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Sur des rails

Sur des rails.

A travers la collections de jouets, c’est le monde perdu de l’enfance que nous cherchons tous.

Mes plus grandes émotions de gamin sont toujours arrivées à un moment inattendu : non pas devant les vitrines d’un magasin de jouets, mais dans un hall de gare, devant une maquette de locomotive de chez Arma, dans une agence de voyage qui exposait une reproduction de Caravelle, et même devant les auto-écoles qui n’hésitaient pas à mettre en vitrine des Dinky Toys Simca Aronde ou des tractions en 1970.

Je vous rassure, l’auto-école utilisait des Peugeot 204 ou des Simca 1000 pour former ses jeunes conducteurs.

Le temps semblait s’être arrêté avec ces objets en place depuis des années, au même endroit. C’était une époque où tout allait moins vite, Il fallait du temps pour qu’un objet se démode. Mais un regard de collectionneur trouvait de l’intérêt à ces modèles.

Vous avez tous connu cela.

Dernièrement, à la très réussie bourse d’échange d’Orléans, mon regard a été attiré par un wagon porte-autos. Rien d’extraordinaire en soi.

En fait, c’est le souvenir d’ une vieille photographie de presse en noir et blanc sur laquelle figurait ce même wagon et qu’un client m’avait montrée il y a quelques années, qui a éveillé ma curiosité. Il n’y aucun doute sur le fait qu’elle émanait d’un photographe professionnel. Il s’agissait du genre de cliché commandé par la SNCF pour être ensuite diffusé dans la presse.

On y voyait une somptueuse et très détaillée maquette de wagon porte-voitures à deux étages de la STVA, garnie de miniatures Dinky Toys. C’était, bien sûr, le chargement de Dinky Toys qui avait incité le collectionneur à me montrer le cliché.

Plus tard François Laurent trouva d’autres clichés, en couleur  cette fois d’un wagon reproduit à une échelle supérieure. Le wagon était en effet garni de Renault 4cv de chez C-I-J  et de Citroên 2cv camionnette  JRD en tôle .

J’ai tout de suite fait le lien entre  cet objet trônant sur la table d’un marchand et ces photos.

 Le wagon était fabriqué par Arma, petite société de maquettes implantée dans Paris même. Cette firme avait une spécialité, les maquettes destinées à la SNCF : motrices et wagons. Plusieurs échelles de reproduction ont été utilisées.

L’échelle la plus fréquente était celle du 1/43, dite « O » chez les collectionneurs de matériels de chemin de fer. Il faut toujours avoir en mémoire que l’échelle de reproduction choisie par Meccano pour ses miniatures  Dinky Toys ne doit rien au hasard.

Les trains Hornby étant apparus bien avant les miniatures automobiles, Meccano s’est adapté à leur échelle. Les automobiles faisaient partie du décor, au même titre que les personnages et autres petits accessoires. Il ne faut jamais oublier cette histoire, elle a déterminé l’échelle de nos miniatures.

Ce wagon est donc au 1/43. La qualité de reproduction de ce dernier est exceptionnelle. C’est une vraie maquette bénéficiant d’une finition main.

Arma a utilisé du laiton pour façonner les plateaux. Le wagon est positionné sur un socle figurant des rails. Un tampon Arma indiquant l’adresse de la firme figure sur ce socle. Pas de doute c’est un travail de professionnel.

S’il n’y avait les Dinky Toys, la photo en noir et blanc pourrait presque laisser croire à la photo d’un vrai wagon !

Les miniatures ne sont pas au même degré de finition que le wagon. C’est aussi ce qui confère un charme à l’ensemble. L’amateur de variantes aura vite fait de détecter une curieuse monte de pneus. 

Les sept Dinky Toys sont équipées de pneus en nylon avec marquage Dunlop. Je n’ai jamais vu la 403 ainsi équipée en série. De plus la Citroën 2cv Azam est montée avec pneus nylon blancs. Elle est connue avec des pneus caoutchouc blancs, crantés, mais pas ainsi.

