Archives par mot-clé : Borgward

Sage comme une image

Sage comme une image.

Tendez l’oreille. La fenêtre est ouverte, et l’on entend les oiseaux chanter. Les trois bambins assis sur leurs chaises ne les entendent pourtant pas. Ils jouent avec des miniatures Siku. A voir les ombres projetées par les objets placés sur la table, le soleil brille pourtant déjà fort. Les enfants pourraient d’ailleurs bien être dehors.

Derrière eux, sur une console, le poste de télévision est éteint. A quoi bon l’allumer quand on a des miniatures et toute une panoplie d’accessoires permettant de recréer un monde imaginaire. Un monde lilliputien.

La scène décrite correspond à la couverture du catalogue Siku 1961.

C’est en triant ma documentation que m’est venu le sujet du jour : ce splendide catalogue Siku m’a inspiré.

Le fabricant de jouets fait passer un message très simple aux parents: « Achetez nos miniatures, et vos enfants seront conquis ». J’ai fait le lien avec le confinement obligatoire de mars 2020, et les témoignages de parents ne sachant plus quoi faire de leur progéniture.

Parents, vous avez des enfants confinés chez vous depuis quelques semaines ? La télévision braille toute la journée. Vous ne supportez plus vos ados. Leur musique saccadée et vociférante, en un mot, assez éloignée de ce que écoutez vous indispose ?

Alors, essayez avec eux les miniatures automobiles : ouvrez vos vitrines !

Vitrine avec modèles anglais et dérivés
Vitrine avec modèles anglais et dérivés

Recréez sur la table de la salle à manger l’univers de votre enfance. Vos enfants, qui finalement ne savent pas grand chose de vous, auront ainsi la possibilité de mieux vous connaître.

Ils découvriront qu’il y a cinquante ans des usines fabriquaient en Europe (si, si) des reproductions miniatures des voitures que l’on croisait à l’époque dans la rue. Des enfants dont vous faisiez partie s’amusaient avec.

Dites leur, que des heures durant, vous pouviez rester assis sur une chaise à jouer avec ces petites voitures et que c’est de là que vous est venue votre passion pour les miniatures automobiles.

Vous pourrez ainsi leur révéler un peu de votre personnalité, selon que vous étiez brise-fer ou au contraire précautionneux avec vos jouets.

Cela vous permettra peut-être de rétablir le dialogue avec eux.

N’ayant plus d’ados à la maison, mais un chat que j’ai renoncé à éduquer, j’ai profité du confinement pour trier mes catalogues par pays, dans la même logique que le classement de mes vitrines.

J’ai alors constaté que les fabricants de jouets allemands, surtout Märklin et Siku, mettaient souvent en avant, sur les couvertures de leurs catalogues, l’enfant et ses jouets. C’est plus rarement le cas des fabricants français, anglais et italiens.

J’ai sélectionné trois catalogues Siku dont les couvertures sont des invitations au jeu. Prenons celui en noir et blanc.

Comment ne pas se projeter dans la situation : assis dans le salon, jouant avec un splendide Mercedes Külwagen référence V96. Le prix de l’objet a dû faire revenir à la réalité plus d’un enfant : 2,75DM.

L’autre enfant pousse précautionneusement le semi-remorque citerne référencé V45…3,45DM : trop cher également.

Le troisième enfant a dans les mains la V83, l’Opel Rekord 58 à 1DM, voilà qui paraît bien plus raisonnable.

Combien d’enfants n’ont ils pas échaffaudé de savants calculs et les projets qui vont avec en étudiant la liste des prix ? Finalement, ces catalogues nous ont presque autant occupés que les miniatures qu’ils contiennent.

La catalogue de 1960, de couleur violet, met en scène un père et son fils occupés à jouer sur le coin d’une table. Le père a en main une loupe.

Le dessinateur, dans une bulle, a choisi de grossir un détail, ici une roue. Le message de Siku envoyé aux parents est clair : nos miniatures sont fines et détaillées.

L’enfant semble médusé devant tant de détails, il n’a d’yeux que pour son père qui s’affirme ici en fin connaisseur.

Siku n’hésite pas à relier le monde réel, aperçu par la fenêtre de la pièce en arrière plan et le monde virtuel que l’enfant peut récréer sur la table de la salle à manger. Notre petit ami devait avoir de bons bulletins à l’école, car le parc de modèles Siku en sa possession est impressionnant.

Mon catalogue préféré est celui de 1961. J’ai décrit la couverture plus haut. Les illustrations qui figurent au dos, sont également hautes en couleur.

