Archives de catégorie : souvenirs

les souvenirs de collectionneur de Vincent Espinasse

Mon ami Gunnar

Mon ami Gunnar.

Les sources d’inspiration de cette rubrique hebdomadaire ont des origines diverses. Elles résultent parfois d’une trouvaille récente, de l’actualité politique ou culturelle ou de souhaits de lecteurs. Cette semaine est un cas particulier.

rare coffret Vilmer avec tracteur Bukh
rare coffret Vilmer avec tracteur Bukh

Tout commence à Essen en Allemagne, où parmi les exposants du salon de voitures anciennes, j’ai rencontré une vieille connaissance, Lennart Elmquvist, venu de Suède, pour vendre des miniatures, des catalogues et des brochures anciennes. Lennart Elmquvist, je le connais depuis plus de 25 ans. Je me souviens notamment d’un échange que nous avions réalisé entre une Dinky Toys France et une très belle Mercedes Tekno ambulance réalisée pour le marché suédois. Il y a des souvenirs indélébiles. A l’époque de cet échange, il était déjà intéressé par les Dinky Toys, plus particulièrement par celles produites à Bobigny.

Ce sont mes rencontres avec les collectionneurs étrangers aux quatre coins de l’Europe qui m’ont permis de comprendre l’intérêt que ces derniers portent aux Dinky Toys France. Revenons en au Salon d’Essen. Après avoir fait le tour des miniatures qu’il proposait à la vente, mon regard a été attiré par des programmes de courses automobiles. Sans être véritablement collectionneur de ce type d’article, je ne dédaigne pas d’en acquérir un de temps en temps. Plus que l’édition, la course ou le graphisme, ce qui m’intéresse, c’est de pouvoir m’en servir comme support pour la présentation de miniatures dans les vitrines, ou pour faire des photos pour le blog. Celui que je vous présente aujourd’hui, outre la beauté plastique de la couverture a un intérêt particulier.

Gunnar Soderblom
Gunnar Soderblom

Le stock de catalogues et de brochures que mon ami Lennart mettait en vente provenait d’un ami commun, Gunnar Soderblom. J’ai connu ces deux personnes en même temps, lors de mon premier voyage à Göteborg au milieu des années 80.

Gunnar Soderblom était l’organisateur de la bourse de Göteborg. Il avait réussi à faire de cet événement une manifestation hors du commun. Des collectionneurs de toute la Scandinavie se déplaçaient à Göteborg.

Les collectionneurs de Stockholm, très nombreux, n’hésitaient pas à faire la longue route pour se rendre à Göteborg. Bien que la capitale suédoise comporte davantage d’amateurs que Göteborg, aucun d’entre eux n’avait réussi à monter un pareil événement dans leur ville. Deux fois par an, les amateurs affluaient à Göteborg en provenance de Belgique, des Pays-Bas, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, de France et parfois même des Etats -Unis. Grâce à son dynamisme exceptionnel, Gunnar avait bâti la manifestation la plus formidable que j’ai connue.

Les premières éditions se sont déroulées à la folkhuset, qui est une salle de théâtre au centre de la grande ville. Puis, compte tenu du nombre de participants qui venaient de loin, il a eu l’idée de loger tout le monde dans un même hôtel équipé d’une grande salle de réunion. Ainsi, nous nous retrouvions tous le samedi matin, et la manifestation commençait tranquillement entre nous. Le lendemain matin, le dimanche donc, le public était convié, comme dans une manifestation traditionnelle. Mais cette journée de samedi permettait de lier connaissance, et de favoriser la naissance d’une complicité entre les participants. Malgré nos origines et nos cultures très différentes, nous avions grand plaisir à être ensemble. La gentillesse de Gunnar et son sens de l’accueil avaient rendu cette manifestation unique. Gunnar nous a quitté brutalement un jour de décembre 2004. Cette disparition m’a a énormément touché. Tous les amis qui allaient à Göteborg en parlent encore lorsqu’ils se rencontrent. Il avait également monté une très belle boutique conviviale. C’est à son contact que j’ai commencé à apprécier tous les petits accessoires publicitaires qui accompagnent les modèles réduits. Ainsi, je trouve intéressant de présenter un porte-clefs ASG avec une reproduction du camion. Il en est de même avec le porte-clefs Koppartrans, célèbre marque d’essence suédoise qui d’ailleurs est aussi difficile à se procurer que le véhicule ! Je l’ai vu pendant une quinzaine d’année dans sa vitrine avant de réussir à m’en procurer un.

