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Une vie rythmée par les familiales.

Une vie rythmée par les familiales.

Il en était fier de cette Talbot Baby. C’était celle de son grand-père. Avant la seconde guerre mondiale, elle symbolisait la petite réussite sociale d’un commerçant. L’auto avait marqué mon père, et pour cause. Durant l’exode de 1940, alors qu’il avait quelques mois, elle les avait conduits à bon port, dans la maison familiale, à Saignes, dans le Cantal.

Jusqu’à la fin de ses jours, il m’en a parlé avec du soleil dans les yeux. Enfant, je pensais donc que c’était une auto prestigieuse, de la trempe d’une Bugatti ou d’une Delage. Ce n’était pas le cas.

Quand j’ai rentré la très importante collection de RD Marmande en 2019, il était tout étonné qu’elle ne soit pas dans le lot. Quelques mois après sa disparition, j’en ai trouvé une ressemblant à la leur, avec sa modeste carrosserie berline. Il aurait adoré pouvoir la mettre dans son musée miniature, là où il avait posé une photo en noir et blanc prise en Auvergne après la guerre.

En 1975, au début de notre aventure de collectionneur, lorsque j’ai acheté la Dinky Toys Talbot Lago, j’ai fait le lien entre la Talbot familiale et celle de Louis Rosier, auvergnat, vainqueur avec son fils au Mans en 1950.

La Dinky Toys reproduit une version monoplace. Je suis admiratif de la façon dont Bobigny a su traiter la position si particulière du pilote sur cette monoplace : enfoncé, les bras pliés en deux sur cet énorme volant.

Dinky Toys Liverpool qui a pourtant réalisé une belle série, n’a pas su capter cette impression avec sa copie. Les photos d’époque parlent d’elles-mêmes.

Qu’on le veuille ou non, l’automobile est un puissant marqueur social. Une fois son diplôme de technicien du cuir en poche, mon père commença comme salarié dans le magasin de mes grands- parents. Il pu ainsi acquérir une Dauphine d’occasion. C’est le plus vieux souvenir de ses voitures que j’ai gardé en mémoire.

Pendant longtemps il évoquait la nécessité de donner régulièrement un coup de polish sur la carrosserie car la teinte brique avait tendance à virer sous les effets du soleil et de la lune. J’ai surtout en mémoire le porte-étui à cigarettes qu’il avait fabriqué pour être autonome au volant, et le mal qu’il s’était donné pour le décoller et l’installer dans sa nouvelle auto, une Simca 1501, également achetée d’occasion.

Ce sont de bien modestes autos, celles que lui permettait son salaire. Mais ses autos, il les entretenait méticuleusement, comme beaucoup d’autres d’utilisateurs à l’époque. On savait apprécier ce que l’on avait, notamment l’auto qui faisait encore rêver. Elle était associée à un sentiment de liberté, aujourd’hui disparu. Nous subissons désormais des injonctions contradictoires : acheter des autos neuves pour soutenir l’économie mais les laisser au garage pour préserver l’environnement.

Le souvenir des départs en grandes vacances me revient, avec ses préparatifs méticuleux, la thermos de café par exemple. On avait l’impression de partir pour une véritable aventure. En fait, l’aventure c’était le trajet Compiègne-Romans par la nationale 7. La réussite du voyage était fonction de la sagesse des enfants assis à l’arrière. La phrase préférée de mon frère était : « Quand est-ce qu’on arrive ? « .

La vue de la Saône puis du Rhône à la sortie du tunnel de Fourvières à Lyon était un premier signe d’approche de la destination, suivi une  dizaine de kilomètres plus loin des torchers de la raffinerie Elf à Feyzin. Aujourd’hui encore, le passage devant ce qu’il reste de ce complexe industriel me redonne des forces pour poursuivre mon chemin.

On savait qu’une heure après, on était arrivé à Romans….et un trajet exemplaire, sans énervement, pouvait être récompensé par une petite Norev.

En 1970, une fois à la tête de l’affaire familiale il s’autorisa à commander sa première voiture neuve. Dans ces années là, l’acquisition d’une auto accompagnait souvent un changement de statut.

Il m’expliqua plus tard qu’il avait hésité entre l’Alfa Romeo Giulia TI et la BMW 2000Tii. Il a choisi l’Allemande.

Il opta pour une carrosserie type « berline », bien moins élégante que la version coupé de la 2002, mais l’auto avait pour vocation première de transporter la famille, tant pis pour l’aspect visuel.

Aimant la belle mécanique il avait choisi cette rare version 2000 tii, avec la fameuse injection Kügelfisher, identique à la 2002Tii. L’auto était cependant bien moins performante que cette dernière du fait du poids de l’ensemble qui atteignait 1150Kg. Le freinage pâtissait d’ailleurs de ce surpoids, d’autant que l’équipement mixtant freins à disques et à tambours était sous-dimensionné. Pour résumer, elle allait vite, mais il fallait anticiper le freinage.

