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« jouet français »

« Jouet Français »

Dans l’histoire de la peinture, pour désigner un courant marquant on parle volontiers de « peinture italienne » ou de « peinture flamande ». On associe donc un pays, une région, à un mouvement pictural.

Ces courants furent si importants, leur durée fut si longue que l’on doit ajouter un marqueur temporel. On parle en siècles : « la peinture espagnole du 17 ème siècle ». Si la période s’avère particulièrement riche comme ce fut le cas ici, on divisera géographiquement, par villes, les différentes écoles : Séville (Velasquez,Zurbaran, Murillo…) ou Madrid .

Dans le domaine du jouet, on peut également opérer un classement en fonction du style, de la qualité, de l’ingéniosité dans la conception, en fonction du lieu de création de l’objet.

Des caractéristiques bien particulières se relèvent en fonction des lieux de production. C’est ainsi que dans les premiers ouvrages de Géo Véran, puis de Jacques Greilsamer, les classements sont organisés par pays de fabrication.

Dans le magazine Pipelette (numéro 8), j’avais souligné comment, dans les années soixante-dix, l’Anglais Cecil Gibson, un autre pionnier de la collection, avait lui aussi dans son livre « Model commercial vehicules » classé les productions par pays, prouvant bien que les jouets ont une identité propre en fonction de leur lieu de création.

Ce dernier avait même intitulé un des chapitres « Fourgons français », et ce dans la langue de Molière.

Les photos sont évocatrices. Outre les publicités de firmes françaises, il se dégage un style de fabrication, de finition, propre à notre pays. Il faut juste ouvrir les yeux. Il est vrai que jusqu’aux années soixante-dix, tous les véhicules, camions et autos avaient souvent déjà une identité liée à leur pays de conception.

Prenons l’exemple du Renault 1000Kg que Lion Car aux Pays-Bas et C-I-J en France ont reproduit. Il est clair que chacun possède une identité liée à son pays d’origine. Le Lion Car, juste de ligne, est réalisé sans génie. Simple, solide, économique, rustique.

Le C-I-J est fin, fragile, ingénieux. Grâce à une technique (gravure du moule) et un savoir-faire inégalé au niveau du façonnage des parties en tôle (portes arrière, marchepied repliable), la firme de Briare a réalisé un modèle quasiment parfait. Si l’on ajoute la qualité de fabrication, d’assemblage et de peinture, on obtient un objet qu’on ne se lasse pas de regarder dans sa vitrine, et ce même dans une livrée classique.

JRD est également digne de posséder le label « jouet français».

Logique, me direz- vous vu le lien existant entre C-I-J et JRD. Rappelons que cette dernière est née de l’arrêt de la fabrication des jouets Citroën avant guerre par C-I-J, qui se tourna vers Renault.

L’histoire du Berliet TLR tracteur semi-remorque Fruehauf à un essieu aux couleurs de la brasserie Kronenbourg, reproduit par JRD est évocatrice de cet esprit de conception. La brasserie alsacienne possédait dans sa flotte plusieurs exemplaires de ce véhicule ainsi carrossé.

La remorque est de conception simple, à l’image de celle qu’elle reproduit : deux portes, une caisse de type parallélépipède rectangle et un châssis en tôle serti à cette dernière.

Elle est finement injectée en zamac. Les flancs des premiers exemplaires sont intégralement striés. Le résultat est parfait. Cependant, l’application et la conservation des décalcomanies posa problème. Ces dernières réclament une surface plane pour une application optimale. JRD modifiera son moule en créant deux grands rectangles plats, du format des décalcomanies.

Ce camion aura une longue histoire, et de multiples variantes de décoration au niveau du décalcomanies apposé sur le fronton de la remorque. On compte pas moins de trois décorations différentes.

L’histoire aurait pu s’arrêter là. C’est ici que l’ingéniosité et l’art d’utiliser les pièces existantes pour multiplier les variantes interviennent. En gastronomie on parlerait de « l’art d’accommoder les restes avec talent ».

Au même moment JRD avait mis à son catalogue un autre ensemble, original : un camion Unic Izoard tracteur avec une remorque surbaissée et un wagon…aux couleurs Kronenbourg ! (lire le blog consacré à ce modèle)

JRD va créer un cadre sur lequel la caisse de la remorque décrite plus haut va s’adapter parfaitement. L’ensemble est fixé à la cabine de l’Unic Izoard grâce à deux points de sertissage. Voilà comment cet Unic Izoard conçu au départ en tracteur, avec un châssis court se retrouve en porteur châssis long.