Enfin, les murs de la boutique de Gunnar s’ornaient de magazines, sous verre, dédicacés par les pilotes scandinaves qui en faisaient les couvertures : Peterson, Waldegaard, Bonnier, Wissel, Nilsson. Alors, quand Lennart m’a sorti ces quelques programmes, en me précisant qu’ils venaient de la collection de Gunnar, je me suis dit qu’il était temps de rendre hommage à cet homme qui avait su tant donner aux autres. Pour illustrer cet hommage, j’ai choisi de vous présenter quelques pièces que j’ai acquises lors de ces manifestations. Tout d’abord l’ensemble réalisé par Tekno pour le marché Suédois aux couleurs de Svensk Raddningsttant qu’il m’a fallu un certain temps pour réunir. J’ai choisi également ce joli Scania 76 aux couleurs ASG avec ses accessoires de chez Tekno. La deuxième boutique de Gunnar se situait non loin d’un dépôt de cette grande compagnie de transport suédoise : j’ai toujours été impressionné par l’alignement de centaines de camions aux couleurs ASG. Il y avait pour moi une forme de rituel à passer devant cet énorme dépôt avant d’aller le voir. Depuis, la firme a été absorbée par DHL dont elle porte désormais les couleurs. Enfin, c’est là-bas que j’ai découvert les premières Tomte Lardal et aussi les Muovo pour le chocolat Panda. Les collectionneurs norvégiens ont souvent été étonnés que cela puisse m’intéresser : à une époque pas si lointaine où l’Internet n’existait pas, il fallait savoir se rappeler par de nombreuses lettres au souvenir de tous ces collectionneurs. Aujourd’hui, un mail, cela ne prend que quelques secondes !

Solido Chausson trolleybus

Tonnerre sur Brest

J’aime la ville de Brest.C’est une promenade au hasard de ses rues qui m’a inspiré l’article du jour, comme elle a sans doute inspiré nombre d’artistes peintres qui ont représenté la rue de Siam ou le pont transbordeur, ou qui ont simplement tenté de transcrire l’atmosphère de la ville.

L'univers de Jacques Demy : marin d'état et son amoureuse
L’univers de Jacques Demy : marin d’état et son amoureuse

Brest, c’est pour moi l’image du marin d’Etat, avec son pompon rouge, en escale, cherchant la distraction après un long voyage. Si de nombreux artistes ont utilisé l’image du marin, c’est justement pour la tache rouge formée par le pompon qui permet d’animer un tableau et d’attirer l’oeil. Les films de Jacques Demy témoignent d’une même sensibilité : au détour d’un plan, il n’est pas rare de croiser un marin d’Etat accompagné de sa belle. Curieusement, Lorient, autre grand arsenal, ou Toulon n’ont pas attiré les artistes de la même manière. Une autre particularité rend cette ville chère à mes yeux, son réseau de trolleybus. La cohabitation entre les lignes électriques aux figures géométriques imposées et le réseau urbain crée un décor bien particulier. Je me souviens, enfant avoir été fasciné par les trolleybus de la ville de Lyon. L’amplitude du déport des perches par rapport à la carrosserie du trolleybus m’intriguait beaucoup. La coexistence des véhicules thermiques et de ces engins électriques me paraissait bien compliquée.

La ville de Brest s’est dotée dès 1898 d’un réseau de tramways. En 1941, elle a souhaité moderniser son réseau et elle a choisi de remplacer le tramway par des trolleybus qui paraissaient mieux adaptés aux contraintes de la cité. Mais la guerre retarde la mise en oeuvre du projet : les bombardements anéantissent le réseau de tramways ainsi que les rames. Il faudra attendre 1947 pour enfin voir circuler les fameux Vetra. La topographie particulière de la ville et la présence du fameux pont levant, qui pouvait à tout moment être actionné, a conduit les urbanistes à créer une ligne de contournement. Notons enfin que ce pont levant était équipé de lignes d’alimentation électrique, ce qui lui conférait une étrange allure, lors de son ouverture.

Les trolleybus Chausson vont faire leur apparition à Brest en 1963. La municipalité va en acquérir six, dépourvus de toute mécanique. Ce sont les ateliers de la ville qui se chargeront de transplanter les moteurs des Vetra ! Ils donneront toute satisfaction.

