Dinky Toys Série 28 van

Numéro 13

J’ai souvent coutume de dire qu’il y a autant de types de collections qu’il y a de collectionneurs. Nous exprimons tous des préférences au travers de choix dont les motifs ne sont pas toujours clairement révélés. Ainsi, mon père, très attiré par les véhicules publicitaires, a toujours orienté ses choix de collections sur ce type de reproductions.

Dinky Toys Série 28  van
Dinky Toys Série 28 van

Comme beaucoup de collectionneur rigoureux, il établissait des listes de modèles manquants. Et comme beaucoup de collectionneurs, il avait grand plaisir à rayer de la liste le modèle qu’il venait de trouver. Peu de collectionneurs furent aussi assidus que lui dans la recherche, n’hésitant jamais à prendre la voiture pour aller chercher à l’autre bout de la France un véhicule qu’il convoitait depuis longtemps. Il faut avouer aussi que le prix de l’essence et les contraintes en matière de limite de vitesse altéreraient aujourd’hui le plaisir de cette chasse au trésor. Avec quelques autres collectionneurs de sa génération, il a pu constituer des collections généreuses et colorées. Pour lui l’état de conservation du jouet est un critère important, même s’il faut pour certains modèles mesurer ses prétentions. C’est peut être là que réside le secret de chaque collectionneur. Savoir se fabriquer ses propres critères de rareté, afin de savoir à quel moment il acceptable d’acquérir un jouet en état d’usage. Pour cela il faut beaucoup d’expérience, et de bonnes facultés d’analyse. Ces qualités mon père les a, et grâce à cela il a su, patiemment, au fil des ans construire sa collection.

Ainsi, lorsque nous avons commencé à collectionner les productions d’avant-guerre de la firme de Binns Road, notre intérêt s’est immédiatement tourné vers la série 28, celle des fourgonnettes publicitaires. Soucieux de l’état de conservation, nous avons privilégié les modèles en plomb de première série. Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, Dinky Toys avait été créé pour produire des miniatures automobiles servant au décor des réseaux de trains Hornby produits par Meccano. Ce n’étaient que des accessoires. Ainsi, les fourgonnettes présentées ce jour sont issues des fameuses séries 22, introduites en 1933. Elles reprennent la base de la référence 22D, modèle réalisé en deux parties, un châssis–cabine et une partie reproduisant un fourgon tôlé. Cette architecture facilite les finitions bicolores.

Elles sont proposées au départ sous le nom de « Modelled Miniatures ». Le nom « Hornby Series » est bien gravé sous le pavillon de la cabine. Très vite, les autos vont prendre une place importante dans le catalogue et en avril 1934 cette série va devenir « Meccano Dinky Toys ».

La série 28, apparue en 1934, est bien une série « Meccano Dinky Toys » même si les premiers modèles de la série 28 sont encore estampillés sous le pavillon « Hornby Series ». Comme souvent chez les industriels, les carrosseries injectées antérieurement aux modifications ne sont pas mises au rebus, mais continuent d’être utilisées.

C’est une réalité qui complique la vie des collectionneurs, qui, bien des années après, essaient de reconstituer l’histoire d’un produit ! Dans le cas présent les collectionneurs ne sont pas au bout de leur peine.

En effet, Meccano va proposer deux boîtes de six modèles, référencées 28/1 et 28/2. Ces modèles sont numérotés de 28 A à 28 E pour la première et de 28 F à 28 N pour la seconde. En toute logique, cela conduit à un total de 12 publicités différentes. Ce sera vrai jusqu’en septembre 1934 ! Pour des raisons inexpliquées, la direction va substituer pendant un mois à la version « Ensign Cameras / Lukos », sous la même référence 28E, une autre version aux couleurs de « Firestone »… Cette dernière conservera officiellement, durant ce mois de production la référence 28 E. Cette histoire m’a beaucoup intrigué, d’autant que je n’avais aucun début d’explication. En faisant des recherches, j’ai pu trouver qu’un immeuble Firestone avait été inauguré en grande pompe en août 1934. Une autre piste à envisager est celle d’une grande offensive de la marque Firestone, qui, dans les années 1934-1935 s’était beaucoup impliquée dans les expositions à travers les États-Unis. Nous connaissons ainsi quelques miniatures portant même le logo Firestone sur les boîtages et bien sûr des pneumatiques estampillés du même fabricant. (voir les articles sur les Ford V8). C’est peut-être une piste à suivre que celle d’une commande pour cette compagnie.