Il se peut qu’Arma ait équipé tous les modèles de pneus nylon, afin de rendre les miniatures plus réalistes. Ces pneus étaient en vente chez les revendeurs. A l’époque il n’était pas difficile de s’en procurer.

Laurent Sockeel, éminent spécialiste de matériel ferroviaire et marchand m’a indiqué en avoir déjà eu deux autres.

La vue du wagon a aussi réveillé des souvenirs auprès de certains clients. Ces maquettes Arma étaient exposés dans les agences SNCF, les grandes gares ou dans les bureaux de la direction. Elles animaient les halls. Elles devaient susciter la convoitise des enfants.. et des collectionneurs.

L’ami portugais.

L’ami portugais.

Absorbé par mon travail, je ne l’avais pas entendu entrer. « Ah ! vous êtes là aujourd’hui » me lança le facteur, et avec un immense soulagement j’ai compris qu’il me livrait le colis que je n’osais plus espérer.

Notre père, Bernard Espinasse 2/09/1939- 29/08/2019
Notre père, Bernard Espinasse 2/09/1939- 29/08/2019

Le collectionneur a un rapport émotionnel avec les objets convoités.

Quelques jours de retard pour un colis prennent vite des proportions inquiétantes. Il faut dire que je tenais beaucoup à ce colis qui contenait bien plus que des modèles, il contenait une histoire ou plutôt des histoires.

Ce colis avait été posté la veille de la disparition de mon père, le 28 août. Il est arrivé le 12 septembre et je n’ai pas eu l’occasion d’annoncer à mon père cette acquisition.

Face à quelqu’un de malade, on attend parfois le moment opportun, le léger mieux, pour parler « d’autre chose ». Ce moment n’est jamais arrivé. Ces miniatures marquent donc un moment charnière de ma vie de collectionneur.

Le colis contenait 14 Solido Buby issues de la série 100. Connaissez-vous ces produits ? J’ai eu le temps depuis 1975 d’en apprécier la rareté..

Dans le livre consacré aux Solido étrangères, celui avec la jaquette de couleur jaune, Bertrand Azéma fournit peu d’informations concrètes sur le sujet.

On peut même dire que ses propos sont assez confus. Ils ne sont d’ailleurs illustrés que par 4 modèles photographiés. C’est un indice qui permet au collectionneur de mesurer la rareté du produit.

Ce sont les productions étrangères de Solido les plus rares, et de très loin. Grâce à ce lot, nous avons pu compléter notre collection.

Ces modèles résultent d’un accord entre Solido et Buby.

Buby est une firme argentine qui dès le milieu des années cinquante a développé sa propre gamme (voir les blogs consacrés à ce sujet). Afin d’étoffer son offre sur le marché local, elle a signé un accord avec Solido qui voyait là un bon moyen de gonfler ses ventes à l’exportation.

Les Argentins ont toujours été amateurs de sport automobile, et Solido avait dans son catalogue de quoi satisfaire largement cette demande. Pour bénéficier d’avantages fiscaux (droits d’importation réduits), l’accord portait sur une importation de carrosseries et châssis bruts.

La peinture et le montage s’effectuaient sur place, à Buenos-Aires. Outre les boîtes et les couleurs, on peut identifier les Solido Buby grâce à leurs jantes, souvent différentes de celles utilisées sur le marché français.

Ainsi, l’Alfa Romeo 2600 est équipée de jantes en zamac concaves peintes, conçues pour recevoir un enjoliveur. Les mêmes jantes sont utilisées sur d’autres modèles de compétition, comme la Porsche, mais sans l’enjoliveur. Je trouve le résultat final très réaliste.

Quelques modèles reçoivent une petite décalcomanie de forme rectangulaire sur fond jaune indiquant la provenance argentine de la fabrication car les châssis d’importation française ont conservé leur marquage « made in France », comme ceux de nombreuses Dalia d’ailleurs. Ceux en zamac reçoivent une finition noire mate très différente de celles des modèles français.