Mais l’apparition dans le parc des bus Saviem SC10 va, pour des raisons d’économie, accélérer la refonte du réseau : il faut deux agents pour exploiter un trolleybus, alors qu’avec le nouveau Saviem un seul suffit. 1970 marque la disparition du dernier trolleybus Chausson Brestois.

Cette chronique a été rédigée à l’aide des informations issues de l’article très documenté de M. Christian Buisson, consultable sur le site de l’Amtuir  et les photos des trolleybus de Brest viennent de cette galerie.

Les faïences présentées sont des oeuvres de Georges Brisson. Elles datent du milieu des années 30. Elles ont été éditées par HB Quimper.

Dinky Toys Citroën DS présidentielle

Le projet ressuscité de DS présidentielle

Je me suis replongé dans l’article de la revue « Modelisme » où figurait cette DS présidentielle. Le numéro 51 était consacré à la seconde exposition de miniatures organisée par le Mini Auto Club dans les locaux de Simca, sur les Champs-Élysées.

Modelisme DS présidentielle
Modelisme DS présidentielle

A en croire Jacques Greilsamer, alors à la tête de Modélisme, revue et boutique, la manifestation a eu un grand succès. C’est grâce à de telles initiatives, qui ont permis la rencontre des grands noms du modélisme, que la passion du modèle réduit s’est développée.

Il faut ici rendre hommage à Jacques Greilsamer qui savait si bien mélanger les genres. On pouvait voir des vitrines consacrées à de belles maquettes en plastique de voitures américaines en cotoyer une autre retraçant l’histoire de l’automobile, puis plus loin un espace autour du thème des autos de rallye, sans oublier une unité consacrée aux jouets anciens. Le panorama était complet.

Parmi les célébrités présentes figurait un certain Claude Thibivilliers. La revue indique à son sujet qu’il « présentait ses remarquables transformations : Mercedes 600 du Pape, 204 Peugeot coupé Ducarme, Rolls-Royce Phantom V de la reine d’Angleterre, Bugatti Royale cabriolet Esders, Renault 8 Gordini type Tour de Corse et le majestueux cortège des DS présidentielles, à partir des Citroën Dinky Toys de série qui obtint un vif succès ». Ce reportage est particulièrement intéressant puisqu’on voit se dessiner des projets dont certains vont aboutir chez Meccano, comme la Gordini. Meccano va également exploiter le thème des autos des grandes personnalités.

Citroên DS Présidentielle prototype et boîte bleue
Citroên DS Présidentielle

Le projet de la DS présidentielle sur la base de la berline référence 530 ne verra pas le jour, mais nous savons ce qu’il adviendra avec la superbe DS spéciale créée en 1970. Il y a fort à parier que ce genre d’exposition a permis à Meccano de déterminer ses futurs choix. Lorsqu’on lit le reportage et qu’on regarde les photos qui l’agrémentent, on comprend très bien le succès remporté par le cortège présidentiel et l’empressement de Meccano à reproduire par la suite les toutes nouvelles voitures de l’Elysée. La 204 coupé sera, elle, abandonnée.

Je pense, sans pouvoir l’affirmer, que Claude Thibivilliers rentrera chez Meccano avec ses projets juste après l’exposition. Les productions du personnage sont difficiles à appréhender. En effet, ce dernier était, comme nous venons de le voir, un collectionneur habile et passionné. La frontière entre ses productions personnelles et celles qu’il a réalisées pour Meccano en tant que salarié est assez floue.

La DS présidentielle que je présente ce jour vient du bureau d’étude de Meccano. Elle a donc été réalisée par les soins de Claude Thibivilliers, en tant que salarié. La miniature est dûment rivetée. Cependant, lorsqu’on regarde la photo du magasine Modélisme, on relève des différences entre les deux modèles, notamment la baguette latérale et les phares supplémentaires. L’exemplaire que je vous présente ne comporte aucune trace de colle. On peut penser que Claude Thibivilliers devenu salarié chez Meccano a repris certaines idées qu’il venait d’expérimenter à titre de collectionneur. Il proposa peut-être aussi le coupé Peugeot 204. Un détail vient étayer cette thèse. Je vous ai dit que l’exemplaire récupéré était riveté. J’ai trouvé, par une autre source un autre modèle qui peut être relié à cette auto présidentielle. Il s’agit d’une berline DS, portant la référence 530, arborant une finition noire avec pavillon ivoire. La finition de cette dernière est identique à un modèle de série.

