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Le matin du 15 février 1935 Auto Union

Le sujet du jour m’a été inspiré par un récent échange de courriers avec Jean-Michel Roulet au sujet de la préparation de son prochain livre sur les Dinky Toys France. Sans dévoiler les anecdotes que vous découvrirez lors de la parution, il m’a raconté comment cette Auto Union avait fasciné la plupart des enfants de sa génération ainsi que les salariés de chez Meccano.

Auto Union Dinky Toys avec ou sans personnage
Auto Union Dinky Toys avec ou sans personnage

Il est vrai qu’au magasin, l’Auto Union suscite les mêmes émotions. La parution d’un superbe ouvrage sur l’histoire du duel entre Auto Union et Mercedes, « Silver arrows in camera » d’Anthony Pritchard a fini par me convaincre d’aller chercher dans mes vitrines les différentes reproductions de cette auto fascinante.

Selon moi, l’intérêt porté à cette miniature résulte de deux particularités.

  • La première, c’est sa capacité à battre des records de vitesse. Pour cela, les ingénieurs ont adapté sur un châssis de monoplace de Grand Prix, la type « B », une carrosserie profilée et enveloppante afin de réduire la traînée aérodynamiques.
  • La seconde c’est son échelle de reproduction : Meccano a traité cette auto au 1/43ème. A l’époque, les autos destinées à battre des records sont des plus imposantes et contraignent les fabricants à les reproduire à des échelles très réduites.

Ainsi, à la même période, Dinky Toys proposera une Thunderbolt réduite au 1/87 et une « speed of the Wind » au 1/70. Ces petites échelles atténuent l’aspect extraordinaire des autos. Western Models proposera une Thunderbolt au 1/43 dans les années 80. A cette échelle, son rendu visuel est tout autre. L’histoire de cette Auto Union de record commence en 1934.

C’est sous l’égide d’un nouveau règlement, introduit cette année là, qu’Auto Union et Mercedes vont faire leur apparition. Ce règlement limite le poids des autos à 750 kg. Il a pour but de limiter les débordements constatés depuis le début des années 30. Les gens établissant les règlements ont toujours eu le souci de contenir la course à la performance.

En introduisant cette nouvelle règle, les institutions sportives pensaient canaliser le savoir-faire des ingénieurs. Le résultat sera contraire à l’effet souhaité. Grâce à des investissements importants, Auto Union et Mercedes vont se livrer une lutte sans merci sur les circuits.

Il est intéressant de savoir que Mercedes s’était intéressée dès 1932 à la compétition mais qu’elle n’avait pas eu les moyens financiers de concrétiser cet intérêt. Les deux constructeurs bénéficieront en fait de l’argent du pouvoir nazi. Ce dernier se servira des succès des flèches d’argent comme vecteur de propagande et les Mercedes arboreront souvent le drapeau frappé de la swastika. L’auteur du livre s’interroge sur le fait que les Auto Union l’arboreront beaucoup plus rarement. Il semblerait que le pouvoir nazi était plus proche de la firme à l’étoile. Dès la création de la monoplace « type A », des tentatives de record sont effectuées victorieusement dans la classe C (3000cc à 5000cc). L’opportunité de tester l’auto sur le circuit de l’Avus permet à la firme aux anneaux d’engranger ses premiers succès. Les records de vitesse sont à cette époque très populaires auprès de l’opinion publique. Plus tard, lorsque la rivalité entre les deux constructeurs allemands sera à son apogée, le pouvoir nazi n’hésitera pas à programmer, durant l’intersaison une semaine de lutte entre les deux écuries afin de se glorifier des nouveaux records qu’elles battront. Elle prendra le nom de : « Rekord Woche ». C’est durant l’une de ces furieuses batailles que le pilote Allemand Bernd Rosemeyer perdra la vie.

