De la Terre à la Lune en Jeep

La Jeep est un cas unique dans l’histoire de l’automobile. Où que l’on soit dans le monde, son nom évoque immédiatement un engin ingénieux et tout terrain. Il est rentré dans le langage courant comme le frigidaire désigne un réfrigérateur et le scotch un rouleau de ruban adhésif. Lorsqu’en juillet 1971 la mission Apollo 15 fit rouler sur la lune le LRV, un engin tout terrain à propulsion 3030électrique, les journalistes toujours friands de raccourcis faciles parlèrent alors de jeep lunaire !

Jeep
Made in France !

C’est bien dire à quel point ce petit véhicule qui vit le jour lors de l’entrée des USA dans la seconde guerre mondiale évoquait pour le grand public un véhicule à tout faire.

L’état major américain qui préparait son entrée en guerre avait élaboré un cahier des charges draconien et un rien utopique. Par exemple l’infanterie souhaitait que le véhicule puisse être porté à bout de bras par les soldats ! Pour cela un poids maximum de 590 kilos avait été imposé. Aucun constructeur ne pourra relever le défi pour un véhicule doté de 4 roues motrices. Cependant, une petite firme du nom de Bantam passa outre la contrainte du poids et proposa un véhicule qui se rapprochait des critères exigés. Une fois le véhicule approuvé il apparut que les capacités de production de cette petite firme étaient incompatibles avec les volumes de commande de l’état américain. Comme ce dernier avait acquis les brevets et les droits de fabrication de l’auto, il en confia la production à Willys, la firme qui paraissait la moins chère. Cependant, L’état américain modifia sa commande à la hausse et Willys se trouva dans l’impossibilité d’honorer la commande. Seul Ford pouvait garantir une telle production. On donna alors à Bantam un lot de consolation avec la fabrication des remorques ¼ de tonne…

Pour les français, ce véhicule est à jamais lié à la libération du pays par les alliés. Dès la fin du conflit nombre de petites firmes françaises, proposeront des reproductions miniatures de cet engin hors du commun.

Ce pourrait être un thème de collection à part entière. En bois, en tôle, en plâtre, en plomb et assez rarement en zamac elles seront proposées à la vente dès 1946. En les voyant, on sent bien que la guerre est encore proche et que ces autos ont été faites avec les moyens du bord. Les roues sont en bois, en tôle ou en plomb et il n’y a pas de caoutchouc pour les pneus.

A force d’avoir accumulé au fil des années de nombreuses reproductions un détail a fini par m’intriguer. Au sortir de la guerre, toutes les reproductions sont aux couleurs des forces américaines et frappées de l’étoile blanche. Puis, les fabricants qui ont réussi à trouver un marché vont progressivement décorer leurs jeeps aux couleurs françaises.

C’est le cas par exemple des Polichinelle. Enfin, les fabricants les plus solides, comme Dinky Toys ou Polichinelle vont s’orienter vers des versions civiles comme par nécessité de tourner la page et de regarder vers des lendemains plus heureux. Il faut dire que la jeep remplacera dans bien des corps de métier le matériel détruit ou vieillissant du parc automobile français. Du Tour de France cycliste aux ponts et chaussées en passant par les sapeurs-pompiers et la gendarmerie, elle fera partie du paysage automobile français d’après-guerre.

Pour illustrer ces propos, j’ai choisi de vous présenter des modèles de fabrication française produits juste après la guerre. La plupart, éphémères, sont de marque inconnue.

Jeep
Inca Willys Jeep

Celle en plâtre, avec ses deux GI et sa petite toile tendue à l’arrière est une Inca. Les roues qui l’équipent sont similaires à la monoplace Bugatti que cette entreprise avait produite. J’ai entendu parler, sans l’avoir jamais vue, d’une version pompier. Celle qui possède un pare-brise en tôle rabattable reste pour moi un mystère. Elle est superbe tant au niveau de la justesse des formes que de la réalisation. Et pourtant, nous n’avons pas d’information sur les conditions de sa production. Il est possible qu’un prix de vente trop élevé ait limité sa diffusion.

Jeep
Pour l’armée Rouge ? !!!

La ligne des deux autres est plus pataude. La version de couleur rouge frappée de l’étoile américaine résulte d’un curieux choix du fabricant, ici aussi inconnu. La couleur kaki ne faisait peut-être plus recette.

Un dernier détail traduit le besoin de franciser les productions : rapidement, les fabricants ont affublé leurs reproductions de jeeps de prénoms féminins français, à l’image des vraies Jeep que les soldats décoraient au fur et à mesure que les troupes avançaient vers le front… et que se multipliaient les conquêtes féminines !