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Des Dalia en coffret

Des Dalia en coffret

Le coffret est en carton fort de très belle qualité. Il est habillé d’un papier brillant de couleur orange .

Au centre du couvercle est collée une étiquette à fond jaune . Les couleurs sont chaudes, assez inhabituelles pour un emballage de jouet. Elles renvoient à l’ensoleillement de la région où ces jouets étaient fabriqués : Barcelone. L’orange du luxueux papier d’habillage rappelle également la couleur fétiche du sellier Hermès

L’amateur de jouets anciens voit tout de suite le lien avec les fameuses Solido Major et Junior qui virent le jour un peu avant. Comme nous l’avons déjà souligné, à partir des recherches de Bertrand Azéma, des liens existaient déjà. Les deux firmes étaient en pointe dans l’injection en zamac de divers objets utilitaires. On peut donc en conclure que Dalia a suivi le chemin tracé par Solido dans cette orientation : pistolets, avions et automobiles. Dalia fut sûrement encouragé par le bon accueil que le public a réservé à ces jouets ludiques car démontables et de qualité.

Ces autos baptisées « aérodynamiques » n’ont rien de commun avec les Solido si ce n’est le principe d’être démontables, chromées, de posséder un chassis commun. Un examen attentif révèle que la taille des chassis de ces « aérodynamiques » est située entre celle des « Major » et celle des « Junior » Solido.

C’est une taille intermédiaire. Dalia a choisi de reproduire des formes bien plus aérodynamiques que Solido. Même les carrosseries de la camionnette ou du camion sont conçues afin d’offrir une moindre résistance au vent. Le chassis et le capot moteur sont toujours chromés. Les différentes carrosseries reçoivent des couleurs acidulées métallisées très caractéristiques.

Dalia a poussé le luxe jusqu’à équiper ces modèles de pare-chocs avant et arrière, ce qui n’est pas le cas de Solido.

Ces coffrets datent de 1935-1936. Il sont luxueux, bien plus que les coffrets de Solido Major vus à la même époque en France

coffret Dalia

Un Dalia dans les ronces de Guernica.

Qu’est-ce qui fait que certains spectacles sont inoubliables ? Selon le metteur en scène italien Giorgio Strehler, l’étincelle magique peut se déclencher à tout moment, durer une seconde ou tout le spectacle, ne pas se répéter d’un jour sur l’autre : cela dépend des acteurs mais aussi du public. De nombreux facteurs entrent en compte, cela ne s’explique pas forcément. Il s’agit d’une étrange alchimie, qui fait que ce jour là, un instant se transforme en un moment de grâce.

Avez-vous déjà réfléchi à la question de savoir pourquoi un modèle vous émeut plus qu’un autre ? Qu’est-ce qui provoque l’étincelle ? C’est la question que je me suis posée devant ce coffret Dalia, le jour où je l’ai acquis, il y a fort longtemps.

Car en effet, j’ai ressenti une émotion très particulière devant cet ensemble Dalia d’autos aérodynamiques démontables.

J’ai été conquis sur le champ. La première explication est purement esthétique. L‘emballage est luxueux, il contient des miniatures très bien finies aux formes avant-gardistes.

Le chromage des châssis et du capot est de superbe qualité, de même que les peintures aux teintes acidulées qui habillent les carrosseries. La qualité du zamac est également irréprochable. Il n’y a quasiment jamais de métal fatigue sur ce type de fabrication, ce qui n’est pas le cas des Solido contemporaines de ces mêmes coffrets. Ces modèles sont de véritables créations qui ne peuvent être confondues avec les Major et les Junior produites en même temps chez Solido. Dalia avait des liens commerciaux avec Solido bien avant que la firme française ne fabrique des jouets.

Devant ce type de produits, on ne peut que s’interroger. Avant guerre, les miniatures espagnoles sont rares. Il y a de très beaux jouets produits de l’autre côté des Pyrénées, mais le matériau utilisé est le plus souvent la tôle peinte ou lithographiée (Paya, Rico…). La conjugaison de deux éléments, la provenance ibérique et la date de production du coffret (1935-1936), attisent la curiosité et questionnent.

Le contraste est saisissant entre le luxe de ce coffret et la situation du pays au même moment.

Pablo Picasso Guernica
Pablo Picasso Guernica

Ce coffret est contemporain de la guerre civile espagnole qui débute en 1936. On pense tout de suite à Guernica  de Pablo Picasso ou à la fameuse photo de Robert Capa « Mort d’un soldat républicain », où l’anarchiste républicain Federico Borell Garcia tombe en arrière, fauché en plein assaut. Avec le tableau de Picasso, cette photo symbolisera la guerre d’Espagne. Nous sommes bien loin de la futilité d’un coffret de jouets.

mort d'un milicien Robert Capa
mort d’un milicien Robert Capa

 

 

En Espagne, à cette époque, il y a une grande disparité de pouvoir d’achat entre la classe ouvrière et celle qui possède le capital. Ce type de jouet, luxueux était forcement réservé à l’élite dirigeante.