Revenons à notre tentative de record. Nous sommes en Italie, sur l’autoroute entre Pise et Florence, à Lucques exactement, le matin du 15 Février 1935. On peut facilement imaginer que le pouvoir nazi avait interféré dans le choix de cette localisation. Il devait montrer sa force, y compris à son alliée, l’Italie fasciste.

Après de nombreuses recherches sur le sujet, je vous propose ma version des faits. L’auto apparaît pour sa première tentative avec les ailes arrière carénées, des sabots derrière les roues avant et des jantes flasquées. C’est cette version que choisit de reproduire Dinky Toys Liverpool. Les premiers modèles sont équipés d’un pilote. Par rapport au modèle produit en France, uniquement après guerre, la version anglaise possède un axe arrière pincé à chaque extrémité, ce qui a obligé les concepteurs à transpercer les ailes. Les versions d’avant-guerre aux couleurs flatteuses seront ou non équipées de numéros. Ces derniers étant compris dans une séquence de 1 à 6. Malheureusement ces versions souffrent souvent de la fatigue du métal. A ma connaissance, Liverpool ne proposera ses voitures allemandes dans leur livrée argent qu’après guerre.

Un mot sur le très beau coffret que Binns road proposera. Un petit texte imprimé sur un papier collé au dos du couvercle explique le choix de Liverpool. Force est de constater la domination des machines allemandes à l’époque. Dans ce beau coffret de trois véhicules, deux places sont donc réservées aux autos germaniques. La troisième place est prise par une « Speed of the Wind » de record de vitesse : les monoplaces anglaises à l’époque ne brillaient guère ! Le moule de l’Auto Union est utilisé en France après guerre. La version équipée de jantes en zamac peintes de couleur verte est très peu fréquente. Il existe plusieurs variantes au niveau de ce que l’on peut considérer comme le bouchon de radiateur. Il est fort possible que le moule se détériorant, Meccano France l’ait retravaillé au fur et à mesure de la production. Il semble que les premiers essais de l’auto ainsi carrossée n’aient pas été un succès. Il y a souvent une différence entre la théorie et la pratique. Ce qui semblait efficace sur une table à dessin du bureau d ‘étude se révélera beaucoup moins convaincant durant les premières tentatives. Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite de cette histoire.

L’après-midi du 15 Février 1935 Auto Union

La grande majorité des clichés pris lors de ce record montre l’auto, avec des ailes arrière dépourvues de carénage. Sur les autres clichés, les sabots d’ailes derrière les roues avant ont également disparu. Durant une autre tentative, ce sont les flasques de roues qui sont retirés, qui sont retirées, laissant apparaître les jantes à rayons.

Micro Auto Union
Micro Auto Union

On peut imaginer les hypothèses suivantes :

  •  le poids de ces appendices aérodynamiques réduisait à néant le gain de performance engendré par l’aérodynamisme poussé ;
  • l’existence de nuisances aérodynamiques, ces carénages perturbant le bon écoulement de l’air.

Si les ingénieurs disposaient déjà à cette époque de souffleries aérodynamiques, on était loin des outils de simulation d’aujourd’hui . Après enquête, il semble bien que c’est sans son carénage recouvrant les roues arrière que l’auto battra son record.

Un détail vient étayer cette histoire. Un très beau cliché de la voiture a été pris, après la tentative à Zwickau, dans l’atelier. L’auto est dépourvue de ses carénages au-dessus des ailes arrière. Elle a été préparée pour la photo : les pneus ont été cirés afin d’optimiser le cliché, comme les engins militaires pour un défilé …

C’est bien dans cette configuration que les fabricants allemand la reproduiront. Il est bien sûr possible de rétorquer qu’il est plus facile pour un industriel de reproduire le jouet sans le carénage des roues arrière.

Ce sera la deuxième auto de la série 5521 Märklin. Son étui porte de ce fait le numéro 5521/2. On retrouve sur le côté gauche un numéro 2 gravé. Il est encore assez facile de se procurer cette auto. Une version promotionnelle a été créée pour la firme Kolben, équipementier automobile. Pour l’occasion elle a reçu un châssis gravé au nom de la société. On apprend ainsi que Kolben a fourni des accessoires aux équipes de course Mercedes et Auto Union, notamment des freins.

