Cooper et samba

En ce samedi matin de printemps, les exposants patientent tranquillement en attendant 8 heures et l’ouverture des portes. La scène est traditionnelle de la bourse d’Houten. En attendant l’heure, nous échangeons des nouvelles entre marchands et collectionneurs venus des Pays-Bas, de Belgique, d’Allemagne ou du Danemark.

Cooper 2,5 en plastique (Muovo et Crio)
Cooper 2,5 en plastique (Muovo et Crio)

Justement, mon ami Dirk arrive et me demande si je suis intéressé par une monoplace Brosol « jaune avec un capot en plastique ». J’avoue ne pas avoir tout de suite identifié la miniature. Solido Brosol a produit des monoplaces dans des livrées très différentes. Je lui confirme mon intérêt et lui propose de me la montrer dès que nous serons entrés dans le bâtiment. Une demi-heure plus tard, il me tend l’objet bien emballé dans un petit tissu : il s’agit bien d’une Brosol, mais pas celle à laquelle je m’attendais.

En effet, alors que je pensais découvrir une monoplace Solido Brosol, j’ai sous les yeux, un modèle qui m’est totalement inconnu. Il s’agit d’une copie de la Cooper 2,5 l Dinky Toys signée « Brosol Solex ».

Nous savions déjà que les modèles Solido étaient injectés au même endroit que les carburateurs Solex, mais j’ignorais totalement qu’il y avait eu un « avant » Solido Brosol. Beaucoup de questions m’ont traversé l’esprit : « quels sont les autres modèles de la série ? Les trois autres monoplaces produites par Dinky Toys à la même époque ont-elles aussi connu une production brésilienne ? Liverpool connaissait-il ces modèles ? Y a t’il un lien avec les Dinky Toys chiliennes ? » Je suis toujours incapable de vous répondre. Afin d’accompagner cette miniature, je suis allé chercher dans mes vitrines les reproductions de cette glorieuse auto issues d’autres fabricants.

Nous avons déjà eu l’occasion de voir les reproductions de la Cooper T45, équipée du moteur 1,5 l qui a précédé le modèle du jour, la T51. Solido en a livré une très belle reproduction. Il est bon de revenir sur l’histoire de la vraie voiture qui a été deux fois couronnée championne du monde. Une rapide analyse de la saison 1958 avait fini par convaincre Coventry Climax de modifier son bloc moteur et de passer d’un bloc de 1,5 l à un bloc de 2,5 l. Le surcroît de puissance a permis à cette auto légère et maniable de devenir championne du monde. Pourtant, sur le papier, Stirling Moss paraissait le mieux armé pour vaincre. Il pilotait une Cooper T51 engagée par Rob Walker et il était alors considéré comme le meilleur des pilotes en activité. Face à lui, deux autres Cooper T51 étaient engagées directement par Cooper. Elles seules ont eu le droit de bénéficier de la nouvelle boîte de vitesses dessinée chez Cooper et usinée chez Knight, conçue afin de pouvoir encaisser le surcroît de puissance du nouveau bloc. En effet, Esso qui soutenait la firme de Surbiton avait exigé que cet accessoire ne soit pas délivré à la Cooper de Moss qui, elle, était soutenue par le pétrolier BP. L’écurie de Rob Walker se tourna donc vers Colotti, en Italie, afin que ce dernier lui fournisse une boîte de vitesse de sa conception. Cette dernière sera à quatre reprises la cause de son abandon en course. L’année 1960 verra l’apparition de la T53.

C’est la sortie en tout début d’année de la nouvelle Lotus 18 qui a fait réagir l’écurie Cooper. Celle-ci apporte donc des améliorations à son auto, notamment aux suspensions.

Peugeot 203 de luxe

Au contact des collectionneurs anglais je suis devenu sensible à un détail : l’existence de l’étiquette du magasin sur les boîtages des jouets. J’ai appris à apprécier ces étiquettes. Ce sont souvent des souvenirs personnels qui leur donnent de l’importance.

Franz Carl Weber et Märklin
Franz Carl Weber et Märklin

Pour ma part, je suis particulièrement sensible à celles qui viennent de magasins de jouets que j’ai connus. En règle générale, les souvenirs d’enfance liés aux magasins de jouets sont de bons souvenirs. Il n’en va pas de même des souvenirs liés à l’infirmerie ou à la cantine, enfin celles que j’ai fréquentées. Les magasins suisses Franz Carl Weber ou le magasin F.A.O. Schwarz de New York sont pour moi des références.

Mais une belle étiquette sur un étui de Dinky Toys révélant une provenance du BHV, des Galeries Lafayette, du Printemps ou de Monoprix sur une Minialuxe ne me laisse pas indifférent.

