Maquette de soufflerie de la Tyrrell 001

Week-end avec un champion !

Je me souviens dans les années 70 de ces concours dans les magazines pour jeunes où le premier prix consistait à passer une journée avec son idole du music hall.

Moi, j’aurais bien tenté ma chance si la récompense avait été la rencontre avec un des as du volant des années 70 ! Au lieu de cela mon seul titre de gloire aura été d’être le passager d’une Lola T290 conduite par un pilote amateur sur un tour du circuit de Croix-en -Ternois …oui c’est moins glorieux que de rencontrer Jacky Stewart et l’équipe Tyrrell  à Monaco !

Dans le film « Week-end of a champion », Roman Polanski et Frank Simon ont eu la superbe idée de faire accompagner par leurs caméras le grand champion écossais Jackie Stewart le temps d’un week end sur le Grand Prix de Monaco. C’est plus glamour que le circuit nordiste de Croix-en -Ternoix ! Roman Polanski a fait connaissance de Jackie Stewart aux Etats Unis, en Californie, à la fin des années 60, quand ce dernier participa à quelques courses de Can-Am. Il faut dire que ces courses fort bien rémunérées ont attiré nombre de pilotes faisant parti du monde de la Formule 1.

Lors des courses en Californie, le monde du sport automobile côtoyait celui du cinéma, de la chanson. Il y  avait à cette époque une fascination évidente pour la vitesse, et le monde du sport automobile faisait partie intégrante de ce que l’on appellerait aujourd’hui la jet set.

 

C’est ainsi que Jackie Stewart fit découvrir à Roman Polanski ce monde de l’éphémère. Je fais ici référence à une séquence de ce documentaire où Jackie Stewart fait le compte  de « confrères » qu’il a perdu chaque année en établissant une terrifiante moyenne. Ce côté « sur le fil du rasoir » devait également fasciner Hollywood. Pourtant, jamais un film ne sera à la hauteur, pour dépeindre l’ univers fascinant de ces années là ; Enzo Ferrari, que l’on interrogea une fois sur le sujet, expliqua en ironisant un peu, que par essence, la course étant un spectacle imprévisible, aucun scénario ne peut être à la hauteur de la course elle même ; Je trouve cet analyse assez juste pour ma part.

C’est aussi à cette époque que Steve Mac Queen, pilier d’Holywood ira plus loin. Non seulement il participera avec Peter Revson aux 12 heures de Sebring avec une deuxième place à la clef aussi mais il engloutira une fortune dans son film « Le Mans » qui sera un échec commercial. La démarche de Simon et Polanski est différente. Il s’agit en fait d’un documentaire. Il sera d’ailleurs primé en tant que telle en 1972 à la Berlinale.

Son visionnage quarante ans après est un pur bonheur. Il a été en fait très légèrement modifié par rapport à la version originale. Le montage a été amputé de certaines scènes pour donner plus de rythme au documentaire. Enfin, une séquence a été rajoutée à la fin du film. Dans la même chambre d’hôtel à Monaco, quarante ans plus tard Stewart et Polanski reviennent sur la carrière du pilote et sur le temps qui passe.

On ressent très vite une grande complicité entre les deux personnages. Jackie Stewart, prend le temps d’inculquer à son ami les ficelles de la course. Il lui explique le circuit et ses pièges. Une séquence m’a replongé dans mes souvenirs. Celle où Stewart, derrière les rails de sécurité vient visionner les jeunes pilotes lors des essais de la course de formule 3 et donner son commentaire sur les trajectoires et les zones de freinage de chacun. On peut voir dans cette image le champion qui revoit son passé, et aussi la relève, avec les futurs champions. Ceux qui le remplaceront dans quelque temps. Cela m’a replongé lors du Grand Prix de Belgique, en 1975. Je me rappelle avoir vu Patrick Depailler lors de sa seconde saison au championnat du monde de formule 1, juché sur un fût d’essence, visionner les jeunes pilotes de la formule Renault de l’époque.

Un des autres merveilleux moments du documentaire à mes yeux, est de constater la complicité et le respect des pilotes entre eux. On voit Graham Hill, cinq fois vainqueur sur ce même grand prix de Monaco, mais en fin de carrière venir voir le pilote Tyrrell après les essais dans le stand Tyrrell et lui avouer que, sa Brabham n’étant pas au mieux de sa forme, ce n’est pas lui qui l’empêchera de vaincre lor de la course du lendemain Le banquet final, après la course, réunissant tous les pilotes est également un moment émotionnel, le public que nous sommes n’ayant pas l’habitude de voir les pilotes dans cette intimité. Il se dégage une atmosphère conviviale. Ils semblent tous faire partie d’une confrérie, où chacun après avoir bravé la mort est content d’être en vie. Cela m’a fait penser aux gens du spectacle après une représentation.

maquette de soufflerie de la Tyrrell OO1
maquette de soufflerie de la Tyrrell OO1

A moment exceptionnel, modèle exceptionnel. Pour illustrer ce superbe documentaire, je vous présente une pièce unique. Il s’agit de la maquette de soufflerie de cette Tyrrell 001. Le modèle mesure 40 cm. Il est en bois et recouvert d’une peinture blanc, mat très épaisse. Il faut dire que l’aérodynamisme et surtout les moyens de mesurer les progrès de cette science étaient encore empiriques. On n’hésitait pas à coller des morceaux de laine afin de voir comment ces derniers évoluaient dans le tunnel dévolu à cet exercice. Plus tard on collera des morceaux de laine sur la voiture à l’echelle 1 afin de vérifier de visu le résultat des recherches entrepris à partir de la maquette en bois. Et ce avec une caméra installée dans une auto roulant à côté !

tringle pour placer l'auto dans le tunnelOn notera la tringle encastrée dans la boîte de vitesse, servant à faire glisser l’auto dans le tunnel. Les flaps avant sont réglables.

Vous allez me demander comment cette maquette est arrivée chez moi ? C’est une longue histoire ; Je fus contacté il y a 25 ans par David Waldron. Ce dernier avait eu mon adresse par Jean-Marc Teissedre, journaliste bien connu dans le domaine des courses d’endurance. Il avait connu David Waldron alors attaché de presse chez Tom Walkinshaw qui engageait les fameuses Jaguar qui s’imposèrent au Mans en 1988 et en 1990. David Waldron avait été dans les années 70 attaché de presse chez Tyrrell. Lors de son départ de cette écurie, Ken Tyrrell lui offrit cette maquette en bois de la première monoplace Tyrrell. C’est cette auto que me vendit David Waldron.

J’avoue que j’ai toujours une attirance pour ce genre d’objet unique. Ce sont des opportunités très rares qu’il ne faut pas laisser passer.