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Bugatti 57 : une nouvelle ère

Pour les historiens de la compétition automobile, notamment les spécialistes des 24 heures du Mans, cette auto, la Bugatti 57, est le premier prototype à avoir concouru dans la Sarthe.

Bugatti 57C de chez JRD
Bugatti 57C de chez JRD

Créée en 1923, la course des 24 heures était réservée aux autos de série, voire de petite série qui conservaient obligatoirement leur carrosserie. Il y eut quelques exceptions comme le tank Chenard et Walcker, en 1925 dont la carrosserie s’apparentait davantage à du bricolage qu’à une véritable carrosserie aérodynamique, comme cette Bugatti 57.

Cela mérite quelques explications. Afin de redynamiser le sport automobile français, l’Automobile Club de France (ACF) publie en 1936 un nouveau règlement afin d’ouvrir la course à une catégorie d’autos pourvues d’une carrosserie biplace ouverte.

Il faut se replacer dans le contexte historique. Depuis le milieu des années trente, les autos allemandes ne trouvent comme concurrents sérieux qu’Alfa Romeo et Maserati. Les concurrents français sont systématiquement évincés des podiums des Grands Prix. Bugatti va alors trouver, grâce à ce règlement, le moyen de revenir par la grande porte. Le règlement impose la construction d’au moins 20 châssis. Bugatti empruntera donc celui de la 57S : il le modifie et l’adapte à la compétition.

Une carrosserie enveloppante est fabriquée, le règlement est ainsi respecté. Pour la première fois, un véritable prototype concourt aux 24 heures, bien qu’ayant un châssis issu du grand tourisme. L’édition des 24 heures du Mans ayant été annulée en 1936, en raison des évènements politiques, deux autos vont faire leurs débuts en compétition, avec succès au GP de l’ACF à Montlhéry, puis au GP de la Marne à Reims. C’est en 1937 qu’elles débutent au Mans. Deux autos sont à nouveau engagées. Dans un souci d’efficacité aérodynamique, les autos apparaissent aux essais avec les ailes entièrement carénées. Ces carénages sont démontés pour la course. Pour répondre au règlement la roue de secours est montée sur la poupe. Des projecteurs supplémentaires sont installés dans la calandre, ainsi qu’un feu incrusté côté droit de la carrosserie, afin d’aider à la reconnaissance des véhicules durant la nuit par les panneauteurs. Les deux autos occupent longtemps les deux premières places, puis celle de Labric-Veyron doit abandonner, victime d’une fuite au réservoir d’essence. Le tandem Wimille-Benoist remporte l’épreuve, en battant le record du tour, le record de la distance et en remportant l’indice de performance. C’était bien la preuve de l’efficacité d’une telle auto. Bugatti reviendra en 1939, en modifiant son tank, qui prendra l’appellation 57C, car il est désormais équipé d’un compresseur. L’empattement est également modifié. Les pilotes Wimille et Veyron s’imposeront, en battant de nouveau le record de la distance. Malheureusement, c’est dans cette auto qu’il essaie après la course sur les routes d’Alsace que Jean Bugatti perdra la vie. La marque ne se relèvera jamais de sa disparition.

JRD, dont la principale activité était la reproduction des automobiles Citroën, décida cependant d’inscrire cette glorieuse auto à son catalogue. Elle est moulée en plastiline. L’auto a été réalisée en deux tailles différentes. Les jantes sont moulées en plomb et équipées, comme les autres modèles de la gamme, de pneus « Michelin » de couleur rouge. JRD proposera de nombreuses couleurs, sans retenir la vraie, qui est bicolore et associe deux tons de bleu (1937). La reproduction est honnête. L’échelle retenue pour la plus imposante des deux est le 1/50ème environ. Signalons enfin l’existence de modèles réalisés en celluloïd, en deux formats également. La version au 1/40ème est assez difficile à se procurer.

Je me suis inspiré d’un excellent article paru dans Le Mans Racing sur cette auto pour réaliser ce texte.

Un Paris Nice de record

Pour la jeune génération, celle de mes enfants, la liaison Paris Nice, c’est l’avion. Une heure suffit pour quitter les brumes parisiennes et respirer dès la fin de l’hiver le parfum du mimosa en fleurs.