Pour les collectionneurs, la treizième voiture est une sorte de modèle fantôme.

Une Jaguar hybride

Une Jaguar hybride

En tant qu’amateur de sport automobile, lorsque je contemple une miniature représentant un bolide, j’essaie toujours d’avoir des informations sur l’histoire du modèle reproduit. Avant d’écrire ces quelques lignes, la Jaguar type « D » sortie de chez Solido en 1957, ne n’avait jamais posé de problème d’identification.

En inscrivant sur le châssis la mention « Le Mans », Solido nous livre un indice. La dérive, prévue dans un premier temps pour le circuit du Mans sera tout de suite utilisée sur les autres circuits. Au départ, la voiture n’en possédait pas. La plus célèbre des Jaguar type « D » dépourvue de dérive est celle de l’écurie française « Los Amigos » qui se classera troisième lors de l’édition de 1956. Cette dernière était bien sûr de couleur bleue, comme il se doit pour une auto engagée sous la bannière française.

Le capot court du modèle Solido fait penser à une version de 1954 ou de 1955. Il ne peut s’agir un modèle plus tardif car le nouveau règlement entré en vigueur en 1956 impose un pare brise de taille supérieure en largeur et en hauteur. Cela conduira toutes les autos participant au championnat à adopter un pare brise panoramique.

Variantes de teintes
Solido Jaguar Type D variantes de couleur rouge

Si la silhouette est agréable et le profil correct, la face avant est peu fidèle. Ainsi, l’ouverture qui y est pratiquée fait plus penser à un squale qu’à une Jaguar !

Si vous êtes amateur de la gamme Solido, je vous invite à observer les modèles de la gamme Junior des années 50. Vous trouverez de nombreuses similitudes au niveau du traitement des ouvertures sur les faces avant des autos.

La Jaguar a dû être conçue par la même personne. Il semble qu’ensuite, dès l’Alfa Romeo Giulietta spider, Solido ait engagé une personne plus talentueuse et sachant bien retranscrire les formes et les détails.

Après de nombreuse recherches je n’ai pas trouvé trace d’une Jaguar type « D » équipée des deux projecteurs supplémentaires dont Solido l’a affublée. En 1954, l’auto est équipée d’un projecteur en plus de ses phares. Sa taille est inférieure à celle des phares et il est installé de manière asymétrique sur le côté gauche. Le côté droit était réservé à la plaque d’immatriculation installée sous le phare. Ce montage ne sera pas conservé au Mans en 1955. La Jaguar « D » remportera la course inaugurale du championnat du monde 1955 ainsi que les douze heures de Sebring. Durant l’intersaison, l’usine Jaguar cède un des modèles de 1954, équipé des deux phares et du projecteur, à Briggs Cunningham qui a ouvert une importation Jaguar dans la région de New York. En continuant mes recherches sur le territoire américain, j’ai trouvé la trace de nombreuses types « D » qui ont fini leur carrière sportive outre-Atlantique, souvent parées de couleurs extravagantes et de bandes de couleur et de numéros de course enluminés. Sur certains clichés apparaît nettement la trace de deux ouies sous les phares principaux ; il s’agit sans aucun doute de perforations destinées à refroidir les disques de frein.

