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Comme par magie.

Comme par magie.

C’est le titre d’un article du journal « Le Monde » du 12 Janvier 2021 qui m’a inspiré le sujet du jour. « Premier ministre et prestidigitateur ». L’article est signé Eric Albert. Il analyse un documentaire diffusé sur France 5 ce même jour.

Deux journalistes, Walid Berrissoul et Florentin Collomp font le portrait du Premier ministre britannique en exercice, Boris Johnson, et font un parallèle entre son élection et le métier de prestidigitateur.

Ces derniers ont déclaré au sujet de leur travail « On cherchait à répondre à la question : qu’est ce qu’il se passe quand quelqu’un est élu sur un mensonge ? « 

Il arrive que les médias fassent le rapprochement entre le monde féérique de la magie et les déclarations de personnages influents. Sur le ton de la dérision, bien entendu. Comparer un homme politique à un magicien est rarement très flatteur pour ce dernier.

Dans mon activité professionnelle la magie intervient parfois. Il faut savoir ouvrir les yeux. Des choses insignifiantes aux yeux du plus grand nombre ont le pouvoir de vous faire chavirer.

Depuis près de quarante ans j’ai le privilège d’exhumer chez les gens des objets liés à leur passé ou à celui de membres leur famille. Des petits rien.

Dernièrement au fond d’un sac contenant des miniatures j’ai trouvé un badge des années 70, période peace and love offert par Toyota à l’époque où la marque se lançait à la conquête du monde.

Un petit rien mais qui, placé à côté de vos Toyota Cherryca Phenix leur donne une touche personnelle et imprime à la vitrine une identité, la vôtre. La vue de ce badge me ramène à chaque fois au souvenir de sa découverte.

Un autre jour ce fut une simple épinglette Lada, qui m’apparut au milieu de quelques miniatures Norev. Ces objets révèlent les liens qui unissent les gens et les firmes automobiles.

En interrogeant les vendeurs, on ravive leurs souvenirs. On entre peu à peu dans leur vie. La magie d’un objet insignifiant opère donc parfois.

J’ai pu dégager une constante dans ces petites collections constituées dans les années cinquante. Immanquablement, les collectionneurs ont cherché à avoir une représentation des autos populaires qu’ils croisaient dans la rue.

Les Dinky Toys ont su répondre à l’attente de ces jeunes amateurs. Ces apprentis collectionneurs se sont heurté à un obstacle. Vous ne voyez pas ? Où trouver la reproduction d’une Renault 4cv ou d’une Frégate ? Dinky Toys ne pouvait reproduire à cette époque les modèles de Boulogne-Billancourt.

Un contrat liant la Régie Renault à la C-I-J réservait à cette dernière le droit de reproduire les modèles de Boulogne-Billancourt en zamac. Les reproductions en plastique (Norev et Minialuxe notamment) n’étaient pas concernées par cette interdiction (voir le blog consacré à ce sujet).

Norev qui utilisait la Rhodialite a bien entendu inscrit à son catalogue ces modèles populaires. Bon nombre d’amateurs qui ne juraient que par le « métal » des Dinky Toys y virent un sacrilège. Norev a pourtant offert une superbe 4cv et une Frégate très bien proportionnée.

Parfois, j’ai eu la surprise de trouver dans ces collections des années cinquante une petite Frégate en tôle. Ce modèle est rare. Une petite décalcomanie apposée sur la malle arrière au niveau de la plaque d’immatriculation indique « 1952 ». Il est fort possible que ce modèle ait été offert à l’époque dans les concessions Renault. Elle devait être moins chère à produire par rapport à la C-I-J. La régie semble avoir opté pour un ferblantier français inconnu.

Aligner une Renault Frégate ou une 4cv représentait donc un vrai casse-tête pour les collectionneurs en herbe.

Souvent, les gens faisaient l’impasse sur les Renault dans leurs collections, parfois, à contrecoeur, ils se tournaient vers les C-I-J.

Les C-I-J étaient généralement distribuées dans les bazars et les marchands de couleurs. Pour certains amateurs cela leur conférait un côté ordinaire.

La 4cv et la Frégate de chez C-I-J sont parfois présentes au milieu des Dinky Toys. Elles sont souvent mises à part par les vendeurs, du fait de leur finition plus sommaire et de l’absence de marquage sur le chassis.

Les années ont passé, et aujourd’hui encore ces Renault Frégate n’attirent pas trop la convoitise des collectionneurs. Plusieurs raisons peuvent être avancées.

L’échelle retenue par la C-I-J, le 1/45 environ, est sûrement la première d’entre elles. La gamme des coloris également. Il faut dire qu’à la sortie de la seconde guerre mondiale, les coloris offerts par les constructeurs ne sont pas très flatteurs. La Frégate C-I-J en pâtit peut être plus que les autres.

Je me suis pourtant efforcé de rechercher les variantes. Elles sont nombreuses ! Du fait du désintérêt de nombreux amateurs elles sont assez abordables.

