Archives de catégorie : souvenirs

les souvenirs de collectionneur de Vincent Espinasse

Monsieur Alain

En ce vendredi de janvier, le plat pays est recouvert d’un manteau blanc. La température extérieure frôle les -6°. Les canaux sont gelés, le soleil est pâle, on se croirait dans un paysage de Brueghel. C’est à la suite d’un coup de téléphone de « Monsieur Alain », citoyen bruxellois dont j’ai fait la connaissance à la fameuse bourse du Woluwe à Bruxelles il y a près de trente ans, que j’ai pris la route du nord.

Avec le porte clefs !
Avec le porte clefs !

Comme beaucoup d’autres collectionneurs, j’étais à la recherche des mythiques Gasquy quand Monsieur Alain se proposa de m’aider dans mes recherches. C’est ainsi qu’a commencé notre relation de collectionneurs.

La bourse avait lieu deux fois par an et nous avions pris l’habitude de correspondre entre les deux manifestations pour nous tenir informés de nos trouvailles respectives en vue de futurs échanges. Ils sont rares les collectionneurs passionnés avec qui il est possible de procéder ainsi. Pour procéder à un échange il faut une estime et une confiance réciproques. Je peux même affirmer que le plaisir de dénicher un modèle pour son correspondant est aussi important que le modèle que vous allez obtenir en échange.

Belgique Volvo N88 "chocolats Jacques"
Belgique Volvo N88 « chocolats Jacques »

Bien qu’il s’agisse sans conteste du plus grand évènement européen, la bourse du Woluwe a malheureusement périclité et nos rencontres se sont espacées, jusqu’à ce coup de téléphone inattendu. Monsieur Alain avait pris pour des raisons toutes personnelles la difficile décision de se séparer de sa collection. Il m’invitait à venir le voir, sans oublier de préciser que je ne le regretterais pas. Cela, je n’en doutais pas le moins du monde. Nos relations antérieures m’avaient appris à le connaître. Discret, modeste, je savais qu’il cachait quelques trésors amassés durant des décennies de chine.

Dès mon arrivée, nous sommes partis dans des discussions d’amateurs, comme au bon vieux temps de nos échanges. Il faut dire que l’accent bruxellois de mon interlocuteur est un ravissement pour l’oreille. C’est Jacques Brel au pays des miniatures !

Il m’ouvrit ses vitrines. Tout était disposé avec goût, avec passion. Il n’est pas si courant que les gens sachent mettre en valeur leur collection. La petite couche de poussière sur les modèles donnait un côté désuet à l’ensemble, comme celui d’un vieux et beau magasin de jouets où le temps se serait arrêté. Fin connaisseur, Monsieur Alain, savait bien repérer les modèles que je destinais à la revente et ceux qui iraient dans mes vitrines. Pas besoin de lui préciser. Il souhaitait d’ailleurs que certaines pièces rejoignent mes vitrines. Dans la vie d’un collectionneur ce sont de beaux moments que ceux de la transmission, d’un savoir, d’un patrimoine. C’est une petite partie de vous, Monsieur Alain que j’ai emmenée ce jour-là de Bruxelles.

Pour illustrer cette première partie j’ai choisi une sélection de modèles en plastique. C’est un point commun qui nous rapproche Monsieur Alain et moi. Nous avons toujours eu une grand attirance pour ce matériau, longtemps dénigré par d’autres collectionneurs. En rapport avec sa nationalité belge, voici des miniatures en plastique « made in Belgium ». Le Volkswagen Kombi réduit à l’échelle du 1/42 est rare. Monsieur Dufour en possède un, et, depuis que je l’ai découvert, j’avais vainement essayé d’en trouver un. C’est l’acquisition qui m’a donné le plus de plaisir dans la collection de « Monsieur Alain ». Il est de fabrication inconnue.

Les autres modèles forment un intéressant trio de véhicules réalisés pour le chocolat Jacques. Ils précèdent la série de miniatures produites par Sablon et estampillées « Jacques chocolat ». Les deux camions réduits à l’échelle du 1/42 environ sont peu fréquents. J’en profite également pour vous présenter l’album de vignettes que les enfants collectionnaient en achetant des tablettes de chocolat.