Le trouble que je ressens devant ce coffret vient de mon questionnement : comment des coffrets aussi luxueux ont-ils pu être diffusés dans une période aussi noire ? Ballotée entre les républicains et les nationalistes la population avait bien d’autres soucis que d’acheter des jouets. Pour certains, c’était plutôt de survie et d’exil dont il était question. Le coffret double, comprenant toutes les carrosseries fait figure de luxe absolu. Le prix de vente très élevé de ce genre d’article a dû limiter sa diffusion à la caste dirigeante. Il n’a pu en être autrement. Dans ce contexte, la production de ce type de jouets paraît incongrue, voire indécente.

Cependant, peut-être faut-il voir dans la volonté de produire de beaux jouets, même en période trouble, une vision optimiste de l’avenir, propre aux pays latins ?

Par opposition, je pense au catalogue du fabricant allemand Tipp co de 1939 que j’ai récupéré dans les archives de Jacques Greilsamer. Le catalogue est en noir et blanc. La majorité des pages est consacrée aux jouets de guerre. La couverture du catalogue est édifiante : l’aigle nazi figure à la une avec une croix gammée.

C’est presque un catalogue de propagande. On en oublie que Tipp Co est un fabricant de jouets. Nous sommes bien loin des chaudes couleurs du coffret Dalia.

Voici quatre coffrets que j’ai pu acquérir au fil des ans. Je me souviens fort bien de l’acquisition du premier. Un exposant de pièces automobiles de Rétromobile l’avait lui-même acquis dans les années 70 en Espagne à l’occasion d’une manifestation automobile où il exposait. L’objet l’avait séduit et il l’avait conservé jusqu’à ce moment où, voulant faire une autre acquisition, il avait été obligé de le remettre en vente. Vingt ans après, lors du salon champenois, il m’avait demandé si je l’avais toujours conservé. Il avait semblé content que je réponde par l’affirmative. Je pense qu’il était très attaché à l’objet.

Plus tard, j’ai acquis les coffrets de petite taille. L’un est consacré aux voitures particulières et l’autre aux utilitaires. Enfin, dernièrement j’ai mis la main sur le dernier coffret, plus modeste certes, mais non dénué d’intérêt.

 

Maserati 250F de chez Solido

 

Le Ring 1957

Remontons le temps. Nous sommes le 4 août 1957 pour le Grand Prix d’Allemagne. Choisir une auto qui symbolise le tracé du circuit est une tâche difficile. j’ai choisi la Maserati 250F de chez Solido.

 

 

Au stand ,avant le départ
Au stand ,avant le départ

Il y a déjà trois ans que la Maserati 250F occupe les grilles de départ des Grands Prix de formule 1. Elle a d’ailleurs remporté le premier Grand Prix auquel elle a participé, celui d’Argentine, en 1954. Cette anné-là, la formule 1 est régie par un nouveau règlement (moteur de 2,5 l de cylindrée ).

Avant l’arrivée de Mercedes et de ses importants moyens financiers elle sera la monoplace la plus performante. Par la suite Omer Orsi propriétaire de la marque, aura pour politique de se mettre au service de clients.

Cela a conduit à une dégradation dans la qualité de la préparation des autos. La fiabilité mécanique a fait défaut, les résultats s’en sont ressentis. Sur le plan économique le succès fut cependant au rendez-vous avec près de 30 autos fabriquées.

En fonction des résultats obtenus, certaines équipes ont eu droit à une aide directe de l’usine. Ainsi avant d’être engagé par Mercedes, Stirling Moss, au vu de ses performances a son volant, avait bénéficié de la part de l’usine Maserati de la gratuité de l’entretien du moteur de l’auto qu’il avait acheté en 1954. Plus tard il la louera à d’autres pilotes : Lance Macklin et John Fitch notamment (1955).

 

Dans un article paru dans « Libération » en 1995 inspiré des mémoires de Mike Hawtorn, Lionel Froissart revient sur cette course mythique. A l’époque elle se disputait sur une distance de 500 kms. Avant le départ, Fangio est en tête du championnat du monde avec trois victoires à son actif.

Le journaliste explique qu’il va utiliser une stratégie de course bâtie à l’avance et tenant compte d’un facteur incontournable : ses pneus, des « Pirelli » plus tendres que les « Englebert » qui équipent les Lancia Ferrari, ne peuvent tenir la distance. Il sait qu’il devra les changer.