Malgré ce bricolage, l’ensemble dégage une certaine crédibilité. De nombreux petits garçons auraient aimé se retrouver au volant d’un tel ensemble. Enfant, j’ai moi-même hérité d’un exemplaire offert par un cousin germain. Quel beau souvenir.

Grace à ce montage, JRD va astucieusement et à peu de frais garnir son catalogue d’un somptueux modèle aux couleurs du pétrolier Hafa. Une des plus belles harmonies de couleur à mes yeux dans l’histoire des modèles réduits de poids-lourds : saumon et bleu roi.

Mieux, elle va aller jusqu’au bout de la logique. En créant un train articulé, JRD va s’offrir aussi une remorque qu’elle pourra accrocher derrière son Unic Lautaret s’offrant un ensemble unique dans l’histoire du jouet.

Elle créera des décalcomanies au format des panneaux rectangulaires : Transports Internationaux. La longue liste des villes desservies par cet ensemble fait rêver. C’est l’Europe avant l’heure.

En fonction des périodes de fabrication, ces ensembles sont équipés de pneus blancs puis noirs. Ces derniers ont un dessin tellement particulier qu’ils participent à la beauté de l’ensemble.

Signalons que la version Transports internationaux fut déclinée en trois combinaisons de couleurs. L’une d’elle, la verte et saumon, pouvait recevoir au gré des fabrications des décalcomanies de couleur orange ou blanc. A l’arrivée, nous avons donc quatre variantes.

Enfin, la remorque fut aussi vendue en étui individuel, mais seulement dans la version orange et blanche.

L’histoire ne va pas s’arrêter là. Nous verrons dans un mois la suite de cette saga.

Le filon de la gendarmerie.

Le filon de la gendarmerie.

Les fabricants de jouets français ont mis du temps avant de reproduire des miniatures de la police ou de la gendarmerie.

Lors d’un précédent blog, j’avais souligné les scrupules des industriels du jouet à reproduire ce type de véhicules dont l’image est associée à celui qui a mal tourné. (lire le blog « le blues de la police »).

La C-I-J va être la première en France, à briser ce tabou (voir le blog les deux harengs). Devant le succès rencontré par ces modèles police et gendarmerie, tous les fabricants, qu’ils injectent du zamac ou du plastique (Minialuxe sera le premier dans cette matière) vont lui emboîter le pas.

Norev, leader français des fabrications de miniatures en plastique, ne pouvait rester sans réagir devant l’évident succès de Minialuxe, son concurrent d’Oyonnax, dans cette niche des véhicules de la gendarmerie.

Elle comprit tout le bénéfice qu’elle pouvait tirer auprès de la clientèle en déclinant sa Citroën DS21, et surtout sa berlinette Alpine. Pour l’occasion elle conçut pour ces deux modèles un gyrophare convaincant, ainsi qu’une petite antenne.

Pour sa Land Rover châssis court, elle a créé une antenne fouet. Une fois de plus, on comprend tout le bénéfice que le fabricant pouvait tirer de cet accessoire. En ajoutant un gyrophare et des décalcomanies papier, le tour était joué. Une version de couleur sable, tout à fait crédible, a été produite..

Bien plus tard dans la série jet car, L’ Alpine A310 a également été déclinée en gendarmerie.

Dinky Toys France est d’abord passé totalement à côté de ce type de véhicule et c’est bien dommage. Equipée d’une antenne fouet, la Peugeot 403 familiale aurait été parfaite.

Il faut dire qu’à cette époque tout allait encore bien à Bobigny et l’entreprise n’éprouvait pas le besoin de se remettre en question.

Plus tard sur les conseils de Claude Thibivilliers, arrivé en 1965, elle se laissa convaincre de produire un tel modèle. La Renault Sinpar gendarmerie illustra parfaitement l’attente de la clientèle. Une antenne en plastique, un support en acier la maintenant courbée, deux personnages en pleine action, un poste-radio, une capote, un pare-brise repliable, voilà bien le type de modèle qui répondait à la demande. Il connaîtra deux références et perdra son filin en acier dans le temps. Le véhicule est une belle réussite . Il me procura, enfant, beaucoup de plaisir.

Dans un effet entrainant, Solido, comprit qu’il fallait aussi sacrifier à cette mode « gendarmerie ». Mais comment faire ?

En 1967 l’entreprise n’avait à son catalogue aucun modèle susceptible de remplir cette mission. Une fois n’est pas coutume, le fabricant d’Oulins proposa une auto totalement imaginaire : une « Alfa Romeo GTZ tubolare police des autoroutes ».

