Des jeeps Willys sur tous les fronts – 1

Est-ce dû à la sortie de la guerre encore proche, mais Dinky Toys par l’intermédiaire de ses unités de fabrication anglaise et française eut un comportement étrange et peu cohérent au regard de la production de la Willys !

Jeep Willys Dinky Toys
catalogue Hudson Dobson (USA)

Pendant un certain temps, la branche française de Dynky Toys ne disposa d’aucune autonomie dans la décision de lancer ou non l’étude d’un modèle. Elle devait en référer à Liverpool. Jean-Michel Roulet évoque dans ses livres les projets de Bobigny qui sont restés lettre morte à la suite d’un refus de Liverpool. Il arrivait que la direction anglaise refuse de donner suite à un projet au motif que le modèle constituait un doublon par rapport à son catalogue. Par contre, elle encouragea vivement le prêt de moules ou même l’envoi de carrosseries brutes ou peintes dans l’autre pays afin d’étoffer un des deux catalogues. Avant-guerre, la Simca 5 et la Chrysler se croisèrent donc dans le Channel pour compléter les catalogues.

La guerre finie, il fallut bien penser à l’avenir. La reproduction de la jeep Willys devint incontournable. Liverpool réalisa une très belle reproduction, à l’échelle du 1/43.

Le premier détail qui saute aux yeux est le fait que malgré les restrictions, cette dernière est équipée de pneus en caoutchouc. J’ai eu l’occasion de voir certains exemplaires avec des traces de couleur orange ou verte dans les pneus.

Il y a donc fort à parier que sur une période courte on utilisa du caoutchouc de récupération.

Jeep Willys Dinky Toys
Jeep Willys Dinky Toys

Dans un premier temps, le modèle est équipé d’accessoires provenant de stocks d’avant-guerre : jantes en zamac lisses dépourvues de relief et volant plein provenant de la série 38. Le moule subira ensuite une retouche car sur les premiers exemplaires le capot est bombé. Ce beau modèle sera ensuite équipé des derniers standards des productions de Liverpool : jantes avec relief et volant ajouré. C’est bien évidemment la livrée de l’US army qui fut choisie. Au fil de la production, les teintes iront du kaki clair au kaki très foncé. Cette teinte ne se trouve qu’aux USA. Il faut savoir que jusqu’au début des années cinquante, près des ¾ de la production de Liverpool partaient aux USA. Il était nécessaire après la guerre de rentrer des devises. Cette Willys sera ensuite proposée dans des livrées civiles du plus bel effet.

Jeep Willys Dinky Toys
Jeep Willys Dinky Toys

J’aime particulièrement celles avec des jantes de couleurs vives. Ces modèles ne connaitront jamais de conditionnement individuel.

La semaine prochaine nous verrons comment, en France l’on aborda le même sujet.

Trois petits tours et puis s’en va …

Le salon Rétromobile a beaucoup évolué au fil des années. Il a perdu une partie de la magie et de la bonne humeur qui y régnaient. Pourtant, de temps en temps, il peut encore favoriser de belles rencontres.

Champion Lola T70
Champion Lola T70

La scène se passe au déballage, le mardi précédant l’ouverture au public. Au hasard des allées, je rencontre Jean Liatti. Je connais ce dernier depuis 1976, date à laquelle il est entré en qualité de maquettiste à la Boutique Auto Moto. A l’époque, pour convaincre les éventuels acheteurs de kits de modèles réduits, il fallait pouvoir présenter le produit fini. Grâce à son talent, Jean Liatti pouvait transformer un modeste kit John Day ou Mini racing en une superbe miniature dont chacun aurait aimé être propriétaire. Il formait avec son compère Jean-Claude Poussin un duo haut en couleur. La productivité n’était pas leur souci principal. Tant et si bien que les patrons de l’époque durent dissoudre le duo d’artistes. L’ami Jean créa sa marque, Nestor. C’est ainsi que ses amis l’avaient surnommé, trouvant quelque ressemblance entre sa silhouette et celle du valet de chambre du capitaine Haddock. Sa production porta sur les débuts de la marque Chaparral. Il livra ainsi aux connaisseurs de superbes miniatures fidèles et détaillées. La quantité produite était faible et la demande importante. Cela demeura du travail d’artiste. Ainsi, sa rencontre dans les allées me fit grand plaisir et je m’empressai de prendre de ses nouvelles.

C’est alors qu’une autre de mes connaissances fit son apparition. Il s’agissait de Francis Reste. Ancien journaliste auto à l’Equipe, ce dernier me fut présenté, il y a longtemps par Jean-Marc Teissedre, journaliste à Auto Hebdo, co-auteur chaque année du livre sur la dernière édition des 24 Heures du Mans, et, coïncidence, ancien patron de Jean Liatti. Outre son attachement pour la course automobile ce dernier, comme Francis Reste a une passion pour les poids lourds anciens et leur reproduction en miniature.