On y voit une scène se déroulant sur une plage, dans le nord de l’Allemagne : l’eau n’a pas l’air très chaude, et à voir la position de l’abri de plage, le vent vient de la mer. D’ailleurs aucun personnage n’est dans l’eau !

Le père, allongé à même le sable, observe son fils fort occupé avec sa flèche soulevant des grumes. Bien que sur une plage, l’enfant a choisi d’installer des sapins. Il vit peut-être le reste de l’année en pleine Forêt-Noire et tente de récréer son univers familier.

Sur le dessin situé en bas de page, c’est la mère qui est présente, debout, dans le jardin. Elle observe sa progéniture qui joue au milieu des fleurs. Tout à l’air de bien se passer, même si l’un des frères tend l’index vers sa petite soeur qui maltraite le pantographe de la motrice du tramway. C’est du Siku, donc du solide.

Au milieu des années soixante, les enfants disparaissent des couvertures des catalogues Siku, mais également des catalogues Märklin. Ils reviennent en force après 1968.

Après cette date, les autres grands fabricants européens, Solido, Politoys,Tekno et bien d’autres vont reprendre à leur compte ce que les Allemands utilisaient au milieu des années cinquante.

C’est une des répercussions de mai 68. L’enfant devient le centre de toutes les attentions. C’est l’arrivée de la société de consommation et de l’enfant roi.

Les catalogues post-68 sont un bon exemple. Mon père qui tenait un magasin de chaussures me racontait qu’après cette date, certains parents commençaient à demander l’avis de leur enfant sur le choix du modèle de chaussure ou sur sa couleur. Ceci était impensable avant mai 1968.

A partir de ce moment, l’image du père ou de la mère sur la couverture des catalogues de jouets disparaît à tout jamais. Seule celle de l’enfant demeure. Toujours en avance, Solido fera apparaitre en dessin, en 1973 des enfants de toutes nationalités dont un de couleur noire. Aujourd’hui les fabricants ont à coeur de représenter dans leurs catalogues la société dans toute sa diversité.

 

Bons baisers de Tentstation Berlin

Bons baisers du camping Tentstation à Berlin

Cette année nous sommes partis pour un audacieux périple qui a consisté à traverser toute l’Allemagne, pour aller à Berlin. Le pays a beau être coupé en deux, Dieu que c’est grand ! Avec la famille Delplanque, en 2cv et nous en Renault 4cv, il nous a fallu deux jours et demi pour arriver.

Camping Tentstation Berlin
Camping Tentstation Berlin

Nous avons beaucoup apprécié la première nuit au camping Tentstation dont la fraîcheur nous a remis de la fatigue du voyage. Malheureusement, nos amis allemands nous ont réveillés à 7 heures. Dès 8 heures, il leur faut se livrer à des exercices de culture physique et de gymnastique. Ils sont infatigables ! Il faut dire que la langue de Goethe rythme harmonieusement leurs mouvements ! Quelle condition physique !

Nous nous en sommes rendu compte quelques jours plus tard lorsque nous avons organisé un tournoi de football au sein du camping. Une équipe rassemblait les vacanciers allemands et l’autre tous les touristes étrangers : français, anglais, italiens espagnols. En deux mots, notre équipe ressemblait à celle des ouvriers partis construire la tour de Babel. Nous avons subi un cinglant 7-0. Je ne sais s’il est dû à l’excellente condition physique de nos amis allemands ou si c’est la barrière de langue qui a nui à la cohérence de notre équipe chamarrée. Mais comme on dit en France ; l’essentiel c’est de participer

Pour le reste, la vie va tranquillement. Le camping est ravitaillé par un petit camion primeurs. Le son de la cloche nous avertit de son arrivée.

Nous avons lié connaissance avec des gens de Cologne, les Kremer. Ils sont venus avec une imposante Borgward bicolore qui ne passe pas inaperçue. Ils y ont attelé une étrange caravane pliable. Un autre vacancier, M. Jöest, ne manque pas de piquant. Il déambule dans une grosse Ford cabriolet, comme on peut en voir sur la Côte d’Azur. C’est vrai que nos petites autos font un peu frêles à côté. Malgré tout le plaisir que nous avons d’être à Berlin, nous devons toutefois précipiter la fin de notre séjour.  Nous venons de recevoir un télégramme des voisins : un camion laitier a percuté le mur de la maison. Il nous faut rentrer de toute urgence. Notre vaillante 4cv va être mise à rude épreuve. Il est certain que nous reviendrons.