Cette dénomination fantaisiste, « police des autoroutes », colle bien à la miniature. Ne la cherchez pas en photo ! Mais elle aurait sûrement ravi les apprentis pilotes de la gendarmerie.

Elle permettra à Solido d’amortir son moule qui ne semble pas avoir rencontré un vif succès en version compétition. Une peinture bleue, des décalcomanies sur les portes, le capot avant et le pavillon, une antenne bien sûr, et, surtout, un petit gyrophare créé spécialement. C’est un jouet, mais il a fière allure.

Le modèle symbolise tout à fait ce type de véhicule d’intervention rapide qui venait juste d’apparaître en France sur les autoroutes.

Autre particularité, la voiture ne fait pas partie de la série 100, comme la version sportive dont elle est déclinée, mais appartient à la gamme militaire (série 200). Elle a connu les deux variantes d’aménagement intérieur qui se caractérisent par la présence d’une roue de secours rapportée puis moulée. Pour l’occasion, la tonalité de la couleur bleue évolue (plus foncée à la fin) et ses phares en plastique passent du cristal transparent au jaune.

Elle connaîtra deux boîtages, preuve d’un certain succès et d’une pérennité. Enfin, il existe une variante plus rare qui empruntera durant quelque temps (1968) la teinte bleu-marine foncé (et non noire comme décrit par erreur dans le livre de Bertrand Azéma) du Renault 4×4 Gendarmerie sorti cette année là.

En1968, année prémonitoire, Solido va élargir son offre avec un joli coffret, à l’intérieur de la gamme militaire. Il est constitué du Renault 4×4 décoré à l’aide d’une grenade, symbole graphique de la gendarmerie, d’une moto BSA , de deux figurines et deux cônes de Lübeck.

Le socle en plastique et la cartouche de protection en carton sont communs aux deux autres coffrets proposés simultanément. Le modèle est fabriqué par Monovac, à Monaco. Monovac est la propriété de Ferdinand de Vazeilles, père de Jean qui, au milieu des années cinquante, a laissé l’ entreprise Solido à ses enfants, avant de créer cette firme spécialisée dans l’injection plastique (maquettes…)

Bien plus tard, au milieu des années soixante-dix, au moment de la cession de l’entreprise par la famille de Vazeilles, Solido se souviendra de ce coffret.

Elle réutilisera la moto et les deux gendarmes. La Renault 12 break remplacera le 4×4. Pour l’occasion elle recevra un gyrophare.

Ce coffret est devenu culte par la reproduction, la première, d’un accessoire qui venait de faire son apparition à la suite des premières limitations de vitesse , un radar.

Pour l’occasion Solido a créé un vilain buisson en plastique qui servait à maintenir le radar en place.

Dans ces années soixante-dix, Solido avait un catalogue plus diversifié. Depuis la disparition de Dinky Toys, berlines et breaks avaient fait leur apparition au catalogue au milieu des coupés sportifs et des voitures de compétition. Il fut donc facile de trouver une remplaçante à la GTZ « police des autoroutes ». Ce fut l’Alpine Renault A310.

La miniature est fort réussie. Un gyrophare, une petite antenne, bien sûr, des, décalcomanies sur les portières. Cette fois, les clients ont eu droit à un modèle réaliste.

Il existe au moins trois couleurs, sans compter les nuances différentes. L’Alpine Renault sera suivie d’un break Peugeot 504 bénéficiant du même équipement et …d’un panneau « halte » inséré dans la cale de blocage de la boîte carton. La miniature a belle allure, elle bénéficie d’une qualité de fabrication héritière de la série 100.

Dans les années quatre-vingt-dix, comme un clin d’oeil au passé, Solido ressortira un coffret Gendarmerie. Le coffret contient une Peugeot 205 sur laquelle Solido s’est contenté d’une tampographie gendarmerie. Le modèle n’apporte pas grand chose. Seul le Saviem VAB est original. Ce n’est plus le grand Solido innovant même si le graphisme du coffret est réussi.

Pour rester dans le thème, signalons qu’à cette époque des hélicop-tères de belle qualité ont été déclinés en version Gendarmerie (Alouette et Gazelle).

L’effervescence créative du milieu des années soixante a disparu. Mais il y a bien eu chez les fabricants de jouets français un mouvement tendant à proposer des modèles « Gendarmerie ».