Espérons que l’envie d’acquérir de beaux camions n’aura pas entraîné surconsommation et crise de foie !

Monsieur Alain et le Borgward citerne Aral

Quelques photos complémentaires.

Siku Borgward Citerne Aral (transformation)
Siku Borgward Citerne Aral (transformation)

Ne cherchez pas à acquérir un modèle similaire à celui photographié dans cette vignette. Monsieur Alain, habile bricoleur, s’était confectionné cet élégant Borgward citerne Aral, qui n’aurait pas démérité dans le catalogue Siku. Superbe réalisation, qu’il m’a offerte lorsqu’il me céda sa collection de Siku.

Je l’ai incorporé dans mes vitrines. Ce sera pour plus tard un beau souvenir de cette rencontre bruxelloise.

Un petit détail. Observez bien le haut du fourgon Mercedes 3500. L’inscription, côté droit est en flamand et celle du côté gauche en wallon.

Monsieur Alain se souvient avoir acquis ce camion sur le stand Jacques chocolats lors de l’Exposition Universelle de 1958. Il était empli de caramels, qui ont disparu !

Le beau livre Jacques Chocolat servait de support aux vignettes que les enfants collectaient dans les tablettes de chocolat. Cette firme Belge en éditait pratiquement un chaque année !

Erzgebirge Zeppelin

Voyage dans l’espace – 2

Je lis toujours avec beaucoup de curiosité les articles des magazines automobiles qui laissent la parole aux ingénieurs, notamment lorsque ces derniers se prononcent sur les innovations techniques envisageables à long terme.

Erzgebirge Zeppelin
Erzgebirge Zeppelin

Cette projection à 10, 20 ou 30 ans m’a toujours fasciné. Ainsi, lorsque nous avons changé de millénaire, j’avais imaginé que des journalistes inspirés se seraient penchés sur le sujet, en se replongeant 100 ans en arrière. Ils auraient sans doute pu extraire des archives quelques perles ! Cela aurait constitué à mes yeux un passionnant sujet, mais les médias étaient plus occupés à savoir si les ordinateurs allaient passer le cap de l’an 2000 !

Un constat s’impose dans l’histoire de l’automobile. L’avion et l’automobile sont apparus presque en même temps, l’automobile précédant légèrement l’avion. C’est sur la base des progrès du moteur automobile que l’avion prit son envol et paradoxalement, l’aviation a progressé bien plus vite que l’automobile. Il est certain que l’usage militaire des avions, lors du premier conflit mondial, a révélé aux dirigeants des pays belligérants l’intérêt du développement de l’aéronautique. Songeons cependant que la première automobile à avoir dépassé les 100 km/h était électrique. La « Jamais Contente » battit ce record en 1899. Un siècle plus tard on constate bien sûr, des progrès dans la propulsion électrique mais nous sommes loin des progrès fulgurants qu’a connus l’aviation. Louis Blériot traversait la Manche en 1909, et 64 ans plus tard le Concorde traversait l’Atlantique en moins de quatre heures ! Les stylistes automobiles n’ont cessé de singer le domaine aéronautique, comme pour se faire pardonner leur retard en termes de créativité. Nous avons tous en tête les fabuleuses autos américaines.

Au fur et à mesure que la conquête spatiale avançait, les carrosseries se sont affublées d’ailerons et de protubérances diverses, rappelant les avions de chasse de l’US Air Force. Il est un domaine moins connu, qui a également trouvé son inspiration dans le domaine aérien. C’est celui des transports en commun.

