdomadaire au marché aux puces de Saint-Ouen, il nous proposa, dans les années 80, cette miniature, totalement inconnue à l’époque.

ambiance rurale
ambiance rurale

Celle-ci était rouge et verte, très bien conservée au niveau de la peinture, à l’exception d’un choc qui avait provoqué un manque à l’arrière du pavillon. La somme demandée était conséquente et inhabituelle pour ce type de produit, surtout lorsqu’il n’est pas impeccable, et c’est ce qui nous fit renoncer à l’achat.

Monsieur Scherpereel réussit cependant à le vendre rapidement. Il nous fallut attendre vingt ans pour en retrouver un. Celui-ci arbore la décoration « Rutebil ». Il est caractéristique des cars de cette époque.

D’ailleurs, si vous passez par Copenhague, nous vous encourageons à aller visiter le musée des transports en commun qui est situé en dehors de la cité. Vous verrez ainsi un De Dion de 1913, mais aussi un Renault de 1941. Enfin vous pourrez contempler in situ les Maybach et autres Nesa trolleybus également reproduits par Micro. Notre Reo est également présenté. Il fut en service de 1934 à 1953 et desservait la banlieue de Copenhagues, de Valby à Hellerup. Le jour de la fête nationale, pour la plus grande joie des amateurs, les véhicules du musée flanqués à cette occasion d’un drapeau danois reprennent du service dans les rues de la capitale.

La grande rareté s’explique ainsi. Micro a commencé son activité en 1932 à Copenhague au 25 de Amsterdamvej. La fabrication débute avec des modèles en plomb injecté d’une pièce, technique très populaire chez les fabricants américains. La particularité des Micro est qu’ils sont pour la plupart d’entre eux estampillés, parfois dans des endroits improbables ! Notre Reo est facilement identifiable. Ce modèle fait partie de l’ultime production de Micro.

En effet, cette technique éprouvée montra des limites au niveau notamment de la solidité. Ainsi, vers les années 40, micro se mit à produire des modèles injecté en plomb, et dont la carrosserie était composée de plusieurs parties reliée entre elles de manière astucieuse. Nous ne connaissons que deux modèles issus de cette technique tardive, ce car et un très beau camion-citerne Shell. La firme, ainsi que ses moules disparait en 1942. Ces deux modèles sont certainement les plus rares de cette firme qui eut du succès avant-guerre. La série des cars, bus trolleybus est superbe. Elle est complétée par un camion nacelle servant à entretenir les lignes électriques.

Cela vous incitera peut être à tenter un voyage jusqu’à Copenhague dans le but de rechercher ces pièces qui forment un superbe ensemble.

Lloyd et serpent de mer

Lloyd est une marque très ancienne dans le monde de l’automobile. Ses origines remontent à 1906. Au départ, c’est une compagnie maritime qui se diversifie en développant une unité de production automobile qui fabrique des voitures électriques sous licence de la marque Krieger.

Lloyd Tekno rare calandre
Lloyd Tekno rare calandre

En 1908, Lloyd crée sous son propre nom une auto fonctionnant à l’essence dont le succès est très limité. En 1914 la société fusionne avec Hansa. La restructuration se poursuit et en 1929 c’est la société Borgward qui reprend les rênes de la firme moribonde. Après plusieurs années de sommeil, Borgward remet en 1950 la marque Lloyd au goût du jour avec une auto de petite taille équipée d’un moteur bi-cylindre. Au milieu des années 60, c’est la fin de Borgward qui entraîne dans sa chute la firme Lloyd.

La petite Lloyd Alexander a été fabriquée de 1953 à 1961. La version que propose Tekno en 1958 sous la référence 819 est équipée d’une calandre à barres horizontales, assez discrète et ornée en son centre du logo en forme de triangle.

La version « TS » équipée d’une calandre plus moderne, de forme ovale apparaît en 1958. Cette éphémère calandre ne comporte plus le logo de la marque, si caractéristique. Le reste de la carrosserie est identique, comme la motorisation. Mais il est indéniable que cette transformation donne au modèle davantage de modernité.

Le premier modèle Tekno est une réussite. Les formes sont bien rendues. Les amateurs ont dû accueillir ce modèle avec plaisir, car au moment où il est sorti, aucun fabricant ne l’avait inscrit à son catalogue, horSikumis Siku, mais à l’échelle du 1/60.

Siku a d’ailleurs proposé un grand choix de Borgward, Hansa et autres Lloyd, marques du même consortium. Tekno ne se contentera pas de la berline, mais proposera également un break vitré et un break tôlé. Borgward avait l’habitude de produire beaucoup de versions différentes à partir d’une même base. A titre d’exemple, la Borgward Isabella que Dinky Toys a reproduit en coupé a également existé en berline, en cabriolet mais aussi en break vitré, break tôlé et en pick up !

Cette deuxième mouture de la Lloyd Tekno est excessivement rare. On peut dire que c’est même la Tekno la plus rare. Son histoire est obscure. Le premier ouvrage danois sur la firme Tekno qui date du milieu des années 80 ne mentionne pas ce modèle. Il faut attendre les années 90 (et le second ouvrage) pour que la littérature scandinave cite notre modèle. Malheureusement, le modèle photographié dans l’ouvrage est repeint et réparé et les auteurs, peu perspicaces, lui attribuent la même année de création que l’autre modèle ce qui n’est pas plausible.

En effet, la voiture réelle est de 1958 et il faut tenir compte des presque deux ans de gestation nécessaires à l’époque pour mettre au point l’outillage : le modèle ne peut donc être sorti avant 1960.

Cette thèse est confortée par le rapide abandon de la production de cette miniature qui coïncide avec l’arrêt de la production de la vraie voiture dès 1961. Ce modèle repeint et réparé est longtemps resté le seul modèle connu jusqu’à ce que nous ayons la chance d’acquérir trois modèles auprès d’un vieux marchand danois qui en avait trouvé une dizaine neuves en boîte ! On constate que la boîte est identique à celle du modèle antérieur. Les couleurs retenues sont plus nombreuses que celles vues pour le premier moule et nous nous souvenons très bien que les autos de notre marchand étaient toutes différentes : il devait en avoir six ou sept. On peut légitimement penser que ces autos reprenaient les teintes du constructeur. Il est tentant d’y voir un modèle à usage promotionnel.

En effet, Tekno travaillait avec Lloyd et lui fournissait des autos destinées à être présentées sur des palettes distribuées dans les réseaux de revendeurs pour faciliter les choix des futurs acheteurs (voir la fiche sur Saab /Tekno). Les palettes connues sont toujours équipées de premiers modèles. Pour la petite histoire, comme le marchand danois ne parlait pas l‘anglais, et comme nous ne parlions pas le danois, les négociations ressemblèrent quelque peu à un spectacle du mime Marceau. Heureusement les chiffres sont universels…. et j’ai commencé mon apprentissage du danois !

En voyant ces autos je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour la cordialité de ce marchand danois, mélange de rudesse et de bonne humeur. C’est un des charmes de la collection que ces rencontres éphémères et improbables.