Dans les années trente, époque où le jeu de société présenté fut créé, les voyages en avion n’étaient démocratisés et c’est par l’auto ou le train que quelques privilégiés pouvaient relier la capitale à la Côte-d’Azur.

les deux versions du Coffret Paris Nice
les deux versions du Coffret Paris Nice

Le choix du commanditaire de ce coffret est donc justifié. La nationale 7 qui traversait la France et permettait de rejoindre la Méditerranée évoquait l’aventure des vacances. Charles Trenet en a fait une merveilleuse chanson. C’est dans ce contexte qu’un fabricant proposa ce jouet. Vous pouvez constater que les deux coffrets sont constitués d’autos de compétition, et même de record.

Dans le premier coffret, c’est une MG qui a inspiré la firme AR. C’est un modèle équivalent à celui reproduit par Dinky Toys sous la référence 23A/220. Cette auto était une habituée du circuit de Brookland. Dans le second coffret c’est une reproduction du fameux Golden Arrow de record de 1929. La voiture est impressionnante par ses dimensions. Elle est ici reproduite par Aludo. Comme cela arrive fréquemment, un petit industriel à l’origine d’un jeu de société a fait appel à deux fabricants, AR et Aludo, pour garnir ses coffrets.

Il est certain que la taille des objets est entrée en ligne de compte dans le coût de revient. Relier les deux villes avec de tels engins relève de l’exploit !

On imagine la chose plus aisée à bord d’un coupé sportif ou d’une puissante berline. Je peux cependant avancer une explication au fait que le fabricant ait garni ses coffrets d’autos de record. Pour cela il faut remonter à l’année 1930, précisément au 13 mars 1930. Ce jour là, deux intrépides sujets de Sa Majesté, Mrs Barnato et Bourne firent un pari audacieux : celui d’être plus rapides que le train bleu qui reliait Nice à Calais. Ce luxueux train emportait les privilégiés sur la Côte d’Azur. Ils partirent de Nice, là où ils se trouvaient. Après une traversée épique de la France à bord de leur Bentley Speed Six carrossée par J. Mulliner, ils ont gagné leur pari à quelques minutes près. La légende raconte que la somme remportée pour avoir gagné le pari ne couvrit pas l’amende qui leur fut infligée par la police.

Cet exploit fit beaucoup de bruit durant de longues années et  donne au coffret Paris Nice son sens et son intitulé. Il est évident que pour des raisons commerciales, le fabricant a choisi de faire figurer Paris dont l’évocation est plus glamour que Calais, qui est une ville aux charmes méconnus (attention mon épouse est calaisienne). Ces coffrets au charme désuet sont les témoins d’une époque insouciante.

Nous reviendrons prochainement sur le Golden Arrow. Cet engin mérite bien que l’on s’y intéresse.

L’après-midi du 15 Février 1935 Auto Union

La grande majorité des clichés pris lors de ce record montre l’auto, avec des ailes arrière dépourvues de carénage. Sur les autres clichés, les sabots d’ailes derrière les roues avant ont également disparu. Durant une autre tentative, ce sont les flasques de roues qui sont retirés, qui sont retirées, laissant apparaître les jantes à rayons.

Micro Auto Union
Micro Auto Union

On peut imaginer les hypothèses suivantes :

  •  le poids de ces appendices aérodynamiques réduisait à néant le gain de performance engendré par l’aérodynamisme poussé ;
  • l’existence de nuisances aérodynamiques, ces carénages perturbant le bon écoulement de l’air.

Si les ingénieurs disposaient déjà à cette époque de souffleries aérodynamiques, on était loin des outils de simulation d’aujourd’hui . Après enquête, il semble bien que c’est sans son carénage recouvrant les roues arrière que l’auto battra son record.

Un détail vient étayer cette histoire. Un très beau cliché de la voiture a été pris, après la tentative à Zwickau, dans l’atelier. L’auto est dépourvue de ses carénages au-dessus des ailes arrière. Elle a été préparée pour la photo : les pneus ont été cirés afin d’optimiser le cliché, comme les engins militaires pour un défilé …

C’est bien dans cette configuration que les fabricants allemand la reproduiront. Il est bien sûr possible de rétorquer qu’il est plus facile pour un industriel de reproduire le jouet sans le carénage des roues arrière.

Ce sera la deuxième auto de la série 5521 Märklin. Son étui porte de ce fait le numéro 5521/2. On retrouve sur le côté gauche un numéro 2 gravé. Il est encore assez facile de se procurer cette auto. Une version promotionnelle a été créée pour la firme Kolben, équipementier automobile. Pour l’occasion elle a reçu un châssis gravé au nom de la société. On apprend ainsi que Kolben a fourni des accessoires aux équipes de course Mercedes et Auto Union, notamment des freins.