Il existe bien entendu son pendant, reproduisant sa concurrente la W25 (la numéro 5521/1 chez Märklin). Curieusement l’Auto Union est plus rare que la Mercedes, déjà très délicate à se procurer. Deux autres détails concernant ces miniatures. Elles ont perdu leurs numéros gravés sur les flancs. Et elles sont de moindre densité que leurs homologues estampillées Märklin : l’alliage est différent. Je n’ai jamais vu de Kolben souffrant de problèmes de métal.

Un autre fabricant allemand, la firme Kibri a également immortalisé cette version. C’est indubitablement une copie de la Märklin, mais l’arrière a été tronqué. Il a été coupé net. Cela lui confère une allure assez étrange. Le modèle semble être en aluminium. Il est équipé de roues monobloc lisses ou avec crampons. Outre la version classique argent, il existe au moins une version bleue. D’autres teintes ont certainement été produites. Un fabricant japonais tentera l’aventure en reproduisant lui aussi cette version. D’une taille équivalente à celle des Märklin (10,5 cm), outre sa pimpante couleur verte, elle doit son originalité au matériau retenu. Elle est en tôle lithographiée. Le fabricant a même reproduit les sorties d’échappement latérales.

Un mot enfin sur un modèle qui relève plus de l’inspiration que de la fidèle reproduction. Je veux parler du modèle produit par Micro au Danemark. Il est moulé en plomb, c’est une fabrication, rudimentaire. Il mesure 9,8 cm. Les axes sont de vulgaires clous, ce qui se faisait assez souvent chez les tout petits fabricants avant-guerre.

Enfin, voici un dernier modèle dont l’histoire est assez tortueuse. C’est la version « matinale », équipée de ses carénages, que Renwal, firme américaine bien connue choisit de reproduire. Comme souvent aux États-Unis, ce fabricant la déclinera en plusieurs échelles (trois) et même en plusieurs matériaux. Comme en Europe, elle rencontrera un beau succès commercial, et suscite encore de nos jours des commentaires admiratifs. Aux Etats-Unis, peu de gens savent reconnaître l’Auto Union. Ils ont plutôt la vision d’une auto de course futuriste. La version intermédiaire mesure 11 cm (environ 1/43ème). Elle est moulée en plastique de qualité, brillant.

L’inscription sur le pavillon est sans équivoque « speed king » !

Renwal en a produit une au 1/25ème (absente des clichés) et une autre au 1/55 ème environ (8,2 cm). Cette dernière est en zamac, peinte de couleur crème. Les Renwal ne furent certainement distribuées qu’aux Etats-Unis.

Après la guerre, un grand nombre de troupes américaines restèrent en Europe, notamment à Berlin. Certain soldats furent rejoints par leurs famille. C’est ainsi que l’on peut expliquer cette copie, produite par Hels en RDA. Le fabricant est-allemand a dû lui aussi être fasciné par cette auto, avant la guerre, et s’est servi du modèle américain pour proposer cette version. La dimension est identique. Pour masquer la qualité inférieure du plastique, Hels peindra ses reproductions. Le modèle existe en plusieurs couleurs, notamment en gris et en rouge. Le nom de la firme est gravé. Les roues sont lisses au contraire du modèle Renwal. Quelques autres détails différencient les deux modèles. Enfin, un autre fabricant s’inspirera du modèle Renwal. Il est Suédois. Il n’est pas étonnant qu’un fabricant scandinave ait été inspiré par des jouets américains. Le modèle n’est pas estampillé mais il est probable qu’il s’agisse de la firme Kabo, spécialiste suédois des jouets en plastique. Une inscription « 1950 » nous renseigne sur sa probable datation. Contrairement au modèle produit par Hels, il bénéficie d’un plastique de qualité. Ce modèle est très peu fréquent.