Sachant que je préparais un article sur le sujet, Monsieur Sée, m’a gentiment prêté un ouvrage très intéressant qui traite de l’histoire des carrosseries des cars allemands des années trente à quarante. Il faut dire que le développement des infrastructures autoroutières a libéré les ingénieurs. Une compétition s’est alors engagée entre les différentes marques pour concevoir des cars aérodynamiques. Mercedes, Büssing, Magirus mais aussi des carrossiers indépendants se sont lancés dans l’aventure. Un des projets les plus surprenants est un car inspiré des travaux sur l’autorail Zeppelin. Il est visiblement demeuré à l’état d’étude. Le jouet produit par Erzgebirge porte la mention « ohne motor » qui peut se traduire par « sans moteur ». L’inscription est très optimiste mais il faut dire que nous sommes en pleine période de propagande. Ce car figure bien dans le livre. Je doute qu’il en fut produit un quelconque exemplaire, mais sa renommée était telle qu’un fabricant de jouet a voulu l’inscrire à son catalogue.

J’ai choisi de présenter en photo un autre jouet, provenant de RDA, encore inspiré des recherches aérodynamiques d’avant la guerre.

Tout un symbole. Monsieur Dufresne me signale que l’inscription « Windsbraut » se traduit par « la rafale » tout un programme !
Suite la semaine prochaine

Une Fairlady à la conquête des Amériques

Régulièrement, les habitants de la paisible bourgade d’Esher en Grande-Bretagne, assistent à un étrange ballet : dès 6 heures du matin, affluent vers le champ de courses local, Sandown Park, des autos, des breaks et camionnettes chargés d’étranges denrées, des milliers de jouets. La queue s’étend au-delà du portail de l’entrée du site, obligeant les organisateurs de l’événement à se faire épauler par un service d’ordre bon enfant.

rare boîte de Fairlady
rare boîte de Fairlady

Les gens qui n’exposent pas, comme moi, sont parqués sur une autre aire. Lorsque je franchis l’entrée, j’ai toujours les yeux rivés vers le haut du parking. Je cherche du regard un ami collectionneur belge. Il arrive toujours dans la nuit et attend patiemment l’ouverture des portes. Le rituel de cette rencontre est rassurant. Toujours garés à la même place, nous nous saluons et échangeons quelques mots.

Lors de mon dernier voyage, il m’annonce que, connaissant mon intérêt pour les jouets en plastique, il a décidé de céder quelques pièces lui appartenant. Il a dans la malle de son auto un carton avec plusieurs jouets. Je suis navré de constater que je les possède déjà, lorsqu’au fond du carton, j’aperçois une dernière petite boîte. Celle-ci n’évoque rien pour moi.

Lui-même ne connaît pas ce modèle. Il me dit que ce doit être une MG ou autre petite anglaise. A l’ouverture de l’étui, j’ai moins de doutes sur son identification. Je crois reconnaître une Nissan. Le jouet est superbe, il ne ressemble à rien de connu.

Je fais tout de suite le lien avec les productions de jouets japonais du début des années 60. Les informations écrites sur la boîte sont en anglais, ce qui me fait penser à un produit destiné au marché américain. Le nom du fabricant, Grand Toys m’est inconnu. Une fois l’auto acquise, j’en parle à quelques autres amis collectionneurs présents sur place. Ils me confirment que c’est bien une Nissan mais aucun n’a entendu parler de ce jouet.

Mon ami Clive Chick, grand spécialiste des autos japonaises ouvre des yeux éberlués. Il se rend très régulièrement au pays du soleil levant, mais jamais il n’a croisé ce jouet. Un détail nous fait rire. Comme souvent chez les fabricants de Hong-Kong, la numérotation est totalement fantaisiste. Ainsi, ce petit fabricant n’a pas hésité, afin de donner un peu de crédibilité à sa série à numéroter ce modèle 671. Par expérience, on peut imaginer qu’il y a au moins une 670. En effet, une série de deux est bien le minimum. C’est souvent par paires que les petits fabricants opèrent. De plus, la logique voudrait que la numérotation commence avec une décimale.

Curieux, j’ai cherché des renseignements sur l’auto. D’après mes recherches, ce petit modèle en plastique, au 1/43, serait une S211 de 1959 dont il aurait été produit 20 exemplaires.

Elle débute la célèbre lignée des « Fairlady ». Ce nom aurait été donné en rapport avec la comédie musicale très en vogue à l’époque sur Broadway « My Fair Lady ».