Il existe bien entendu son pendant, reproduisant sa concurrente la W25 (la numéro 5521/1 chez Märklin). Curieusement l’Auto Union est plus rare que la Mercedes, déjà très délicate à se procurer. Deux autres détails concernant ces miniatures. Elles ont perdu leurs numéros gravés sur les flancs. Et elles sont de moindre densité que leurs homologues estampillées Märklin : l’alliage est différent. Je n’ai jamais vu de Kolben souffrant de problèmes de métal.

Un autre fabricant allemand, la firme Kibri a également immortalisé cette version. C’est indubitablement une copie de la Märklin, mais l’arrière a été tronqué. Il a été coupé net. Cela lui confère une allure assez étrange. Le modèle semble être en aluminium. Il est équipé de roues monobloc lisses ou avec crampons. Outre la version classique argent, il existe au moins une version bleue. D’autres teintes ont certainement été produites. Un fabricant japonais tentera l’aventure en reproduisant lui aussi cette version. D’une taille équivalente à celle des Märklin (10,5 cm), outre sa pimpante couleur verte, elle doit son originalité au matériau retenu. Elle est en tôle lithographiée. Le fabricant a même reproduit les sorties d’échappement latérales.

Un mot enfin sur un modèle qui relève plus de l’inspiration que de la fidèle reproduction. Je veux parler du modèle produit par Micro au Danemark. Il est moulé en plomb, c’est une fabrication, rudimentaire. Il mesure 9,8 cm. Les axes sont de vulgaires clous, ce qui se faisait assez souvent chez les tout petits fabricants avant-guerre.

Enfin, voici un dernier modèle dont l’histoire est assez tortueuse. C’est la version « matinale », équipée de ses carénages, que Renwal, firme américaine bien connue choisit de reproduire. Comme souvent aux États-Unis, ce fabricant la déclinera en plusieurs échelles (trois) et même en plusieurs matériaux. Comme en Europe, elle rencontrera un beau succès commercial, et suscite encore de nos jours des commentaires admiratifs. Aux Etats-Unis, peu de gens savent reconnaître l’Auto Union. Ils ont plutôt la vision d’une auto de course futuriste. La version intermédiaire mesure 11 cm (environ 1/43ème). Elle est moulée en plastique de qualité, brillant.

L’inscription sur le pavillon est sans équivoque « speed king » !

Renwal en a produit une au 1/25ème (absente des clichés) et une autre au 1/55 ème environ (8,2 cm). Cette dernière est en zamac, peinte de couleur crème. Les Renwal ne furent certainement distribuées qu’aux Etats-Unis.

Après la guerre, un grand nombre de troupes américaines restèrent en Europe, notamment à Berlin. Certain soldats furent rejoints par leurs famille. C’est ainsi que l’on peut expliquer cette copie, produite par Hels en RDA. Le fabricant est-allemand a dû lui aussi être fasciné par cette auto, avant la guerre, et s’est servi du modèle américain pour proposer cette version. La dimension est identique. Pour masquer la qualité inférieure du plastique, Hels peindra ses reproductions. Le modèle existe en plusieurs couleurs, notamment en gris et en rouge. Le nom de la firme est gravé. Les roues sont lisses au contraire du modèle Renwal. Quelques autres détails différencient les deux modèles. Enfin, un autre fabricant s’inspirera du modèle Renwal. Il est Suédois. Il n’est pas étonnant qu’un fabricant scandinave ait été inspiré par des jouets américains. Le modèle n’est pas estampillé mais il est probable qu’il s’agisse de la firme Kabo, spécialiste suédois des jouets en plastique. Une inscription « 1950 » nous renseigne sur sa probable datation. Contrairement au modèle produit par Hels, il bénéficie d’un plastique de qualité. Ce modèle est très peu fréquent.

Sur l’ovale d’Indianapolis

Pour illustrer cette course, j’ai choisi des autos de fabrication américaine, toutes reproduites à une échelle proche du 1/43. Comme souvent avec les fabricants de jouets d’outre-Atlantique, les gammes sont déclinées dans plusieurs échelles. Ceci est particulièrement vrai pour les jouets réalisés en cast iron, mais les modèles en caoutchouc (rubber) et en plomb (slush) n’échappent pas à cette logique. Il existe ainsi une série de bolides similaires reproduits à l’échelle du 1/60.

Craft Toys Miller
Craft Toys Miller

La période de production de ces jouets s’étale de 1930 à 1950 environ. Les deux reproductions avec capot moteur amovible sont particulièrement intéressantes : le capot moteur est réalisé en tôle et coulisse verticalement pour laisser entrevoir une reproduction sommaire du moteur. Ils ont été réalisés par Craftoy.