Le lien entre ces modèles est l’adjonction d’une antenne et d’un gyrophare. A part la Renault Sinpar de chez Dinky Toys, toutes ont été des déclinaisons de modèles au catalogue, permettant au fabricant de proposer à peu de frais des modèles différents. Au regard du nombre de modèles fabriqués, le filon semble avoir été rentable. Merci donc à C-I-J d’avoir créé cette antenne fouet qui a montré la voie aux autres fabricants français.

 

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Les deux harengs.

Les deux harengs

C’est l’histoire d’une amitié. Une amitié entre deux hommes, deux artistes. L’un a connu la reconnaissance assez rapidement tandis que l’autre ne la connaitra jamais. C’est sa disparition qui ouvrira les yeux des critiques, puis ceux du public. Cette amitié se cristallisera à travers un objet, un tableau.

Paul Signac a connu Vincent Van Gogh en 1887 sur les bords de la Seine. Il a été séduit par le travail du peintre hollandais, son utilisation des couleurs pures appliquées en larges touches.

Deux ans plus tard, en mai 1889, Paul Signac se trouve dans le midi lorsqu’il apprend que Van Gogh a demandé a être interné à Saint-Rémy-de-Provence. Par amitié, il décide d’aller lui rendre visite. Il subsiste une lettre de Van Gogh à son frère Théo dans laquelle ce dernier raconte tout le bien que cette visite lui a procuré et surtout l’escapade que les deux amis ont fait ce jour là.

En effet, Van Gogh voulut retourner dans la chambre qu’il occupait à Arles mais les gendarmes avaient condamné l’accès de la pièce, et malgré tous leurs efforts, les deux apprentis cambrioleurs n’arrivèrent jamais à pénétrer dans le lieu. De retour à l’asile, en mémoire de ce bon moment ,Van Gogh offrit une toile à Signac.

Comme il l’écrivit à son frère Théo : »Je lui ai donné en souvenir une nature morte qui avait exaspéré les bons gens d’armes de la ville d’Arles, parce que cela représentait deux harengs fumés, qu’on nomme gendarmes comme tu sais. […]  »

Ce tableau est à l’image de la connivence des deux amis. Paul Signac, sympathisant du mouvement anarchiste, apprécia le geste et garda le tableau chez lui toute sa vie.

D’autres peintres ont eu la malice de présenter des harengs séchés sur leur toile. Louis Léopold Boily y ajouta même un chat noir, prêt à s’offrir le butin.

Louis Leoplod Boily Un trompe l'oeil avec un chat et une buche de bois à travers une toile
Louis Leoplod Boily Un trompe l’oeil avec un chat et une buche de bois à travers une toile

Encore aujourd’hui, dans le langage populaire, le hareng saur est appelé « gendarme » car sa rigidité évoque celle du gendarme figé dans son autorité, appliquant aveuglément la loi sans complaisance ni souplesse.

La mission de la maréchaussée, nom premier attribué au Moyen Âge à ce corps de militaires chargé de la police et de la justice à l’intérieur de l’armée, a évolué. La Gendarmerie nationale est une des plus anciennes institutions françaises. Désormais, elle exerce un rôle de police (sécurité des personnes) en milieu rural et sur les voies de communication.

L’image de ce corps auprès la population a bien évolué. La série des films de Jean Girault racontant les tribulations de la gendarmerie de Saint-Tropez, et la chanson de Bourvil, « la tactique du gendarme », qui connut un grand succès dans les années cinquante, y sont peut être pour quelque chose. Elles ont donné un côté plus humain à l’institution . (écouter la chanson de Bourvil)

Les gendarmes sont nos anges gardiens sur les routes et les autoroutes. Leur image ne peut être dissociée de celles de nos voyages.

Paradoxe : on les redoute, mais on apprécie leur présence en cas de problèmes. Enfant, j’étais impressionné et admiratif quand assis sur la banquette arrière de la berline familiale, nous croisions sur l’autoroute une Citroën SM ou une berlinette Alpine, navires amiraux de la flotte de la gendarmerie.

C’est C-I-J qui comprit le premier l’intérêt de proposer à ses petits clients un véhicule de ce corps d’armée. Cela permit à la firme de Briare d’amortir le moule de sa Renault 300Kgs Dauphinoise.

Le trait de génie de C-I-J est d’avoir reproduit l’accessoire qui caractérise ce type de véhicule rural : l’antenne fouet lui permettant d’être relié à un centre décisionnel.

C-I-J a su parfaitement résoudre l’équation consistant à reproduire cet accessoire de manière réaliste, fonctionnelle et fiable. Une tige d’acier, boudinée à sa base, fixée à l’arrière du pavillon et à son extrémité une boucle façonnée se fixant sur un crochet en acier inséré sur l’avant du capot moteur. C’est simple mais il fallait y penser.