Lloyd et serpent de mer

Lloyd est une marque très ancienne dans le monde de l’automobile. Ses origines remontent à 1906. Au départ, c’est une compagnie maritime qui se diversifie en développant une unité de production automobile qui fabrique des voitures électriques sous licence de la marque Krieger.

Lloyd Tekno rare calandre
Lloyd Tekno rare calandre

En 1908, Lloyd crée sous son propre nom une auto fonctionnant à l’essence dont le succès est très limité. En 1914 la société fusionne avec Hansa. La restructuration se poursuit et en 1929 c’est la société Borgward qui reprend les rênes de la firme moribonde. Après plusieurs années de sommeil, Borgward remet en 1950 la marque Lloyd au goût du jour avec une auto de petite taille équipée d’un moteur bi-cylindre. Au milieu des années 60, c’est la fin de Borgward qui entraîne dans sa chute la firme Lloyd.

La petite Lloyd Alexander a été fabriquée de 1953 à 1961. La version que propose Tekno en 1958 sous la référence 819 est équipée d’une calandre à barres horizontales, assez discrète et ornée en son centre du logo en forme de triangle.

La version « TS » équipée d’une calandre plus moderne, de forme ovale apparaît en 1958. Cette éphémère calandre ne comporte plus le logo de la marque, si caractéristique. Le reste de la carrosserie est identique, comme la motorisation. Mais il est indéniable que cette transformation donne au modèle davantage de modernité.

Le premier modèle Tekno est une réussite. Les formes sont bien rendues. Les amateurs ont dû accueillir ce modèle avec plaisir, car au moment où il est sorti, aucun fabricant ne l’avait inscrit à son catalogue, horSikumis Siku, mais à l’échelle du 1/60.

Siku a d’ailleurs proposé un grand choix de Borgward, Hansa et autres Lloyd, marques du même consortium. Tekno ne se contentera pas de la berline, mais proposera également un break vitré et un break tôlé. Borgward avait l’habitude de produire beaucoup de versions différentes à partir d’une même base. A titre d’exemple, la Borgward Isabella que Dinky Toys a reproduit en coupé a également existé en berline, en cabriolet mais aussi en break vitré, break tôlé et en pick up !

Cette deuxième mouture de la Lloyd Tekno est excessivement rare. On peut dire que c’est même la Tekno la plus rare. Son histoire est obscure. Le premier ouvrage danois sur la firme Tekno qui date du milieu des années 80 ne mentionne pas ce modèle. Il faut attendre les années 90 (et le second ouvrage) pour que la littérature scandinave cite notre modèle. Malheureusement, le modèle photographié dans l’ouvrage est repeint et réparé et les auteurs, peu perspicaces, lui attribuent la même année de création que l’autre modèle ce qui n’est pas plausible.

En effet, la voiture réelle est de 1958 et il faut tenir compte des presque deux ans de gestation nécessaires à l’époque pour mettre au point l’outillage : le modèle ne peut donc être sorti avant 1960.

Cette thèse est confortée par le rapide abandon de la production de cette miniature qui coïncide avec l’arrêt de la production de la vraie voiture dès 1961. Ce modèle repeint et réparé est longtemps resté le seul modèle connu jusqu’à ce que nous ayons la chance d’acquérir trois modèles auprès d’un vieux marchand danois qui en avait trouvé une dizaine neuves en boîte ! On constate que la boîte est identique à celle du modèle antérieur. Les couleurs retenues sont plus nombreuses que celles vues pour le premier moule et nous nous souvenons très bien que les autos de notre marchand étaient toutes différentes : il devait en avoir six ou sept. On peut légitimement penser que ces autos reprenaient les teintes du constructeur. Il est tentant d’y voir un modèle à usage promotionnel.

En effet, Tekno travaillait avec Lloyd et lui fournissait des autos destinées à être présentées sur des palettes distribuées dans les réseaux de revendeurs pour faciliter les choix des futurs acheteurs (voir la fiche sur Saab /Tekno). Les palettes connues sont toujours équipées de premiers modèles. Pour la petite histoire, comme le marchand danois ne parlait pas l‘anglais, et comme nous ne parlions pas le danois, les négociations ressemblèrent quelque peu à un spectacle du mime Marceau. Heureusement les chiffres sont universels…. et j’ai commencé mon apprentissage du danois !

En voyant ces autos je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour la cordialité de ce marchand danois, mélange de rudesse et de bonne humeur. C’est un des charmes de la collection que ces rencontres éphémères et improbables.