Il est fort probable que Solido ait choisi pour sa reproduction la version 1954. Son capot très court semble bien être celui reproduit. Néanmoins, la direction de Solido a pris une liberté, préférant offrir un avant équilibré plutôt qu’un avant asymétrique. De plus, on peut aussi imaginer qu’entre la conception et la commercialisation du modèle réduit, la voiture remporta l’édition de 1955, avec un capot plus classique. Il y a fort à parier qu’un prototype existe avec trois phares. Enfin, il est amusant de constater que si le modèle a bien deux projecteurs supplémentaires, il lui manque les feux arrières !

Pendant sa longue carrière, la carrosserie ne subira pas de modification. Ce ne sera pas le cas des accessoires : volant à deux branches puis à trois, pilote sans bras ni jambes puis avec, jantes en acier chromé puis en zamac moulé. Le châssis, d’abord de couleur argent, puis gris, passera au noir à partir du moment où les jantes seront moulées en zamac. Les premiers modèles seront équipés d’une cocarde anglaise, issue de la série des avions. Ces premiers modèles sont en général équipés de pneus blancs sculptés. Le moule sera utilisé en Espagne chez Dalia. Cette auto fera également partie des accords commerciaux entre Solido et Tekno. Chez Tekno, elle recevra, comme nous avons déjà vu sur la Porsche 550, les mêmes finitions de couleur et de châssis (fiches 62 et 63). La version de couleur argent emporte mon adhésion. Signalons enfin que le moule ne semble être allé ni au Brésil ni en Argentine

Dalia et Solido/Tekno Jaguar Type D

Dalia et Solido/Tekno Jaguar Type D

Et débuta la série 100

Dans un entretien qu’il avait accordé à un journaliste, Monsieur de Vazeilles qui dirigeait l’entreprise Solido expliquait qu’il avait eu de la chance de prendre comme premier modèle la Jaguar type D.

Superbe Nicky Toys Jaguar Type D
Superbe Nicky Toys Jaguar Type D

Les exploits manceaux de la voiture contribuèrent au bon démarrage de sa nouvelle gamme, la série 100. Le choix fut judicieux. Le modèle restera au catalogue jusqu’en 1971 et dépassera le million d’exemplaires produits. Seule la Bugatti Royale dans la série « Age d’or » fera aussi bien.

 Celle à pneus blanc est la toute première Solido
Celle à pneus blanc est la toute première Solido

Jean de Vazeilles dira qu’en reprenant l’usine que lui avait laissée son père fin 1953, il avait compris que l’avenir était aux modèles réduits à l’échelle du 1/43, échelle imposée par Meccano et ses trains Hornby. Solido avait à son catalogue les gammes Junior de taille supérieure au 1/43, et les gammes Baby ou Mosquito, elles, de taille inférieure. Arrivant sur ce marché après les autres fabricants, il réalisa qu’il lui fallait se démarquer. Il lui a semblé qu’il y avait un créneau libre au niveau de l’auto de course et de sport. Son esprit d’entreprise l’a conduit à essayer de faire mieux que la concurrence.

Grâce à un homme, M. Brière, et à son intelligence pratique, la gamme Solido va bénéficier d’innovations techniques. Cet homme qui est entré sans diplôme chez Solido à 14 ans va en faire une entreprise à la pointe de son secteur. Solido employait beaucoup de main- d’œuvre locale. M. Brière habitait près de l’usine à Ivry-la-Bataille. Il sera à l’origine de l’invention d’une suspension constituée de deux ressorts à boudin, pour miniatures automobiles. Le système sera breveté le 16 février 1957.

La première miniature à recevoir une suspension, assurant à cette dernière un roulage de qualité sera donc la Jaguar type D portant la référence 100. Les collectionneurs qui ont connu cette révolution alors qu’ils étaient encore enfants s’en souviennent encore ! Dans la cour d’école, il fallait avoir « la » Jaguar type D.