On ne peut pas dire que le choix de la couleur beige « Africakorps » était heureux même si les allemands l’avait pudiquement rebaptisé « Sahara Beige ». Leur restait-il des stocks de peinture ?

Elle ne restera pas longtemps de cette couleur. Mon grand-père, installé à Nice où il venait tout juste d’entamer sa retraite tomba gravement malade. Mon père et son frère firent de nombreux allers-retours, se relayant au volant, roulant de nuit, bref, sollicitant fortement la mécanique. l’auto ne supporta pas un tel traitement. Le moteur cassa. Mon père fit faire un échange standard. Je me souviens du moteur arrivant dans une caisse en bois chez le garagiste.

Mais par la suite, un problème récurrent de pas de vis à la sortie du collecteur d’huile nous immobilisa à trois reprises. Les deux premières fois sans trop de dégâts, mais à la troisième, un incendie se déclencha. Bien que vite maîtrisé, les faisceaux électriques avaient souffert et surtout le capot moteur avait besoin d’un passage en cabine de peinture.

Mon père passa du tout au tout dans le choix de la nouvelle teinte, avec une logique certaine d’ailleurs. Il s’était aperçu que la couleur sable n’était pas très visible par les autres automobilistes. Il consulta le catalogue BMW de l’époque. Le constructeur de Munich avait un jaune « Golfgelb » qui convenait parfaitement aux 2002, et à leur allure sportive. Mais sur une berline assez pataude, il fallait oser. Il osa.

Observez cette extraordinaire photo, de notre familiale BMW ainsi repeinte, remontant la ligne droite des stands lors de l’édition 1978 des 24 heures du Mans, quelques heures avant le départ de l’épreuve. Les préposés autour de la Ferrari 512BB de l’écurie Francorchamps, n’en reviennent pas :

C’est quoi ça ? Qui a laissé passer cet objet de mauvais goût ?

La photo nécessite quelques explications. Nous sommes le samedi 10 juin 1978. Il est 11 heures. Dans 5 heures ce sera le départ des 24 heures du Mans. Mon père est au volant. Il est concentré sur le sujet. Il ne s’agit pas de se faire remarquer plus. Je suis assis à sa droite et mon frère est sur la banquette arrière.

Mon père avait fait connaissance, dans son magasin, d’un client qui était membre du directoire BMW. Ils avaient noué une relation d’amitié. Sachant que mon père s’intéressait à la course automobile, il lui avait proposé une inscription à une opération organisée à l’intérieur du réseau BMW. Elle se nommait « 48 heures BMW ». Nous étions entourés de concessionnaires avec de gros coupés série 6 .

Après coup, mon père expliquait comment il avait dû lever le pied dans les Hunaudières à cause de l’eau du moteur qui chauffait. L’auto était un peu fatiguée. Nous nous étions fait doubler par la plus part des autres autos.

Ce dont je me souviens, c’est la joie que mon père éprouva d’avoir pu nous faire découvrir les 24 Heures du Mans dans ces conditions. Nous avions eu ,comme lors de l’édition  1977, des places au-dessus des stands de ravitaillement BMW. Quels souvenirs ! Quel privilège pour un enfant !

J’ai trouvé cette vidéo exceptionnelle enregistrée par Porsche durant les essais de l’édition 1977  (l’auto avait encore des rétroviseurs carénés). C’est bien le même tour, la même configuration de circuit … mais l’auto ne roule pas à la vitesse de 130km/h comme la nôtre! La piste est étroite, sale. C’est une autre époque. voir la vidéo https://youtu.be/Ba-QD3wnfF8

Que dire de cette photo? J’y tiens énormément. J’ai gardé la plaque avec notre numéro, un modeste 352 et même le bracelet pour accéder aux stands.

Cette édition restera à jamais la plus belle pour moi.

Mon père commanda quelque temps plus tard une 528i. C’était une belle progression. Il était attaché à cette marque et par conséquent, il entreprit d’élargir notre collection de voitures de course  miniatures aux reproductions de BMW.

La BMW 1500 Dinky Toys sera donc avec la Talbot Lago de Grand prix les deux premières Dinky Toys France qui entrèrent dans notre collection. En 1979, il acheta les deux versions Poch, en boîte bien sûr. Il fallait déjà avoir le goût du rare et du beau pour aller dans une telle direction.

Bien plus tard, j’ai acquis d’autres versions de pré-série. La première devait appartenir à Jean-Michel Roulet qui l’avait eue rue du Maroc. L’auto est curieusement barbouillée et retouchée. Le plus intéressant est ailleurs.