Louis Vuitton et 203 Dinky Toys
Louis Vuitton et 203 Dinky Toys

Afin de promouvoir leur établissement, certains magasins sont allés plus loin qu’une étiquette de prix sur un boîtage. Tout le monde connaît le malletier Louis Vuitton. Toujours implanté dans les quartiers chics, ce fabricant a élargi son activité aux vêtements, sacs à main, chaussures et autres accessoires. Messieurs, demandez à vos épouses ou vos filles, et vous constaterez que l’évocation de ce nom a le don de faire rêver. Je me souviens parfaitement qu’enfant, je contemplais la petite vitrine murale de la boutique Vuitton à Nice où étaient exposées à la vente des miniatures Solido. Nous étions au milieu des années soixante-dix. Cette Peugeot 203 référence 24R de chez Dinky Toys le confirme, les boutiques Vuitton ont également vendu des Dinky Toys. Je me souviens en particulier avoir vu une De Soto Diplomat avec le précieux décalcomanie au nom du malletier. Ces modèles étaient-ils vendus plus cher ? Je ne saurais le dire. Je m’interroge également sur un point : la décalcomanie a t-elle été apposée chez Dinky Toys ou par le soin d’une petite entreprise indépendante ? Elle est caractéristique des décalcomanies produites à cette époque, avec un calque fort chargé en vernis qui a jauni avec le temps. Vraisemblablement, la solution choisie par le malletier a dû être onéreuse. Au delà du coût même du décalcomanie réalisé à son nom, son application sur chaque véhicule devait revenir bien plus cher que ne l’aurait été une simple étiquette portant le nom du magasin et le prix du jouet sur l’emballage. Cette dernière solution qui n’était déjà pas courante marquait la qualité d’un magasin.

Il y a sans doute là un thème de collection. Cela devrait nous inciter par précaution à garder les emballages de la poste frappés du sigle Atlas. Dans 60 ans les gens qui écriront l’histoire des miniatures des années 2000 attacheront peut être de l’importance à cet emballage témoin de l’origine du modèle.

Pour illustrer cette chronique, je vous présente quelques exemples de belles étiquettes.

Rode Korse – Tekno et la Croix Rouge

L’acquisition de cet ensemble de modèles a réveillé des souvenirs vieux de trente ans. A cette époque je commençais mes voyages en Scandinavie.

Tekno Rode Korse
Volvo Amazon « rode korse » (Croix Rouge)

A peine débarqué de l’avion, je mettais le cap sur le centre ville de Copenhague. Je garais mon auto derrière l’Hôtel de Ville. A deux pas, parallèle à la grande rue commerçante et piétonne, commençait la rue des petits brocanteurs. Une centaine de mètres seulement séparait les deux artères aux ambiances si différentes. Loin de la fureur de Vestergade, Frederikberggade offrait un paisible réconfort. Il y régnait le calme et la sérénité qui émanent parfois des objets du passé. Les boutiques agencées à l’ancienne étaient toutes en sous-sol, en marchant sur le trottoir on surplombait les vitrines. Nous ne connaissons pas, en France ce type d’agencement très commun en Scandinavie. Désormais, tout cela a disparu. La hausse vertigineuse des loyers a fait fuir ces petites échoppes de caractère. Désormais, je ne vais plus au centre ville de Copenhague, tout comme je ne vais plus au centre ville de Londres. C’est une autre époque.

Tekno Rode Korse
Tekno Volvo car Rode Korse

Je me souviens avoir été attiré par un car Volvo de la Croix Rouge. Je connaissais son existence pour l’avoir vu dans le premier livre Tekno. Le véhicule portait quelques traces d’usure attestant qu’il avait un véritable passé de jouet. Jeune collectionneur, j’avais la vie devant moi et je décidai de faire l’impasse sur le modèle en me disant que je le trouverais plus tard. Trente ans se sont écoulés. C’est l’expérience qui permet d’apprécier la rareté des objets. Si j’en avais été doté je n’aurais pas laissé passer cette première chance. Ceci fait aussi partie du charme de la collection.

J’ai eu la chance de retrouver ce Volvo Rode Korse en excellent état. Il était de plus accompagné de trois autres modèles Croix Rouge, tous contemporains chez Tekno.

Il y avait en plus un camion Volvo N88 Titan bâché, une camionnette Ford Taunus 1000 et une Volvo Amazon.

Cette série de 4 modèles provient de la collection d’un monsieur domicilié dans le Jutland. Chauffeur de car, il transportait quotidiennement les ouvriers vers la nouvelle usine Tekno. Il avait su tisser des liens avec certains membres du personnel, et, lors de la fermeture de l’usine, il avait eu le privilège d’être aux premières loges.