Mon idée est que Meccano a réalisé une série de Citroën DS 19 noires, afin de fournir des bases à Claude Thibivilliers pour exécuter un autre cortège par exemple, dont le seul exemplaire qui nous serait parvenu serait l’exemplaire présenté ce jour. A cette occasion, sachant que la fabrication d’une teinte spéciale doit se faire en un certain nombre d’exemplaires d’autres mariages de couleurs auraient été envisagés, dont cet exemplaire noir et ivoire.

Studebaker : la tournée de mon père – 2

Quelques clefs pour une meilleure lecture des photos des ces Studebaker.

Dans cet article ne sont photographiés que les modèles de premier type de carrosserie, équipés de jantes en zamac de couleur assorties aux carroseries. Ce sont les version intermédiaires, les moins fréquentes. La peinture est de belle qualité, épaisse, brillante mais assez fragile. Le moindre choc a pour conséquence un inévitable éclat.

Avec patience, mon père a su réunir cette belle brochette de Studebaker. Les nuances de rouge, bleu, jaune sont très différentes des modèles de seconde génération. Il est à remarquer que certaines combinaisons de couleurs ne seront pas reprises sur les modèles équipés de jantes en zamac et de pneus en caoutchouc. Les mariages rouge et bleu, ou bleu et rouge seront, eux, conservés durant toute la durée de production du 25K.

Studebaker : la tournée de mon père – 1

Troisième volet de la série 25 en hommage à mon père.

Après les Ford, voici le 25 K Studebaker, camion maraîcher qu’il affectionne particulièrement.

A l’issue de la guerre, beaucoup de véhicules de l’armée américaine trouvèrent une seconde vie, dans un usage civil. Une partie des entreprises dont les véhicules avaient été réquisitionnés pendant le conflit avaient été prioritaires à la libération pour obtenir un véhicule à essence.

Studebaker
Studebaker

Ce fut le cas d’un cousin de ma grand-mère, négociant en aliments pour bétail et en vins à Champagnac. Pendant les grandes vacances, celui-ci emmenait mon père alors enfant, faire la tournée des débits de boissons du Cantal. Le pays est rude, et si la renommée de la production vinicole locale ne dépasse pas le département, durant l’hiver, le produit réchauffe autant qu’un autre. J’ose espérer que mon père se contentait d’une limonade.

En tout cas, mon père était très fier à l’intérieur du Studebaker. Il faut dire que le Studebaker était encore équipé de sa tourelle et il avait plaisir à se tenir debout sur la banquette, le nez au vent, comme dans une décapotable.

La campagne auvergnate, les routes sinueuses étroites et bosselées, c’était le rêve pour un gamin venant de la région parisienne. Il ne faut pas chercher plus loin l’intérêt pour mon père de ce véhicule.

Il a été difficile de réunir ces Studebaker maraîchers. L’expérience nous a enseigné que ces modèles, moins spectaculaires que les tapissières (25L), étaient bien plus rares. Ils empruntent le même châssis sur lequel est fixée, au moyen d’un axe vertical serti, maintenu par une roue de secours, une ridelle haute ajourée. Les modèles se différencient par la présence d’une bâche en tôle amovible sur la tapissière. On ne peut confondre les deux. Le maraîcher reçoit une finition bicolore, la teinte du châssis cabine étant différente de celle de la ridelle. Pour la tapissière, le châssis cabine et les ridelles sont unicolores. C’est la bâche qui reçoit une peinture de couleur différente.

Il y avait une petite différence de prix entre les versions maraîcher et tapissière, due au surcoût de la bâche en tôle. La tapissière a eu davantage de succès. Un slogan imprimé était placé à l’intérieur et précisait : « deux jouets en un ». Aujourd’hui encore, la tapissière a les faveurs des collectionneurs.

Le camion Studebaker sera exploité plusieurs années par Meccano qui a peut être vu là un moyen d’étoffer son catalogue à moindre coût. Il connaîtra les deux moules. Je me souviens avoir été passionné par les photos révélant les différences de moule lors de la parution du premier livre de Jean-Michel Roulet : la « caisse à outils sur le marchepied » et « la baguette large sur le plat du capot ».

Ces détails me paraissent évidents aujourd’hui, mais à l’époque, il nous fallait un certain temps pour bien identifier un premier moule d’un second !