La firme de Briare a reproduit les deux types de calandre : celle à barres (1952) et celle ovale (1955). Plus tard (1957), dans sa série Europarc, elle offrira une seconde mouture, plus imposante, au 1/43, dans des finitions bicolores. Si cette miniature est réussie, on peut s’interroger sur la pertinence de la création de ce nouveau moule, pour une auto qui n’a jamais eu la faveur du public.

La première série se distingue, outre sa calandre à barres, par son marquage au pochoir sur le châssis. L’inscription « La Frégate Renault » fait penser à un usage promotionnel, d’autant que le logo C-I-J n’apparaît nullement et n’apparaîtra sur aucune version. Cette circonstance laisse souvent perplexe les vendeurs, quand, 60 ans plus tard, ils doivent identifier le fabricant du jouet. Il se peut que les premiers exemplaires aient été distribués par la Régie Renault comme celle en tôle décrite plus haut. Plus tard l’inscription au pochoir sera remplacée par une inscription en relief.

La Frégate, avec les deux types de calandre, est sortie avec un mécanisme à remontage à clef hérité des jouets d’avant-guerre. On connait les limites de ce type de mécanisme mais cela conférait au jouet un côté « luxe ». Ces versions sont peu fréquentes, notamment celle avec calandre ovale, presque anachronique en 1955.

Les premiers exemplaires sont équipés de jantes en aluminium, qui seront remplacées à partir des modèles équipés de calandre ovale par des jantes de couleur jaune, puis rouge . Elles souffrent souvent de déformations (réaction chimique entre la jante et le pneu nylon)

On notera les variantes de couleurs, grises ou bordeaux, qui connaitront de nombreuses et très subtiles nuances. La version finie en noir est assez rare.

Le modèle équipé de la calandre ovale connaitra des couleurs plus vives, plus joyeuses (bleu France, rouge…).

La rupture du contrat d’exclusivité pour la reproduction des modèles de la Régie par la C-I-J aura un effet inattendu : ne souhaitant pas rester sur un échec, la firme de Briare sortira une nouvelle mouture de la Frégate

Vous pouvez aussi lire l’histoire de Renault Frégate Kemmel de chez C-I-J.

Baroud d’honneur en 4cv

Baroud d’honneur en 4cv

L’avenir semblait tout tracé pour la C-I-J. Elle n’avait qu’un interlocuteur, Renault, et un contrat d’exclusivité qui lui permettait de reproduire en zamac les véhicules du groupe Renault. Au milieu des années cinquante le constructeur automobile qui était devenu après guerre La Régie Renault décida de mettre fin au contrat.

On imagine à quel point cela dut être difficile à accepter pour la direction de la C-I-J, d’autant que la relation dépassait le simple cadre du droit à l’exclusivité de reproduction. Depuis l’avant guerre, il y avait entre les deux firmes une étroite collaboration qui concernait également la distribution des jouets (voir l’article consacré à ce sujet).

Ce fut un vrai coup de massue. Il est facile d’analyser la situation. Comment La Régie Renault pouvait-elle accepter d’être absente des catalogues Dinky Toys, firme concurrente à la C-I-J, et qui était au début des années cinquante la référence absolue dans le domaine des reproductions miniatures automobiles ? Peugeot, Simca, Ford, Citroën se partageaient ce privilège. Le contrat d’exclusivité avec la C-I-J devenait un obstacle pour La Régie et freinait la distribution de ses modèles auprès du jeune public.

La C-I-J aurait pu rapidement sombrer corps et biens. Cela va malheureusement arriver, mais l’échéance va être retardée. Courageusement la direction va relever la tête et se battre. Ce fait est oublié un peu vite des collectionneurs.

Les reproches de la Régie vis à vis de la firme de Briare devaient concerner la mauvaise distribution des modèles mais aussi la rusticité des fabrications. Avez-vous observé de près les C-I-J d’avant 1955 ? Un détail a dû vous frapper.

Elles possèdent toutes des châssis pincés(4CV, Frégate et autre Prairie mais aussi les Panhard).(voir l’article sur les premières C-I-J Renault 4cv)

La méthode de fixation du châssis en tôle peinte est des plus rustique même si C-I-J maîtrisait parfaitement cette technique. Cependant, depuis 1950, Dinky Toys France sertit ses modèles et évite ainsi les disgracieuses surépaisseurs au niveau des pare- chocs.

La firme de Briare va réagir, fini les châssis pincés. Toute la série des Prairie et ses dérivées vont être équipées de châssis marbrés et rivetés. Il en est de même pour la Renault 4cv. Pour la Frégate, un nouveau moule va être créé au 1/43, en place du 1/50 environ.

Cela bouge à Briare. D’ailleurs on peut légitimement s’interroger : ces investissements coûteux ont-ils été bien réfléchis ? En effet, les modèles cités ci-dessus étaient déjà en fin de vie chez Renault.

Pour sa Renault 4cv, C-I-J va modifier sa calandre et la mettre au goût du jour. En effet, depuis 1954 La Régie  Renault équipe désormais ses autos d’une calandre simplifiée à trois barres.

Dans la production des Renault 4cv équipées de calandre à trois barres, on distingue deux variantes de jantes.