Ce colis me tenait à coeur pour une autre raison, et non des moindres. Il m’était envoyé par un très grand collectionneur portugais, José Andrade, amateur de pièces rares, et qui réorientant sa collection, souhaitait que ces autos viennent enrichir la nôtre.

C’est un choix généreux de sa part. Connaissant notre vif intérêt pour la marque, il a préféré les céder en bloc, sachant qu’elles allaient rejoindre nos vitrines, plutôt que de les voir dispersées aux quatre coins du monde. De par sa longue expérience, il sait combien il est difficile de réunir cette série complète

C’est un des plus beaux moments de la vie d’un collectionneur que de se voir confier de la part d’un ami quelques modèles. Ces miniatures resteront à tout jamais attachées à son souvenir. Merci José de me les avoir confiées.

L’Ami français

La Citroën Ami 6 berline apparaît dans le catalogue Solido au milieu des bolides et des autos de sport. Si l’on excepte la Rolls-Royce, qui vient de la série Junior et qui n’est pas à proprement parler une série 100, c’est bien une première que Solido dévoile en 1962 en proposant cette berline française.

Ami 6 Solido variantes
Ami 6 Solido variantes

Ce fut un échec cuisant pour Solido. L’auto est fine, fidèle et constitue sans doute la plus belle des reproductions des Ami 6. Mais la clientèle de Solido, qui est jeune, a vocation à s’enflammer pour d’autres véhicules qu’une paisible berline, même si cette dernière est d’une esthétique innovante.

Il faudra attendre longtemps avant de voir une autre berline dans la gamme Solido : ce sera la Simca 1100 ! L’Ami 6 a intéressé tous les fabricants français : Dinky Toys, C-I-J, JRD, Norev, Minialuxe, Sésame, Clé…la version de Solido a peut être été la version de trop.

Jean de Vazeilles, dirigeant de Solido, ne s’avoua pas vaincu cependant. Il demanda à son bureau technique de modifier le moule et de créer une version break. Les premiers exemplaires de la Citroën Ami 6 break seront livrés avec la boîte de la version berline, surchargée d’un tampon « break ». Solido avait sans doute surestimé la production de sa version berline et semble s’être retrouvé avec un stock important d’étuis non utilisés. Il est également possible que la décision de créer une version break ait été précipitée, prenant de court l’imprimerie chargée de réaliser les boîtes.

Techniquement la reproduction est superbe. La version break est équipée d’un hayon ouvrant qui ne déforme en aucune manière la ligne de la reproduction. Il est habilement conçu : son ouverture n’occasionne pas d’éclats de peinture. Mais, on le sait bien, les versions breaks miniatures n’emportent jamais les suffrages au moment de l’achat. Cette version allait même à l’encontre des objectifs de la maison d’Oulins. Ce sera donc un second échec. Solido essaiera d’écouler les exemplaires dans des coffrets « loisirs » où elle tractera une remorque équipée d’un hors-bord. Le châssis est modifié, un téton en zamac est installé à son extrémité, permettant au crochet en acier, maintenu par le sertissage de rester dans l’axe de l’auto. Portant alors la référence 159, le modèle est un des plus difficiles à se procurer dans la série 100. Il faut avouer que jusqu‘au bout, la direction de Solido se sera fourvoyée. Les fabricants de jouets ont souvent eu recours à cet artifice, consistant à proposer des coffrets afin de placer quelques exemplaires supplémentaires de véhicules en fin de carrière comme l’Alfa Romeo Giulietta ou difficiles à vendre comme notre Ami 6 break. Le paradoxe de l’histoire, c’est que Solido a ainsi équipé sa Citroën d’une remorque hors-bord qui aurait si bien convenu au fringant cabriolet milanais. Celui-ci est condamné à tracter une paisible roulotte qui n’aurait pas déparée la version break de la Citroën

Cet échec conforta Jean de Vazeilles dans la pertinence de ses choix initiaux : la série 100 doit se limiter aux véhicules de sport et de grand tourisme.