Tekno avait aménagé une salle pour exposer une partie de sa production, prototypes modèles commercialisés. Il avait ainsi pu compléter sa collection directement ! Ces quatre modèles ont reçu une finition identique aux autres modèles produits à la chaine. J’avance une hypothèse. La Croix Rouge recourait fréquemment à la vente de miniatures à ses couleurs pour financer son activité. On connaît de très nombreux exemples. Je pense que ces modèles ont été produits à cette fin. J’ai rencontré dans différentes collections danoises le car Volvo et le Ford Taunus. Il ne faut pas confondre le modèle du jour, réalisé sur la base du minibus avec le modèle très fréquent que Tekno fabriquera en série sur la base de son deuxième moule. Mais jamais nous n’avions entendu parler du camion bâché ou de la Volvo Amazon !

Il est intéressant de constater que des décalques spécifiques ont été créés. Au passage on remarquera la taille importante de ceux figurant sur les pavillons.

Panda Muovo en sachets

La marque Muovo est en Finlande ce que Bourbon est en France : un spécialiste de la production d’articles en plastique. Tous les modèles distribués par l’intermédiaire des chocolats Panda ont été produits par cette firme.

Panda en sachets
Chymos Panda sachet avec liste de modèles

Pour mon ami Suominen, la pièce la plus difficile à se procurer lorsque l’on s’intéresse à Panda est le sachet en papier qui contenait la friandise et le cadeau. Nous n’avons pas connu chez nous ce genre d’article. On constate sur les photos que l’emballage était volumineux, ce qui devait poser des problèmes aux commerçants.

On imagine le bambin en train de tâter l’emballage papier afin d’essayer d’identifier le type d’auto à l’intérieur de ce dernier. On devine encore l’excitation qui précédait l’ouverture du sachet, d’autant qu’au dos de ce dernier figurait la liste des autos de la série.Il y avait là de quoi encourager la consommation de confiseries pour le plus grand bonheur des dentistes finlandais !

Plusieurs séries ont vu le jour ce qui atteste du succès de l’opération. On dénombre une gamme d’ancêtres automobiles (4 modèles), de voitures de course (10 modèles) de voitures de tourisme (plusieurs séries distinctes). Un constat s’impose. Plus les séries sont récentes, plus l’échelle de reproduction se rapproche du 1/43 et plus les modèles sont rares !

On peut en déduire que le succès s’est émoussé au bout d’un certain temps et que la dernière série a été produite en quantité moindre.

Panda en Finlande

Ne cherchez pas dans les livres consacrés aux animaux, vous ne trouverez pas la trace de cette variété particulière. Les seuls pandas qu’on peut rencontrer en Finlande sont au zoo ou dans les boulangeries ! C’est en effet sous cette marque que fut commercialisé un bonbon de chocolat.

Panda en Finlande
Peugeot 404

Ma première rencontre avec les « Panda(s) » remonte à 25 ans. Cela se passe à Göteborg. C’était bien le seul endroit où les collectionneurs finlandais s’aventuraient. Au début de mes expéditions nordiques, un collectionneur finlandais m’avait donné des informations sur la provenance de cette série.

Quelle surprise de trouver en Finlande la reproduction d’une Dauphine, d’une 403 d’une DS19 ou encore d’une 404. J ‘ai fait découvrir à quelques clients ces modèles totalement inconnus chez nous…et plus généralement en dehors de la Finlande !

Un événement a beaucoup contribué à la diffusion de ces jouets. Comme je l’ai déjà raconté avec le blog sur les véhicules aux couleurs Paulig, firme finlandaise, produits par Tekno, j’avais fait la connaissance au magasin d’un journaliste finlandais qui venait de temps en temps dans la capitale pour son travail. Je lui avais demandé d’essayer de me trouver ce type de jouets. Malheureusement, son travail l’amenait plus souvent à Londres qu’à Paris. C’est pourquoi il avait vendu quelques modèles à Michael Rooum qui tenait à Londres un très beau magasin de miniatures, permettant ainsi aux Anglais de découvrir ces jouets. Si chez nous les autos françaises emportaient logiquement l’adhésion des collectionneurs, les très nombreuses reproductions d’autos anglaises comblèrent les amateurs britanniques avides de modèles peu fréquents.

Il n’y avait pas internet à l’époque et l’accès à l’information était moins aisé. Il est toujours difficile de s’intéresser à une firme de jouets lorsque l’on a peu d’informations, et à l’époque, mes amis finlandais étaient bien incapables de me dresser une liste de la production ! Au fil de mes voyages j’ai fait des découvertes, ce qui est un des charmes de la collection. Pas plus tard que ce mois d’avril 2013, j’ai pu ajouter une autre auto dans mes vitrines en même temps que j’apprenais son existence !

Un dernier facteur entre en ligne de compte expliquant le fait que cette firme resta dans l’ombre. Il y a 25 ans, ce type de modèles se négociait à des prix bas, ce qui n’a pas stimulé les Finlandais dans la quête des modèles Panda.

Désormais, la notoriété est arrivée par l’internet et les prix ont bien monté. Comme souvent, lorsque les prix s’envolent, le matériel refait surface.