Il choisit donc de partir avec un réservoir à moitié plein. Son auto plus légère lui permet de prendre la tête au bout de deux tours. Tout se passe comme prévu. Il possède près de trente secondes d’avance quand, à mi-course, il effectue son changement de pneus. Mais celui -ci s ‘éternise du fait d’un écrou de roue récalcitrant. Il repart avec un retard de cinquante secondes, tout est à refaire. Il va prendre des risques importants en battant à chaque tour son propre record. Il déclarera dans ses mémoires : «Je négociais chaque virage sur le rapport supérieur me disant à chaque fois que c’était une folie». Agé de 47 ans il pilote comme un débutant ayant tout à prouver. Avec une prise de risque maximum, il réussira l’impossible, remonter les deux Lancia Ferrari et les dépasser avec insolence, mettant au passage deux roues dans le bas côté, qui projetteront une pluie de gravillons sur le pauvre Collins, pilote d’une des deux Lancia Ferrari, prouvant que Fangio était sûrement dans un état second, car ce dernier n’était pas coutumier du fait. Il s’en excusera d’ailleurs après la course auprès de son ancien équipier chez Ferrari.

A l’arrivée il déclarera : « Je pense que j’étais possédé aujourd’hui. J’ai fait des choses au volant que je n’avais jamais faites et je ne veux plus jamais conduire comme cela. »

Il remporta la course, mais cette victoire, comme le décrit très bien Lionel Froissard dans son article aura des conséquences importantes. Sacré champion du monde pour la cinquième fois, il a pris conscience du danger et de la limite à ne pas dépasser. Il mettra un terme à sa carrière peu de temps après. C’est aussi la marque des très grands que de savoir s’arrêter au sommet de leur art.

Pour cet hommage à Juan-Manuel Fangio, voici un ensemble ayant pour thème la Maserati 250F de chez Solido et ses dérivés. Portant la référence 102, c’est la première des monoplaces de la série 100. C’est donc aussi la première monoplace miniature équipée de suspensions. Les formes sont correctement rendues, même si plus tard Solido maitrisera mieux son sujet. Peut-être est-ce dû aux contraintes liées au positionnement des ressorts de suspension.

La reproduction en deux parties du pot d’échappement est un peu baroque.

Elle connaîtra comme beaucoup de Solido par ailleurs des dérivés en Espagne et ce assez tôt au vu des différents boîtages . Sa carrière en Espagne sera très longue. A la fin, elle recevra même des jantes à rayons provenant de l’Aston Martin et des pneus très modernes à section carrée. Le moule connaîtra une troisième vie au Brésil. On peut s’interroger sur  l’intérêt de mettre une telle auto en 1968 au catalogue. Le prix de location du moule devait être très bas. https://autojauneblog.fr/2015/12/12/le-ring-et-la-maserati-250f/(voir l’autre article consacré à cette Maserati 250F)

L’oiseau éphémère, la Chaparral 2F

Il y a des véhicules qui sont hors du commun. On peut justifier ce qualificatif lorsque les fabricants de miniatures en ont proposé de nombreuses reproductions. Encore faut-il relativiser ce phénomène. Ainsi on ne peut s’étonner de voir un grand nombre de reproductions d’autos dont les durées de vie sur les chaines de production ont été longues. Le meilleur exemple est bien sûr la Volkswagen Coccinelle qui est née à la fin des années trente dont l’existence s’est étirée sur plus de cinquante ans et qui a été distribuée sur plusieurs continents. Il n’est pas étonnant de voir des milliers de reproductions, plus ou moins heureuses de cette auto. Il est plus intéressant de se pencher sur des autos éphémères mais qui ont donné lieu à un très grand nombre de reproductions en miniature.

Solido Chaparral 2 F
Solido Chaparral 2 F

En 1967, deux autos exceptionnelles vont connaître le succès auprès des décideurs des fabricants de miniature. Un tel engouement ne peut laisser indifférent les amateurs de l’histoire de la miniature automobile car il fallait vraiment qu’elles soient hors du commun pour que les fabricants investissent dans des moules onéreux. On imagine également la frénésie dans les bureaux d’étude afin être les premiers à proposer ces modèles.
Si vous ne l’avez pas deviné, je veux parler de la Lamborghini Miura et de la Chaparral 2F.

Pour la belle italienne, la ligne intemporelle créée par Bertone lui a valu la une de tous les magazines. Elle a fait fantasmer bien des conducteurs malgré des qualités routières qui n’étaient pas au même niveau. Près de cinquante ans après, elle n’a rien perdu de ses charmes, bien au contraire. On comprend alors le choix des fabricants de jouets qui l’ont inscrite à leur catalogue.