Ce modèle va donc ouvrir la voie à toute une série de miniatures équipées d’antennes. Ce petit accessoire va se révéler un élément déterminant pour la jeune clientèle au moment de l’achat d’une nouvelle miniature. Minialuxe, Norev, Solido vont emboîter le pas. Dinky Toys le fera, bien plus tard, de manière convaincante, avec la Renault Sinpar Gendarmerie.

C-I-J a choisi la couleur bleue pour décorer sa miniature. Pourtant, à cette époque, la flotte des véhicules de la Gendarmerie était peinte en noir. Cette teinte est plus délicate à appliquer sur un modèle réduit (les imperfections sont immédiatement visibles). Il se peut aussi que cette couleur, liée aux véhicules funéraires, ait rebuté la direction de Briare.

Une partie de cette flotte de Renault 300Kgs livrée à la gendarmerie eut un rôle bien particulier. Ces autos servaient à venir en aide aux automobilistes en difficulté. Elles ont été conjointement utilisées par le Secours Routier Français et la Gendarmerie. Elles étaient même équipées d’un brancard et de matériel de premier soin. C’est peut être ce type de véhicule que C-I-J a choisi de reproduire, d’où la couleur bleue qui sera bien plus tard celles des véhicules de la Gendarmerie.

Elle récidivera plus tard avec la Renault Estafette dans sa gamme Europarc, réutilisant la fameuse antenne fouet en acier. En 1963 pourtant, la miniature aurait aussi dû être peinte en noir. Le jouet est plein de charme.

Le second fabricant à comprendre l’intérêt qu’il y avait à proposer des miniatures de la Gendarmerie fut Minialuxe. La firme d’Oyonnax commença avec son fourgon 1400Kg.

Comme C-I-J, elle trouva là un moyen de réutiliser et d’amortir son moule. Il s’agit de la seconde mouture, reconnaissable à son plastique de qualité qui ne se déforme pas. Outre la décoration avec la fameuse grenade, symbole de cette institution, et le gyrophare, c’est l’antenne fouet, de taille démesurée qui attire en premier lieu le regard. C’est bien cet accessoire, créé spécifiquement, qui permet au jouet de se démarquer dans la gamme.

Plus tard, l’Estafette prendra le relais. Pour l’occasion l’antenne perdra de sa superbe. Dans un souci de standardisation, Minialuxe équipera ses différentes déclinaisons d’Estafette de la même antenne, et même plus tard, ses autos au 1/43 .

Le thème « Gendarmerie » rencontra un vif succès auprès de la clientèle. Le nombre de modèles et de coffrets crées en est la preuve. Après les deux fourgons c’est la Matra Djet qui fut proposée. La gendarmerie l’utilisa sur les autoroutes qui au milieu des années soixante commençaient à se développer. Les modèles sont finis en bleu France ou en bleu marine.

Elle sera suivie par d’autres véhicules puisés dans la gamme existante : une Citroën SM, et même une Simca 1100, sûrement un peu juste pour poursuivre sur l’autoroute les contrevenants ! un coffret fut créé où la brave Simca 1100 est épaulée par deux motards, sûrement plus à même de remplir cette mission !

L’on verra que cette idée de moto accompagnatrice donnera des idées à un autre fabricant.

Lire la suite dans un mois. Désormais, le blog paraitra tous les premiers dimanches de chaque mois.

 

Pour 19€ tu peux avoir le livre…

Pour 19€ tu peux avoir le livre…

« L’éminent marchand d’art, grand collectionneur et richissime David Nahmad, dont la fortune est estimée à 1,8 milliard de dollars selon le magazine Forbes, a constitué avec son frère Ezra l’une des plus importantes et prestigieuses collections d’art privées du monde. La collection de la famille Nahmad est riche de plusieurs milliers d’oeuvres et chefs-d’oeuvre, signés des grands noms de l’art moderne, depuis les maîtres du pré-impressionnisme et de l’impressionnisme » . Voilà comment le site de vente en ligne, Amazon, présente le livre « Matisse collection Nahmad » édité chez Lienart à l’occasion de l’exposition temporaire au Musée Matisse de Nice 2021/2022.