Les modèles équipés de jantes en bois, peintes de couleur rouge, sont des Barclay. Le bolide bleu est particulièrement impressionnant par son aspect agressif.

Le modèle de couleur verte, avec le pilote installé très en retrait est une Kansas. Le modèle sera repris par d’autres fabricants.

Les monoplaces, rouge et turquoise, équipées de roues en caoutchouc de couleur blanche sont des Lincoln.

Enfin, celle de couleur argent dans la vignette en haut à gauche de l’article 144 est également une Lincoln, celle de droite étant une CAW portant la référence CWV08.

Il y a cent ans sur l’ovale d’Indianapolis

Le 29 mai 2011, sur l’ovale d’Indianapolis, les bolides se sont élancés pour la course du centenaire. La course a lieu tous les ans depuis 1911. Les années de guerre, avec l’engagement des troupes américaines ont constitué les seules exceptions, en 1917 et 1918 puis de 1942 à 1945.

Indianapolis "slush américain" Miller
Indianapolis « slush américain » Miller

Les Américains se sont toujours distingués par leur sens du spectacle. On parle d’ailleurs d’un show à l’Américaine, qu’il s’agisse d’une campagne électorale, du tour de chant d’une vedette du show-biz ou d’un événement sportif. Le domaine qui nous est cher, celui du sport automobile, ne fait pas exception.

Aux USA, les courses automobiles répondent à un véritable rituel, une occasion sans pareil de communier avec le public.

En Europe, je ne vois comme équivalent que les 24 heures du Mans. Parade des pilotes, ouverture des stands au public, séances de dédicaces : nous sommes à l’opposé des préoccupations des gens qui gèrent actuellement la Formule 1. C’est cet esprit de sport-spectacle qui est à l’origine de la création de la course mythique.

Petit retour en arrière, sur la base des informations issues d’un article très instructif de Jean Paul Delsaux paru dans la revue Auto-Hebdo. La première compétition automobile, Paris-Rouen en 1894, consiste à relier deux villes. Pendant de nombreuses années, ce sera le seul format de course automobile.

Il n’est pas transposable outre-Atlantique où les réseaux routiers sont réduits et les grandes villes reliées par le chemin de fer. Les organisateurs se replient donc sur les grandes étendues de sable offertes par les plages à marée basse.

Pour les villes intérieures, ce sont les « fairgrounds » (champ de foire) qui servent de support à des exhibitions de vitesse. Comme la dimension des terrains varie en fonction de l’importance de la cité, les organisateurs vont homologuer des châssis compatibles avec la taille de ces « fairgrouds ». C’est le début d’une certaine idée de standardisation, idée toujours en vigueur en 2011.

La première course sur un ovale aura lieu sur le Rhode Island State fair en 1896. Les courses sur « dirt track ovals » vont ensuite se multiplier. Cet engouement favorise l’émergence des clubs automobiles. Le premier d’entre eux, l’AAA American Automobile Association, représente les constructeurs automobiles américains. L’autre, l’ACA Automobile Club d’Amérique est dirigé par des industriels de la côte Est, passionnés par les progrès techniques et les belles automobiles européennes. Avec notamment l’organisation de la coupe Vanderbilt, ces derniers importeront la conception européenne de la compétition automobile, c’est-à-dire une épreuve disputée sur route.

Une scission se dessine : alors que l’AAA développe des compétitions ouvertes à des autos issues de la série, bon marché, l’ACA se tourne vers l’innovation technique, réservée à une minorité. Cela ne vous rappelle rien ? En 2011, ces deux conceptions du sport automobile s’affrontent toujours. A partir de là, un dénommé Carl Fisher, encore jeune et déjà à la tête d’une importante fortune, comprend tout l’intérêt de la construction d’un grand stade consacré à la compétition automobile.

En 1909, est inauguré aux Etats-Unis le plus grand ovale jamais réalisé dans ce pays : Indianapolis Motor Speedway.

La première course, le 22 août 1909, sur une distance de 300 miles, sera une véritable hécatombe : elle devra être interrompue en raison du nombre important d’accidents mortels : c’est le revêtement qui est en cause. La décision est prise de le remplacer par une piste en brique, de là son surnom le «brickyard ». Deux ans plus tard, en 1911 les premiers 500 miles auront lieu. Une bande pavée est toujours en place sur l’actuel circuit, en souvenir de cette glorieuse époque. (voir  un autre article sur Indianapolis)https://autojauneblog.fr/2011/06/22/sur-l-ovale-d-indianapolis/