Logiquement, les premiers exemplaires reprennent les jantes en plastique de couleur rouge et les couleurs de carrosserie vues sur la variante précédente équipée d’une calandre 6 barres. La carrosserie de couleur  noire est peu fréquente.

Ensuite, le modèle sera équipé de jantes en plastique de couleur argent, comme le reste des autos produites à la C-I-J durant cette période. Cette ultime variante connaitra les boîtages Europarc. Le modèle continuera sa longue carrière avec des couleurs chatoyantes mais peu crédibles: orange, bleu métallisé, bleu layette…pour notre plus grand plaisir de collectionneur.

Les ultimes versions sont reconnaissables à leurs châssis peints de la couleur de la carrosserie. Quel luxe !

Cette Renault 4cv. C-I-J connaitra une carrière au long cours. (voir le premier épisode et les suivants).

C-I-J sortira une version police parisienne qui a eu un certain succès.

Mais ces derniers sursauts ne pouvaient suffire à sauver cette entreprise pourtant si attachante. Nous sommes au début des années soixante. C-I-J n’a pas vu arriver la concurrence. On imagine que son marqueur était Dinky Toys et la reproduction de la berline populaire. Cependant depuis 1957, un certain Solido a lancé sa série 100, avec ses innovations techniques et un catalogue qui correspond à la demande de la jeunesse de ces années.

Il reste que la C-I-J est une firme des plus intéressantes. Elle possède un grand nombre d’amateurs et c’est justifié. Il y 40 ans j’avais réalisé un brouillon de livre sur la C-I-J. Finalement d’autres l’ont fait à ma place.

Avez-vous la 4cv Dinky Toys ? 

Avez-vous la 4cv Dinky Toys ?

C’est la question que m’a posée, il y a fort longtemps, un monsieur qui était entré dans ma boutique. Il cherchait  sa madeleine de Proust.

Comme vous le savez, Dinky Toys n’a malheureusement jamais reproduit ce véhicule. Pourtant, sûr de lui, il finit  par me prendre de haut, tant il était persuadé d’avoir eu cette miniature dans sa jeunesse. Il est difficile de ne pas vexer un interlocuteur qu’on contredit lorsque ce dernier est aussi péremptoire . J’essayais donc d’être pédagogue. Sans succès.

J’ai dû  aller chercher le livre de Jean-Michel Roulet et l’ouvrir à la page où apparaît la référence 24 E de la Renault Dauphine. Sous cette référence, ce dernier indique que la  Dauphine est la première « Renault »  à avoir eu l’ honneur d’être reproduite par le fabricant de Bobigny.

La Dauphine ayant succédé à la 4cv, j’avais bien  entre les mains la preuve de mon affirmation. La personne changea de ton et s’excusa. Il est vrai  qu’elle était presque devenue désagréable  et m’avait pris pour un incompétent.

Depuis ce jour, je me  méfie des souvenirs personnels liés à l’enfance. J’ai souvent constaté qu’ils étaient enjolivés ou bien éloignés de la réalité.

Voci donc le troisième volet de la saga des Renault 4cv de chez C-I-J. (voir le premier volet consacré  à la Renault 4cv de chez C-I-J  équipée de roues en zamac) 

(voir le second volet consacré à la Renault 4cv de chez C-I-J en version mécanique)

Nous sommes toujours avec le premier moule et la calandre à 6 barres. La pénurie de caoutchouc est désormais finie. C-I-J peut donc utiliser des jantes plates en acier équipées de pneus blancs. Ces mêmes jantes serviront fort logiquement à la Panhard Dyna X, de dimensions similaires

Certaines versions, que l’on peut qualifier d’intermédiaires sont équipées de châssis provenant des versions mécaniques. Elles en ont la découpe  mais sans l’équipement spécifique. Encore une fois, on voit que chez les industriels rien ne se jette ! Ainsi   j’ai  récemment récupéré deux modèles équipés du châssis en tôle chromée utilisé sur les tout premiers modèles. On peut d’ailleurs noter que ces deux modèles sont peintes dans  deux couleurs très peu fréquentes dans cette variation : bleu ciel et vert pâle.

C-I-J va ensuite équiper tous ses modèles de jantes en plastique, sans doute pour des raisons d’économie. Il est évident que les jantes en plastique devaient revenir moins cher que celles en acier. Elles assureront la transition avec la nouvelle calandre à 3 barres que nous étudierons la prochaine fois. Ainsi de nombreuses couleurs répertoriées avec la calandre à 6 barres et équipées de jantes en plastique rouge, poursuivront leur carrière avec les mêmes jantes en plastique rouge  mais avec la nouvelle calandre et le châssis riveté.

Une des plus représentatives est celle de couleur noire. Elle me tient à cœur. Ce fut ma première voiture  ! Je me souviens qu’elle me servait de support publicitaire avec l’affiche de mon magasin collée sur les vitres arrières !

Puis en 1986, notre fils est né. En ramenant la maman et le couffin de la clinique à notre domicile, je me suis dis que cette auto n’était plus recommandée pour transporter un nourrisson.   Il était temps de changer d’auto. C’est ce que j’ai fait mais j’ai gardé la C-I-J  !