Musée Matisse à Nice
Musée Matisse à Nice

Ce type de présentation a le don de m’indisposer. Désormais, pour vendre un livre, ou tout autre produit, on ne sait parler d’autre chose que d’argent. Avait-on besoin de parler de la fortune de cette famille pour vendre un livre à 19 euros ? cette présentation rend-elle plus beaux les tableaux et surtout quel lien a-t-elle avec l’exposition ?

le livre à 19€ " Matisse collection Nahmad"
le livre à 19€  » Matisse collection Nahmad »

Après avoir acheté l’ouvrage, dans une « vraie » librairie et lu l’interview croisée entre Claudine Grammont, la directrice du musée Matisse à Nice, et les deux frères David et Helly Nahmad , le sourire m’est revenu.

Loin des propos de la présentation de l’ouvrage par le site de vente en ligne que je qualifierais de vulgaire, David Nahmad se confie sur son métier de marchand d’art et sa passion de la peinture, prouvant bien que les deux ne sont pas contradictoires. Je cite David Nahmad :

« L’art doit être accessible, un tableau se destine au public. Personnellement, je ne vois pas l’intérêt d’acheter une oeuvre si c’est pour la garder chez soi. La possession, c’est la pire des choses. Le tableau en lui-même n’a pas de valeur, c’est avant tout un document. »

Que dire de plus ? Il faut beaucoup d’expérience et d’humilité à un marchand/collectionneur pour tenir ce type de propos.

Les deux frères n’éludent pas la question de l’argent. Après tout, ils sont marchands. C’est leur métier d’acheter et de revendre. Comme tout commerçant d’ailleurs.

Leur passion pour la peinture de Matisse est palpable dans toutes les réponses faites aux question de la directrice du musée Matisse de Nice. Et si leur savoir est grand, il n’est jamais écrasant pour le lecteur néophyte.

Ils parlent de leurs tableaux avec passion, soulignant les points forts, les détails qui les ont touchés, que ce soit l’exécution du carrelage du tableau « Sur la chaise longue » ou l’importance de la couleur de la ceinture verte de la « Femme au fauteuil ». Ces détails révélés sont comme des confidences que l’artiste nous aurait glissées à l’oreille.

Ces quelques lignes aident le visiteur de l’exposition à mieux appréhender les toiles de Matisse.

Dans la formulation d’une de ses questions la directrice du musée rappelle que les deux frères ont une conception ancienne du métier basée sur la connaissance des oeuvres, historique et esthétique.

Et lorsqu’il faut parler d’argent c’est au travers d’une anecdote ou de l’ histoire d’un tableau et de l’évolution de son cours.

Une crise politique, énergétique, un putsch militaire et le marché s’effondre au grand dam de ceux qui vendent à ce moment-là. David Nahmad rappelle l’effet catastrophique qu’à eu sur le marché de l’art en 1979 la prise d’otage à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran

Il raconte l’histoire d’un tableau de Matisse « Les coucous, tapis bleu et rose,1909 » demeuré invendu en cette année 1979. Après la vente, il le rachète avec un Renoir pour £240 000 pour le revendre à Pierre Bergé et Yves Saint Laurent en 1981. Le tableau sera remis sur le marché lors de la vente de cette prestigieuse collection en 2009, et sera cédé à 35 millions d’euros.

Il est tentant de faire le rapprochement avec le marché du jouet ancien et ses fluctuations. J’ai par exemple suivi l’évolution dans le temps de la cote d’un jouet de fabrication française.

Mon point de départ est l’acquisition par mon père. Depuis 1975, date du début de la collection nous avons toujours consigné nos achats manuellement sur des fiches bristol…

Mon choix s’est arrêté sur un jouet produit par JRD, l’Unic Izoard tracteur semi-remorque-porte wagon Kronenbourg. C’est un modèle tout en contraste. Si la version de base est très fréquente, il existe trois variantes rares.

Le jouet reproduit un véhicule qui a réellement existé. Le wagon et la remorque ne sont pas à la même échelle que le tracteur Unic qui est lui au 1/50. Il faut donc regarder ce jouet avec des yeux d’enfant et non de maquettiste. L’ensemble est cependant fort original.

Décrivons le modèle de base. Sur la première version du porte-wagon, la cabine est finie en deux tons, ivoire et rouge. La remorque peut être de couleur rouge ou argent. Il manque souvent la petite barre qui servait à bloquer le wagon sur sa remorque plateau. Elle se fixe entre le hayon et le crochet d’attelage du wagon. JRD a pris le soin d’imprimer une notice. Les pneus de la remorque souffrent souvent de déformations. Il faut, je pense l’accepter et les laisser plutôt que les changer.

