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Deux fois quatre égale huit !

Nullement impressionnée par la sortie de la révolutionnaire Citroën Traction avant, Peugeot la firme de Sochaux avait programmé sa réplique. Inspirée par le Streamline Modern venu des USA, elle lance sa 402. La gamme de série est présentée au salon de l’auto 1935 où elle reçoit un accueil très favorable du public.

Peugeot 802 AR à gauche et Aludo à droite
Peugeot 802 AR à gauche et Aludo à droite

Elle s’inscrit dans un ambitieux programme qui est dévoilé au public en 1936. L’ingénieur Andreau présente une étude qui est la vedette de ce salon 1936. L’intitulé retenu pour la présentation à la presse est évocateur : « la voiture de type 1940 ». Cette auto, trop rapidement dénommée par les amateurs « 402 Andreau » est reconnaissable à son allure futuriste : ailes carénées, pare-brise panoramique, dérive verticale.

Bien longtemps après l’événement, René Bellu perce le mystère : contrairement aux apparences cette auto n’est pas une 402. En effet, Peugeot avait dans ses cartons un projet de moteur V8 qui devait équiper l’auto. Les documents et les plans retrouvés l’attestent. Cette auto est bien une 802. Peugeot resta très discret lors de la présentation au public qui rapidement y vit une grosse 402. Il est sûr que le moteur définitif ne devait pas être prêt. Dans ses recherches Réné Bellu a même trouvé la trace d’insignes de calandre frappés de ce numéro. Preuve de l’avancement du projet qui fut stoppé par la guerre.

Deux fabricants ont proposé une reproduction miniature de la 802, motivés sans doute par le côté innovant du véhicule. Les deux modèles illustrent le blog. Il existera bien, un peu plus tard une Peugeot 402 Andreau.

Peugeot fera réaliser 6 prototypes équipés du 4 cylindres. Si la 402 reprend les grandes lignes de la 802, de nombreux détails diffèrent qui permettent de distinguer les deux autos dans la réalité. Premier détail : le traitement des surfaces vitrées. Sur la 402 Andreau les montants de pare-brise sont très fins et les vitres latérales ne possèdent pas de montant. A l’opposé, la 802 du salon 1936 possède des montants de pare-brise épais que les deux fabricants de miniatures, AR et DC ont bien reproduits. Deuxième détail : le porte-à-faux. Celui de la 802 est volumineux alors que sur la 402 il correspond à celui d’une 402 classique.

Il ne faut pas oublier que cette 802 devait, dans le catalogue Peugeot être le haut de gamme, d’où le choix de cette motorisation V8.

Un dernier détail esthétique aide à la différenciation : la présence sur la 802 de fentes sur le capot avant, très spécifiques, que le fabricant AR reproduira finement. Grâce au travail de René Bellu j’ai ainsi pu découvrir l’identité réelle de ces autos miniatures.

Précisons que ces miniatures sont rares. Elles sont la fierté de tout collectionneur ayant la chance d’en posséder un exemplaire.

AR Peugeot 802 roues avant carénées
AR Peugeot 802 roues avant carénées

AR, qui avait de nombreux liens avec la firme Peugeot, ne pouvait passer à travers la reproduction de cette belle auto dont il a réalisé au moins deux variantes importantes. Comme vous pouvez le voir sur les clichés, le modèle photographié possède des ailes avant carénées. Ce détail reste mystérieux. AR proposera également une version sans ailes carénées, qui, selon moi, est antérieure. La 402 coach sera également dotée d’ailes avant carénées.

Peugeot 802 de chez DC
Peugeot 802 de chez DC

Les 802 de couleur crème et de couleur verte sont le produit du fabricant DC (Charles Domage). La reproduction est moins fine que celle d’AR. Elle sera reprise, après guerre par Aludo (couleur rouge), dans un alliage fragile constitué d’un zamac de médiocre qualité qui remplace le plomb des modèles d’avant-guerre. Les 402 Andreau, elles, ne connaîtront pas de reproductions contemporaines.

Pour conclure, et sans sombrer dans le chauvinisme, AR a réalisé avec sa série de Peugeot (601, 302 Darl’mat, 402 coach et 802 Andreau) la plus belle série de miniatures d’avant guerre. Un prix de vente que l’on imagine élevé a dû freiner leur diffusion. Il est dû en partie au mécanisme à clef qui équipait certains modèles. (voir l’article sur  la Peugeot 402 Fuseau Sochaux)

Moderne comme une 402

Henry Ford est à l’origine de la production de masse des automobiles. Il n’avait pas prévu que le consommateur, porté par son pouvoir d’achat et la forte croissance des années vingt, allait devenir exigeant. Au départ, il avait standardisé à l’extrême la production de la Ford T, ne proposant aux consommateurs aucune variante de carrosserie, de moteur ni même de couleur.

Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo
Peugeot 802 de chez AR, DC, Aludo

Pendant ce temps, à l’opposé, General Motor élargissait son offre via la création de marques différentes, répondant en cela à la demande des consommateurs. Chaque marque du groupe ciblait une clientèle particulière. Plus habile, il allait introduire la notion de nouveauté, en lançant sur le marché des autos de millésimes renouvelés chaque année, démodant ainsi le modèle de l’année précédente. Ce rythme effréné imposait aux ingénieurs et aux stylistes de trouver sans cesse des idées nouvelles. Parfois un courant se dégageait.

Ainsi, au début des années trente, inspiré par l’aviation qui avait progressé plus vite que l’automobile, et par la chasse aux records du monde de vitesse sur terre, un courant de création vit le jour : « le Streamline Modern ».

Ce mouvement parti des Etats-Unis consacre l’optimisation de la pénétration dans l’air. Il se caractérise par des lignes fluides et des courbes arrondies. Tout était bon pour donner aux autos une allure aérodynamique.

Il faut aussi signaler que c’était là un bon moyen de démoder rapidement la ligne d’une auto. Comme le signale fort justement René Bellu dans son livre « Toutes les Peugeot », l’aérodynamisme, est une science fut d’abord, en automobile une mode. Beaucoup d’erreurs ont été commises sous prétexte de créer des lignes esthétiques !

Une des plus célèbres automobiles de ce courant fut la Chrysler Airflow aux Etats-Unis. Les constructeurs européens reprirent l’idée mais de manière plus scientifique et rigoureuse. Cela aboutira à l’une des plus belles Peugeot de tous les temps.

En effet, c’est en France, au milieu des années trente que la firme de Sochaux relève un défi technique. En poussant ses recherches sur une meilleure pénétration dans l’air, les ingénieurs vont faire baisser la consommation de carburant de leurs moteurs. Il est intéressant de constater que les 402 de l’ingénieur Andreau consommaient 35% de moins que la 402 berline de base. Dans ses campagnes de publicité, Peugeot s’appuiera sur cet argument. Toute la gamme Peugeot va être concernée par ce courant. Un ambitieux programme est lancé, il est malheureusement interrompu par la guerre de 1939. Nous verrons la semaine prochaine jusqu’où Peugeot est allé. (voir la suite de l’article)

1936, un souffle de modernité à Sochaux

Dans son ouvrage consacré à la firme sochalienne, René Bellu est catégorique : c’est la plus jolie et la plus originale de toutes les Peugeot jamais produites. Il faut avouer que la ligne « fuseau Sochaux » tranche radicalement avec ce qui a déjà été fait.

Peugeot 402 JRD: l'élégance française
Peugeot 402 JRD: l’élégance française

Moderne, aérodynamique, ces carrosseries s’inscrivent dans un courant apparu au milieu des années 30.

Elle sera produite en plusieurs versions : coach, cabriolet décapotable, cabriolet transformable (avec système de décapotage électrique !), roadster, commerciale et bien sûr en conduite intérieure.

Pour cette dernière version, il faut même parler de deux variantes, l’une normale et l’autre longue. Celle-ci servira de base au modèle taxi. De profil, la différence entre les deux est visible au niveau de l’extrémité du pavillon. Sur la version longue, la carrosserie se prolonge après la troisième baie vitrée. Ceci offrant bien évidemment plus d’espace aux passagers arrière. L’empattement est bien sûr plus important. C’est cette version longue que JRD a choisi de reproduire. Pour l’histoire, on peut donc considérer que la version offerte par Dinky Toys dont le pavillon plonge immédiatement après la dernière vitre est peu réaliste.

Nous devons cette reproduction de la Peugeot 402 aux déboires de Citroën ! En effet, c’est bien de l’éclatement des jouets Citroën qu’est né JRD. Messieurs Rabier et Douat vont diversifier leur production et nous offrir cette fantastique série de modèles réalisés en plastiline à une échelle voisine du 1/43. Le coach et la commerciale qui ont réellement existé sont les deux seules versions qui n’ont pas été reproduites. JRD produira par contre des versions utilitaires, notamment un plateau brasseur. Les modèles présentés ce jour sont différents.

Les premiers modèles de Peugeot 402 produits par JRD, bien difficiles à se procurer, sont ornés d’une calandre en tôle fixée à l’aide d’une patte dans un orifice prévu à cet effet dans la carrosserie ; l’axe arrière est maintenu à la carrosserie à l’aide de pattes en tôle. Enfin, observez les ailes arrière. Elles sont découpées. Le dessin et les courbes des ailes avant sont également différents par rapport à ceux du second modèle possédant la calandre moulée. Nous n’avons jamais rencontré d’autres versions proposées par JRD qui auraient été équipées de la calandre en tôle. Nous pensons donc que seule la berline a été affublée de cet accessoire trop fragile. Le cabriolet et le roadster ont été également moulés avec des ailes arrière découpées, ce qui tendrait à prouver que la fabrication des moules pour produire des objets dans cette matière qu’est la plastiline devait être bien moins contraignante que la fabrication des moules servant à injecter du zamac.

De cette période novatrice restent ces beaux jouets qui sont le témoin des dernières années d’insouciance avant le conflit mondial qui se profile.