Pour la Chaparral c’est un accessoire qui lui vaut les honneurs. La ligne de l’auto tout en coins tranche avec celle des autos de course de l’époque. La Ferrari 330P4 tout en rondeurs est diamétralement opposée à cette conception. Mais l’élément déterminant est bien son grand aileron mobile. Cette Chaparral 2F a également fait la une des magazines et a intrigué la presse. Il ne faut pas oublier que nous sommes en pleine période de conquête spatiale et que l ’Europe est admirative de la puissance américaine.

La liste des fabricants ayant proposé une Chaparral 2F au 1/43ème ou assimilé est longue : Mebetoys, Mercury et Politoys en Italie, Märklin, Gama, Schuco en Allemagne, Joal en Espagne, Marx et Ideal à Hong Kong, Jouef en France. Parmi les très nombreuses reproductions, une se détache du lot. Il s’agit de la reproduction faite par Solido, en France. C’est cette dernière qui va retenir notre attention. Solido vient à peine de proposer une magnifique Chaparral 2D à sa clientèle, lorsqu’elle se lance dans l’élaboration du moule de la 2F. Si dans la réalité la 2D est convertie en 2F, il n’en est pas de même s’agissant des miniatures. C’est bien un moule nouveau qui est conçu. Il faut dire que les deux autos ont une esthétique très différente, et cela n’est pas dû uniquement à la présence du grand aileron. La forme en coin de la 2F tranche avec celle plus conventionnelle, plus galbée de la 2D. Elles ont en commun les portes papillons et bien sûr le moteur Chevrolet. Solido, toujours en avance va être le seul fabricant à proposer un aileron mobile, comme sur la vraie voiture. La seule infidélité sera l’adjonction d’un troisième mât actionnant le cabrage de l’aileron. Dans la réalité le système actionnant l’aileron passait à l’intérieur des deux mâts, ces derniers étant même profilés. Je me souviens encore du plaisir que j’avais à appuyer sur l’essieu arrière pour actionner l’aileron. Dans la réalité, la transmission semi-automatique avait permis de substituer à la pédale d’embrayage celle servant à braquer l’aileron: elle était en permanence enfoncée et, en la délestant, le pilote actionnait l’aileron. Pour la petite histoire, au Mans, ce dernier se bloquera sur l’auto numéro 7 en position « freinage ».

Afin d’illustrer mes propos, j’ai choisi quelques versions moins fréquentes. Elle ont pour point commun d’être toutes des productions étrangères de chez Solido : Dalia en Espagne, Buby en Argentine et Brosol au Brésil. Seule la Brosol bénéficie d’un marquage spécifique au niveau du châssis. Ses feux arrière, en strass de couleur rouge sont une caractéristique de l’ensemble des productions brésiliennes. La Dalia est reconnaissable à ses numéros de course en papier et la Buby à ses jantes très particulières.

Ersatz à Ibiza

Ersatz à Ibiza

Le moule de l’Aston Martin Solido connaîtra une brillante carrière à l’étranger. C’est notamment en Espagne, avec Dalia qu’il donnera naissance à de nombreuses versions.

Solido Dalia
le chassis regravé par Dalia

L’une d’elles mérite qu’on en conte l’histoire symbole de la débrouillardise ibériques, et du sens de l’improvisation. Afin de favoriser sa production locale et de limiter les importations, l’Espagne imposera des taxes douanières importantes aux fabricants de jouets étrangers. Pour contourner ces taxes, une chaine de fabrication de Dinky Toys voit le jour de l’autre côté des Pyrénées. Solido avait déjà établi de solides liens avec Dalia avant la dernière guerre mondiale et c’est en toute logique que la fabrication de la série 100 est délocalisée en Espagne. Dalia semble avoir eu une totale liberté sur le choix des versions qu’elle choisit de produire. C’est d’ailleurs là que réside, à mes yeux l’intérêt de cette série. C’est un dépaysement garanti que de voir des miniatures de la série 100 arborer des décorations « bomberos », « urgencias », « Ibéria » ou « telegrafos ».

L’Aston Martin DB5 va aussi connaître « sa » version spéciale. A cette époque, c’est à dire au début des années 60, Corgi Toys a lancé une série de miniatures reproduisant les autos de héros du cinéma (James Bond) ou de séries télévisés (Le Saint, Uncle…). Cette série aura un succès mondial et constituera un vecteur de développement pour la firme de Swansea. Si la législation relative au droit de reproduction n’était pas aussi développée qu’aujourd’hui, il est évident que les firmes anglo-saxonnes avaient déjà pris des précautions pour protéger leurs créations. Pour Dalia qui avait en mains le moule de la DB5, il devait être tentant de reproduire « son » interprétation de la célèbre auto de l’agent 007. Ne voulant pas provoquer frontalement les dirigeants de Corgi Toys, Dalia va contourner le problème. Continuer la lecture de Ersatz à Ibiza