La chauve souris et le panda

Il ne s’agit pas d’une fable de Jean de la Fontaine, je vous rassure. Certes le fabuliste a mis en scène quantité d’animaux. Si la chauve- souris fait bien partie de son bestiaire, à ma connaissance, le panda ne figure pas dans ses fables.

Panda Muovo
Panda Muovo Edsel et Plymouth

L’histoire du jour se passe encore en Finlande. Les modèles présentés relèvent d’une découverte très récente. A l’occasion d’une de nos rencontres, rythmées par les bourses d’échange semestrielles de Göteborg, mon ami Suominen, me parla de l’existence de cette petite série aux couleurs du héros de bande dessinée.

Vraisemblablement, c’est l’essoufflement de la série Panda qui a incité Muovo a proposer cette surprenante série Batman. L’entreprise, a peut-être trouvé là un moyen de diversifier et d’amortir à moindres frais son outillage en l’utilisant pour produire les autos du super-héros. Le choix des modèles aux couleurs de Batman laisse pensif.

Je conviens que le choix de la Jaguar Type E pour Batman reste crédible. Cette auto répond bien aux standings que l’on est en droit d’attendre d’un super-héros, mais le choix de la Hilman Super Minx ou de la Toyota Crown me laisse plus que perplexe !

Je doute que le pingouin, ennemi juré de Batman, ait pu trembler en voyant arriver Batman en Hillman Super Minx ou en Toyota Crown ! Je ne parle même pas du succès auprès de la classe féminine. Catwoman pouvait elle se pâmer en voyant arriver Batman au volant d’une auto familiale ? Rêvait-elle vraiment son Batman en bon père de famille ?

Mon ami Suominen m’a dit qu’il ne connaissait que ces trois autos, chacune dotée d’un étui individuel particulier, mais qu’il avait l’intuition qu’il existait d’autres modèles. La couleur grise et le décalque sur le pavillon constituent le point commun de ces modèles. Trouver une Hillman Super Minx n’est pas chose aisée, mais ces modèles sont particulièrement difficiles à se procurer.

La laiterie d’Al Capone

C’est le magazine Fricotte, consacré à l’alimentation, qui m’a inspiré cette chronique. Le rédacteur en chef m’a contacté il y a plusieurs mois car il envisageait de publier un article sur la représentation du monde agroalimentaire dans l’univers des jouets. Après la publication d’un article généraliste, nous avons travaillé sur un thème en relation avec la période estivale, celui des marchands de glace.

La laiterie d'Al Capone
La laiterie d’Al Capone

Comme le magazine me demandait d’envisager une nouvelle collaboration, j’ai proposé le thème de l’industrie laitière. En effet, au fil de mes voyages aux Etats-Unis, j’ai constitué un ensemble assez hétéroclite de modèles relatifs à ce thème. En sortant les véhicules des vitrines, j’ai pu constater combien ce sujet avait été populaire auprès des fabricants de jouets américains, surtout dans les années trente. J’imagine que si tant de fabricants se sont trouvés inspirés par les camionnettes de livraison et les citernes de lait c’est parce que la demande était là !

Comme les modèles exposés dans mes vitrines sont classés par catégorie, j’ai pu constater que les laitiers y tenaient une très grande place, à l’inverse des brasseurs ! Il faut se rappeler que durant cette période, les Etats-Unis ont connu la prohibition de l’alcool. Il aurait été mal venu de mettre à la disposition des enfants des jouets ayant un rapport avec l’alcool, susceptibles d’en banaliser voire d’en encourager la consommation. Il est certain que la représentation d’une camionnette aux couleurs d’un fabricant de whisky aurait fait mauvais effet !

La laiterie d'Al Capone
original camion bouteille de chez Barclay

Il y a bien un jouet de chez Barclay, peu fréquent, en forme de bouteille, mais il s’agit d’une laiterie…précisons toutefois qu’une marque d’alcool américaine utilisa un support similaire.

Les laitiers américains constituent un agréable ensemble, bien plus original que les traditionnels jouets anglais. J’ai donc sélectionné des miniatures correspondant à la période troublée des années trente, uniquement des « slushs » , en plomb injecté.

Barclay en a été le principal fabricant. La vignette en haut à gauche en illustre un bel exemple. Cette version est aux couleurs d’une laiterie du nom de Franklin. Il existe aussi des versions non promotionnelles. Sur la seconde ligne, la première vignette permet la comparaison entre la version au premier plan produite par Tommy Toys et celle du second plan produite par Savoye, reconnaissable à ses jantes en bois identiques sur tous les modèles produits par cette firme. Mon intérêt pour les Slush m’a souvent confronté à ce genre d’énigmes : l’existence de modèles quasi similaires mais pourtant différents.