Ce modèle nous l’avions payé 200 Francs le 4 septembre 1980. A titre de comparaison, deux semaines plus tard, le 24 septembre nous avions enrichi notre collection de JRD avec le peu fréquent Berliet Gak feux de forêt, payé 850 Francs et la Peugeot 404 de couleur bleu pâle, acquise elle pour 100 Francs.  Cela vous donne une échelle des valeurs de l’époque.

A ce stade de l’étude, il faut souligner un point qui va sans doute étonner de nombreux collectionneurs actuels. La différence entre un modèle en boîte ou un modèle sans boîte était minime. Le phénomène de la plus value de la boîte va apparaître en France bien plus tard.

En 1984, le 6 juin, mon père a acheté à un marchand parisien, M. Neut, la très rare version promotionnelle réalisée en 1964 pour le tricentenaire de la brasserie. L’harmonie des couleurs est superbe. Le modèle reprend les couleurs Kronenbourg, le rouge et le bleu pour le tracteur et le wagon.

Le décalcomanie utilisée est celle qui était apposée sur les flancs du tracteur semi-remorque Berliet. L’ensemble est superbe. Nous en avions entendu parler, mais ne l’avions jamais vu. Le modèle était neuf en boîte et mon père a cassé la tirelire : 13 000 Francs.  Nous sommes bien loin des 200 Francs de la version de base.

On se rend compte de l’engouement suscité par certains modèles. Un autre élément doit ici être souligné. La génération des collectionneurs précédents s’intéressait surtout aux automobiles. Il suffit de feuilleter les magasines Modélisme pour comprendre.

Encore une fois, les ouvrages de Mr Nakajima ont ouvert les yeux des collectionneurs des années 70-80 et la cote des utilitaires va grimper en flèche.

le 1er décembre 1995 nous avons acquis une autre version, rare, qui n’était pas référencée. Elle emprunte la finition de peinture argent et rouge de la cabine réservée à la version transport de liquide « 60 hectos ».

JRD a sans doute trouvé là le moyen de liquider les cabines prépeintes et non utilisées d’un modèle qui venait d’être abandonné. Je n’ai revu qu’un autre exemplaire ainsi assemblé.

Nous l’avions payé 1 600,00 Francs. Dix mois avant nous avions payé 4 250,00 Francs une Citroën 2cv camionnette Comap neuve en boîte. Nul doute qu’aujourd’hui ce type de variante rare a pris de la valeur.

Plus tard, le 22 février 1984, c’est la version produite par C-I-J qui est entrée dans notre collection. A la fermeture de l’usine, le stock de pièces, les décalcomanies et les boîtes ont été cédés à la C-I-J.

Visiblement le stock de jantes en zamac était peu important et la firme de Briare a dû utiliser ses propres jantes en plastique sur les modèles JRD qu’elle distribuait. Elles peuvent être de couleur rouge ou rose, comme sur le Berliet Gak benne à ordures Genève provenant aussi de chez JRD.

Sur certains exemplaires elles sont même panachées ! La teinte de la cabine est plus claire. C-I-J utilisera les étuis JRD qu’elle surchargera d’une petite étiquette collée sur les côtés. Cela sent la fin. Ce modèle est très peu fréquent. Nous l’avons payé 800,00 Francs le 27 février 1984.

Le 6 juin de la même année, nous avons acquis deux autres C-I-J qui comme ce porte-wagon étaient d’origine JRD. Le Citroën 1200 kg police (version petite décalcomanie) avec sa rare boîte spécifique pour 1 700 Francs et le Berliet Gak benne à ordures cité plus haut, variante à jantes de couleur rose pour 350 Francs.

Il m’a semblé intéressant de m’inspirer du discours des deux frères sur l’évolution dans le temps de la cote d’un tableau et de le transposer dans le monde de la collection de miniatures.

Il faut être un marchand ou un collectionneur averti, avec de l’expérience, pour analyser et comprendre les évolutions du marché. On saisit aussi toute la difficulté de prévoir à moyen terme. Les deux frères n’auraient-ils pas dû garder le tableau de Matisse « Les coucous, tapis bleu et rose de 1909 » qui avait été invendu en 1979 ?

La comparaison avec le monde du jouet s’arrête vite. Nous ne sommes pas dans le domaine de l’art. Même très rares, nos jouets ne sont pas uniques. Comme les deux frères Nahmad, les salles des ventes et les marchands, devraient davantage communiquer sur l’intérêt des objets qu’ils vendent, expliquer leur rareté et leurs intérêt, plutôt que de communiquer sur les prix de vente. Mais il faut pour cela, comme les frères Nahmad, être amoureux des objets qu’on présente.

 

 

 

Où allons-nous ?

Où allons-nous ?