C’est une pré-série : Dinky Toys a oublié de graver deux montants de portières et la grille d’aération  sur le capot devant le pare-brise. L’auto eut un curieux destin. Cédée à Jean Vital-Remy, elle fut mise avec des dizaines d’autres, constituant un lot de modèles en état d’usage comme il est si joliment indiqué dans les catalogues de salle de vente.

L’autre vient aussi de cette collection belge. Elle est intéressante au regard d’une caractéristique particulière. L’auto est peinte dans le bleu métallisé de la Mercedes 300, cela n’a pu vous échapper. Les finitions ne sont pas faites, et l’auto n’est pas sertie. La carrosserie est vierge. Je n’ai que deux autos finies ainsi. En discutant avec d’anciens employés de chez Dinky, j’ai appris que cette pratique était très commune. Peu d’exemplaires ont survécu en raison de la conception de ces objets qui ne servaient qu’à faire un premier choix : aucune finition, pas de sertissage. J’ai vu la série de Peugeot 203 de Robert Goirand. Elles sont de la même veine. Aucun doute sur leur authenticité, les carrosseries n’ont pas été bouterollées.

Je finirai par celle qui me tient le plus à coeur. Mon père était habile de ses mains. Le cuir demande de la dextérité. Il aimait faire des maquettes, des « kits en white metal ».

Nous nous répartissions le travail. Il préparait les carrosseries et les peignait au pistolet, je faisais le montage et la finition. Il acheta un modèle de la 1500 Dinky Toys, modifia la face avant et arrière, et la peignit en jaune « Golfgelb ».

Je finis de la décorer dans sa livrée 48 heures du Mans 1977. Le montage est loin d’être fantastique. Elle resta à ses côtés jusqu’à la fin de ses jours.

Prochain blog le dimanche 15 Novembre 2020.

Tri Ang Minic New Zealand Alfa Romeo 158

Des Alfa au bout du monde

Les petits fabricants de jouets de pays lointains proposèrent à leur catalogue des reproductions de monoplaces. Selon la même logique  que  les firmes bien établies en Europe, ils les conservèrent très longtemps. Compte tenu du prix de l’outillage, ces firmes opéraient un choix et ne reproduisaient qu’une monoplace. 

Notre Talbot nationale sera immortalisée en Australie et en Nouvelle-Zélande. Il faut dire qu’un champion local cumulait les victoires à son volant et c’est donc en toute logique que le fabricant Micro Models l’inscrira à son catalogue. Ce sera « la » voiture de course du catalogue Micro Models. Continuer la lecture de Tri Ang Minic New Zealand Alfa Romeo 158

Victoire de Matra au Mans

Depuis 1950, les Français, amateurs de sport automobile, attendaient une succession à la Talbot victorieuse aux 24 heures du Mans. L’apparition de la firme de Romorantin, Matra, leur redonna l’espoir. Si le constructeur est présent au Mans dès 1966, il faudra cependant attendre 1972 pour voir s’inscrire le nom de Matra à la première et à la seconde places du palmarès.

la vainqueur du Mans 1973 avec le guide Solido et la planche de décoration
la vainqueur du Mans 1973 avec le guide Solido et la planche de décoration

Ce doublé sera suivi par deux autres succès consécutifs en 1973 et 1974, avant que le fabricant de missiles qu’est Matra se contente de fournir son moteur à une équipe de formule 1. Les versions présentées ce jour sont celles du millésime 1973. La victoire de Matra fut acquise de très haute lutte face à Ferrari. L’incertitude dura pratiquement toute la course. Si les Matra semblaient légèrement supérieures en performance et en endurance, elles souffrirent toutes du déchapage de leurs pneus, à l’exception de la voiture des vainqueurs. Ce problème fut à l’origine de l’abandon de la numéro 10.

La numéro 12 perdit également tout espoir de victoire lorsque l’éclatement d’un pneu obligea ses mécaniciens à une longue réparation. Elle réussit cependant à monter sur la troisième place du podium, après une belle remontée.

L’excellent livre consacré à la saga Matra au Mans de François Hurel raconte cette anecdote : pendant la course, Gérard Ducarouge qui dirigeait la manœuvre dans les stands se plaignit auprès des pilotes de la numéro 11, celle des futurs vainqueurs, de ce que ces derniers sollicitaient trop leurs freins. Cela avait eu pour conséquence une usure prématurée de ceux ci, et surtout de précieuses minutes perdues au stand pour le remplacement de ces derniers. Or, après la course, au démontage, les mécaniciens s’aperçurent qu’un mauvais réglage de la butée de la pédale de frein avait eu pour effet d’exercer une légère pression sur ces derniers, même quand la pédale de frein était relâchée. D’où ces changements de disque à répétition et surtout une vitesse de pointe inférieure à celle des trois voitures sœurs. Les ingénieurs conclurent que ce défaut avait évité à la numéro 11 de déchaper. La victoire tient parfois à des détails surprenants.