C’est en effet pour le marché américain que Nissan avait programmé cette auto. D’après les amateurs de la marque japonaise, c’est bien d’une MG que se serait inspiré Nissan. Cela renvoie finalement à ce que mon ami belge avait cru identifier en me présentant sa miniature. Nissan a commencé à s’implanter aux USA à la fin des années 50. Le chemin qui mène à la reconnaissance sera long. Les débuts sont très modestes, il n’y a que 10 revendeurs dans le pays dont un, selon les dires d’un spécialiste de la marque, tenait également une entreprise de pompes-funèbres. Peut être faut il y voir une complémentarité avec le comportement sportif de l’auto !

Mais vaille que vaille Nissan, comme les autres fabricants Japonais, saura se montrer patient. La marque tissera sa toile sur tout le continent américain pour devenir un des leaders mondiaux. J’ai profité de l’occasion pour sortir de mes vitrines d’autres modèles de « Fairlady ». La première est produite par Cherryca Phenix. Elle se singularise par un troisième siège placé transversalement à l’arrière. Ce détail m’a toujours intrigué. Les modèles produits par Diapet sont des millésimes 1966-1967. Ils ressemblent furieusement à la MG « B ». Diapet reprendra quelques moules de Cherryca Phenix, les derniers, souvent en les améliorant (parties ouvrantes par exemple). Mais pour ce qui est de la Fairlady, c’est bien d’un moule nouveau qu’il s’agit.

N’hésitez pas à me contacter si vous avez d’autres informations sur la petite marque Grand Toys.

L’amore della bellezza

Mon épouse et moi même avons un faible pour l’Italie. On y cultive l’amour du beau. Depuis l’antiquité, Rome a toujours cherché à se faire belle. En allant conquérir des territoires en Italie, François 1er découvre la Renaissance Italienne. En amateur éclairé, il n’a pas manqué de ramener en France des chefs d’œuvre et des artistes, œuvrant ainsi à sortir son pays du moyen-âge.

Fiat 682 porte autos et ses 4 Fiat 600 Multipla
Fiat 682 porte autos et ses 4 Fiat 600 Multipla

Mes parents tenaient un commerce de chaussures et vêtements, et j’ai été élevé au milieu des articles italiens. Ils louaient particulièrement le goût des créateurs italiens, notamment le savoir-faire de ces derniers dans l’assemblage des couleurs. Les Italiens ont un sens inné en la matière. Encore aujourd’hui, dans les rues de Milan ou de Rome, les gens s’habillent avec harmonie, quel que soit leur âge ou leur classe sociale. Les Italiens aiment se faire beaux, et ce en toutes circonstances.

Dans ce contexte, il est aisé de comprendre que mon père eut au démarrage de sa collection une attirance pour la firme Mercury. Si des firmes comme Dinky Toys ont souvent tâtonné dans le mariage des couleurs, à Turin, les dirigeants n’ont jamais eu de tels états d’âme. Dans les années 80, un amateur italien nous avait racontée que Mercury achetait ses peintures en petite quantité et changeait pour de nouvelles teintes dès que son stock était épuisé. Il est certain que l’analyse de cette firme est complexe. Nous avons ainsi réuni 20 Fiat 600 Multipla. Toutes différentes. Nous n’avons pas la prétention de les posséder toutes, bien loin de là ! Ceci donne un aperçu de cette incroyable production. Mais, ce qui me fascine le plus, ce n’est pas la quantité de mariages proposés. C’est surtout l’harmonie qui se dégage de cet improbable ensemble. Pas un mariage de couleurs n’est contestable. C’est pourtant un exercice de style bien difficile. Seuls des italiens pouvaient relever un tel défit.

Je vais vous faire une confidence. Pour en revenir à Rome et à Florence, au cours des longues séances de lèche-vitrine que m’imposent ma femme et ma fille, il m’arrive de rencontrer un vêtement ou des chaussures qui me rappellent un mariage de couleurs vu sur une Mercury !

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L’une et l’autre sont souvent surprises devant l’enthousiasme que suscite en moi l’article dont les couleurs rappellent une Fiat 600 Multipla ou une Studebaker Golden Hawk !

La suite la semaine prochaine.