La mention « simple, robuste et bien français, ces deux derniers mots soulignés, sur la publicité, ne manque pas de questionner.

C’est ainsi que Renault présente en 1950, son nouveau tracteur agricole.

Il faut flatter le sentiment national dans cette période d’après -guerre. Pour les concurrents étrangers de Renault, au regard des perspectives de ventes, le marché du tracteur en France est perçu comme un Eldorado. La France est en retard dans la mécanisation des outils agricoles. Tout est à faire. Les concurrents, allemands notamment, sont aux aguets. Cette mention sur la publicité est loin d’être anodine. La perspective du traité de Rome en 1957, avec l’union douanière et la libre circulation des biens s’apparente à une menace pour les petits fabricants nationaux de tracteurs, français, allemands ou italiens.

D’ailleurs en 1962, la régie Renault va acquérir la branche agricole de Porsche, « Porsche Diesel ». La Régie profitera de cette ouverture pour exporter en Allemagne ses tracteurs. C’est à cette occasion qu’une partie de la production des tracteurs Renault passera du traditionnel orange au rouge.

Jean-Marc Bougan, amateur de miniatures agricoles m’avait raconté que Porsche était fort implanté en Alsace. Renault avait donc choisi, pour une partie de sa production, de reprendre la couleur des tracteurs Porsche, le rouge, afin de ne pas déboussoler une clientèle fidèle. Je ne sais si cet artifice a suffi à rassurer.

Parallèlement, Renault modifie l’orange de sa production initiale. Il s’éclaircit pour devenir saumon. Ses concurrents français, Vendeuvre et surtout Someca, le bras armé de la Fiat dans le secteur agricole avaient également choisi l’orange comme identifiant visuel. En modifiant sa teinte initiale, Renault se démarque de ses concurrents.

C-I-J s’adaptera à la réalité. Une partie de ses tracteurs miniatures sera finie de couleur rouge et l’autre de couleur saumon. La firme de Briare s’adaptera également en modifiant les faces avant (radiateur et plaque d’immatriculation). Ces modèles sont peu fréquents et souffrent souvent de métal fatigue.

Les miniatures promotionnelles de tracteurs allemands ne risquent pas, elles, de connaitre ce type de problème. Elles sont toutes injectées en plastique.

Du moins dans la période contemporaine à ces années-là (1950-1965). On peut y voir deux raisons : la grande maîtrise technique de cette matière par les industriels allemands, et le faible coût de revient, ce qui a son importance pour un objet promotionnel.

Au gré de mes voyages en Allemagne, j’ai donc constitué un petit ensemble de tracteurs, avec leur boîte promotionnelle souvent très évocatrices d’une atmosphère. D’un constructeur à l’autre, elles varient, et donnent une indication sur le message envoyé par ce dernier.

L’échelle de reproduction, tourne autour du 1/32, au diapason de ce qui se faisait en France. Encore une fois, ce sont les figurines agricoles qui ont déterminé celle des tracteurs miniatures. Il y a quelques exceptions, le Hanomag et le Fahr de chez Wiking.

Un constat s’impose en voyant ces marques qui étaient encore présentes dans ces années cinquante-soixante, c’est qu’elles ont pratiquement toutes disparues. Elles ont été victimes de restructurations et de regroupements, pour finir au sein d’un groupe de stature mondiale comme John Deere ou New Holland. C’est un exemple de la mondialisation qui n’épargne que peu de domaines économiques.

Des Société Française Vierzon ou des Hanomag, des Renault ou des Lanz, il nous reste ces merveilleuses maquettes promotionnelles. Elles avaient vocation à fidéliser la clientèle. Elles devaient aussi faire rêver l’enfant qui était censé reprendre l’exploitation afin qu’il se souvienne, le moment venu, combien il avait aimé son Hanomag 55 ou son Lanz Bulldog identique à celui du père.

Le titre cette série de trois blogs n’est autre que celui d’une toile de très grand format peinte par Paul Gaugin   » D’où venons-nous? que sommes-nous ?où allons-nous ? ».

Cette oeuvre de Paul Gaugin résume les trois âges de la vie sur une même surface. Il m’est apparu comme une évidence pour décrire la mutation de la civilisation française et l’exode rural du siècle dernier, la lente mécanisation du monde agricole et enfin la disparition des constructeurs de tracteurs de taille moyenne au profit de quelques géants du secteur. Le tout vu par le prisme de la production des jouets agricoles .

Je vous invite à les lire dans l’ordre.

« D’où venons nous ? »  premier épisode

« Que sommes nous? »second épisode