L’histoire de ces productions est jalonnée de créateurs appartenant à des firmes majeures comme Barclay ou Kansas Toys qui ont créé leurs propres compagnies, en emmenant leurs créations et en les ressortant après avoir modifié quelques détails. Je vous laisse observer les différences. Même constat pour les deux camions Ford cabover ridelles se trouvant sur la quatrième ligne, vignette droite : au premier plan un Barclay au second un Tommy Toys. La vignette à gauche représente deux fabrications Tommy Toys. Enfin, la version hippomobile de chez Barclay possède beaucoup de charme et permet de bien visualiser les différences de conception très nettes avec ce que l’on rencontre, par exemple, en Grande-Bretagne.

Le découpage au second plan a été produit pour la compagnie Bordens, marque que l’on rencontre très souvent sur les reproductions de camions laitiers et ce jusque dans les années soixante-dix.

Des Siku à la sauce persane

Il ne fait aucun doute que Siku a vu dans cet accord commercial un moyen habile de rentabiliser ses moules. Mais le choix du pays partenaire est loin d’être le fruit du hasard. Les pays du proche orient du Moyen-Orient et du Maghreb ont toujours tissé des liens avec les différentes puissances occidentales.

Minicar
Minicar

Ainsi, l’Allemagne a profité des erreurs des Russes et des Anglais qui tenaient ce pays au début du siècle dernier. Les deux puissances se mirent à dos les populations iraniennes. Les Allemands ont pu dès les années 1920 envisager une coopération économique. Usines, chemin de fer, ports, les allemands ont participé activement au développement du pays. Ce n’est donc pas une surprise qu’une firme allemande de jouets ait eu des liens économiques dans les années soixante-dix avec ce grand pays qu’est l’Iran.

Revenons-en à nos modèles. Après toutes ces négociations, je touchais enfin au but. Bien qu’ayant vu les photos quelques mois auparavant, l’ouverture du carton contenant les précieux coffrets a été un vrai plaisir et m’a réservé quelques heureuses surprises.

En tant qu’amateur de jouets j’ai été frappé par la similitude de présentation avec les coffrets Matchbox de la période du milieu des années 60. Pour Minicar, fabricant iranien, le but était de s’inspirer de ce qui se faisait en Occident.

Les coffrets de l’ambassadeur
coffret dans le style Matchbox

Les intitulés des coffrets en langue anglaise (holidays series, Volkswagen series) confirment bien la volonté du fabricant d’établir une certaine confusion avec Matchbox. L’échelle de reproduction des miniatures conforte cette analyse. L’intention du fabricant était bien de donner à ces jouets une touche occidentale. Un autre détail m’a beaucoup intrigué : la présence, en bas des coffrets de la mention « A Mecano Product », avec un seul c à Meccano tout de même. Deux références à deux grands groupes anglo-saxons : les Iraniens n’étaient pas rancuniers !

Le style naïf des dessins qui mettent en scène les véhicules au milieu de paysages iraniens est plein de charme.

Le dessinateur s’est inspiré du style de ceux décorant les coffrets Matchbox, mais il les a revisités à la sauce iranienne y faisant figurer notamment les hautes montagnes qui sont partie prenante du paysage iranien. Nous sommes bien loin des paysages européens ou américanisés des illustrations des coffrets Matchbox.

Minicar
« Faites plaisir à vos enfants, achetez des Minicars ! »

L’autre face des coffrets, est tout aussi intéressante. Sur cette face, la nationalité du fabricant est clairement visible. Outre le drapeau iranien, le texte en farsi ne laisse aucun doute sur la nationalité du fabricant. Une illustration attire le regard. Dans le style vestimentaire de la fin des années soixante, une jeune femme, en pantalon et pull à manches courtes, fait mine de tendre à un bambin un coffret. Ce dernier doit se mettre sur la pointe des pieds pour essayer de l’attraper. On verrait plus ce genre de dessin pour une friandise. Le slogan, en farsi indique que les jouets Minicar rendent les enfants heureux. Plus loin le texte explique que les enfants qui jouent sont plus intelligents et en meilleure santé ! Voilà bien un argument qui a dû décupler les ventes des coffrets Minicar !

Un autre texte a attiré mon attention : « Achetez et offrez aux enfants que vous aimez ce coffret. Vous serez sûr de conquérir leur cœur et d’assurer leur divertissement » ou cet autre « demandez à votre revendeur les autres produits Minicar qui sont conçus pour divertir et promouvoir la pensée des enfants ». Je vous laisse méditer sur ces deux textes inhabituels sur des emballages de jouets occidentaux.

L’acquisition de ces coffrets a été une longue épopée. Vint alors la dernière étape, celle d’une demande de traduction des textes auprès de l’ambassade de la République islamique d’Iran.

Il a fallu être patient. Mais la réponse de l’ambassade marque la fin de l’aventure. Avec beaucoup d’émotion, j’ai découvert la traduction de tous ces textes. Je tiens à remercier chaleureusement la personne à l’ambassade qui a pris le temps de traduire ces quelques lignes.