Après les présentations d’usage, la conversation dévia sur la Ferrari 330P4 qui venait juste d’arriver au salon Rétromobile et que Francis Reste s’apprêtait à aller voir. Chacun y allait de son anecdote savoureuse. Jean Liatti, en connaisseur, commença à énumérer les numéros de châssis des P4 fabriquées alors que Francis Reste et moi-même retracions la saison 1967 de cette auto.

Maquette en bois au 1/3
Maquette en bois au 1/3

Jean Liatti, déjà supporter de la marque Texane, s’était installé devant le stand de la Chaparral pour le départ. C’était sa première expérience de spectateur d’une course automobile, il avait 11 ans. Il en a d’abord gardé un souvenir sonore : le grand silence deux minutes avant le départ, quand le speaker de l’époque, Jean-Charles Laurens égrénait le compte à rebours, puis le bruit lourd du baisser de drapeau, immédiatement suivi du claquement des bottines des pilotes s’élançant sur l’asphalte vers leur auto. Enfin, le bruit assourdissant des moteurs. S’agissant du spectacle, notre ami mit plus d’une heure à comprendre comment regarder les bolides. A l’époque, il n’y avait pas le ralentisseur au début de la ligne droite des stands. Lancées dans cette ligne droite depuis Maison Blanche, les autos arrivaient à une telle vitesse qu’il était impossible de les fixer du regard. En fait, l’emplacement devant les stands permettait surtout d’admirer le départ et les arrêts au stand , qui sont assez rares juste après le départ. Francis Reste était lui aussi enfant. Pour qu’il puisse jouir confortablement du spectacle, son père l’avait installé sur un petit escabeau, près du restaurant « le Welcome », à l’intérieur de la courbe Dunlop. Le départ de la vrombissante Ford MK2 bleu pâle Nr57 suivie de la Ferrari 412P de Pedro Rodriguez parties en tête le déstabilisèrent et il tomba de son piédestal. Il est vrai que le départ de toute compétition automobile est un moment à part, et celui des 24 heures du Mans sûrement l’un des plus impressionnants.

Pour illustrer cette histoire, j’ai choisi une auto que mon ami Jean n’aura pas eu le loisir de voir passer correctement. En effet après trois tours, John Surtees rangera sur le bas-côté sa belle Lola T70 coupé, à moteur Aston Martin.

Cette maquette en bois au 1/3 est celle qui a servi, après avoir été réduite au pantographe, à réaliser le moule du modèle produit par Champion. C’est une pièce unique. Je reviendrai plus tard sur la marque Champion afin de vous présenter d’autres projets ou modèles ayant servi à la réalisation de ces miniatures qui connurent un immense succès commercial dans les années soixante-dix. M. Jean-Paul Juge qui gérait la conception et la fabrication des miniatures Champion fut un des pionniers sinon le pionnier de la déclinaison de variantes de livrées de voitures de course.

Admirez la petite vignette en haut à gauche. Il proposera 6 variantes exactes de ce beau coupé.

Jeep Willys sur tous les fronts – 2

Sous la référence 24 M, Dinky Toys France va offrir aux enfants un modèle atypique par rapport à sa gamme de l’époque : à voiture exceptionnelle, miniature hors du commun.

Dinky Toys 24 M militaire
Dinky Toys 24 M militaire

Comment cette Willys a t-elle pu naître alors que Liverpool en avait une dans ses cartons ? Cette miniature n’a aucun point commun avec celle de Liverpool . Au premier regard, c’est l’échelle de reproduction choisie par la direction de Meccano France qui surprend. Si les traits et les proportions sont fidèles, nous sommes en présence d’une miniature reproduite au 1/40 environ. Il se peut que la direction de Meccano ait choisi cette solution au regard de l’intérêt historique de l’auto reproduite.

Pour l’époque, la conception de cette miniature est un exploit. La reproduction est fidèle et détaillée, le pare-brise en tôle rapportée, le volant également rapporté. A un moment où le bureau d’étude de Meccano France, bridé par Liverpool, n’avait pas vraiment l’occasion de montrer ses talents, ces petits détails marquent un début d’émancipation. Le conditionnement en boîte de 12 laisse penser que la direction avait des objectifs ambitieux.

Pourtant le succès n’a pas été au rendez-vous. Les consommateurs avaient d’autres priorités. Dinky Toys ne gardera la Jeep à son catalogue que peu de temps. Le décalage, entre la libération de la France et la mise sur le marché de ce jouet symbolisant l’événement sera fatal à son succès commercial.

Jeep Willys
Jeep Willys

Les versions civiles ne parviendront pas à relancer le modèle. Il s’agit sûrement de l’une des Dinky Toys France les plus difficiles à se procurer.

Ainsi, il est bien plus difficile de réunir plusieurs exemplaires en bon état de la Jeep que de constituer une palette de 50 Peugeot 203 différentes !