De plus cette innovation était de qualité et fiable. Je ne me souviens pas avoir vu une suspension de Jaguar Type D affaissée ! Plus tard, Monsieur Brière sera à l’origine des premières portes ouvrantes (Lancia Flaminia). Précédemment, il avait réalisé la première partie mobile sur une miniature, le cockpit de l’Abarth de record.

Lorsque vous contemplerez dans vos vitrines ces merveilleux modèles, vous vous direz que vous êtes en présence de modèles pourvus d’innovations techniques qui ont ensuite été reprises par les autres fabricants. Vous les regarderez certainement avec davantage de considération !

Jaguar Type D du monde entier

Système D bis

Avant d’aborder les variantes autour du modèle Solido, voici quelques exemples de réalisation contemporaine de la carrière de la Jaguar Type D

Crescent Toys Jaguar Type D

Jaguar : système D

La silhouette de la Jaguar type D est unique : on ne peut la confondre avec une autre auto de course. Un profane l’identifiera sans difficulté ce qu’il ne sera pas à même de faire avec une Ferrari de la même époque.

Jaguar Type D Crescent Toys
Jaguar Type D Crescent Toys

Durant son existence, la carrosserie de la Jaguar type D ne connaîtra que peu de modifications. Très vite, elle adoptera sa dérive verticale, conçue initialement pour Le Mans. Son capot avant subira quelques aménagements : en 1954, lors de son lancement il est équipé de trois projecteurs ; en 1955, il adopte une face avant plus équilibrée, avec deux projecteurs ; en 1956, enfin, il est allongé.

C’est dans le plus grand secret qu’en octobre 1953, à Coventry, des ingénieurs s’affairèrent sur une étrange type « C ». Ce modèle chassera quelques records en Belgique avant d’entreprendre des essais début 1954, notamment à Reims.

Petit à petit on voit apparaître la type D. Elle sera dévoilée au Mans le 8 mai. A première vue, les amateurs ont tendance à ne voir qu’une évolution de la type « C » : même moteur sensiblement amélioré (carter sec), mêmes freins à disques.

Un examen plus poussé révèle que l’auto possède une structure monocoque, la première pour une voiture de sport. C’est l’aérodynamicien Malcolm Sayer qui en est l’auteur.

De son côté, Dunlop a étudié de nouvelles roues en alliage allégé. Le pont arrière rigide se révèle être le talon d’Achille de l’auto : il la handicape sur les tracés sinueux ou routiers. L’auto sera tout juste prête pour les 24 Heures du Mans 1954. Elle échouera de peu pour la victoire et devra se contenter de la seconde place. Nos amis anglais, fairplay, refuseront de porter réclamation contre les vainqueurs de cette édition fort pluvieuse, J-F Gonzalez et Maurice Trintignant sur Ferrari 375. En vue de l’arrivée, cette dernière refusera de redémarrer après un arrêt au stand et il faudra l’intervention « non réglementaire » de mécaniciens pour la faire repartir. Quelques témoignages subsistent de cette intervention où tout fut fait pour éloigner le commissaire de piste ! Le coup passa donc très prés. L’auto, performante, fiable, était bien née. Ainsi, alors que la Ferrari des vainqueurs, dotée de ses 340 cv, est chronométrée dans la ligne droite à 257 km/h, la Jaguar et son « petit moteur » de 250 cv culmine à 278 km/h. En 1955, elle s’imposera dans une édition malheureuse, marquée à tout jamais par l’accident de Pierre Levegh. Elle rééditera cette performance en 1956 et 1957,  grâce aux autos de l’écurie Ecosse.

Dès 1956, les ingénieurs installèrent définitivement l’injection Lucas sur le moteur et un pont De Dion. L’auto subira également une cure d’amaigrissement supplémentaire.
C’est bien sur la piste du Mans qu’elle connaîtra ses heures de gloire. Au championnat du monde des marques, en dehors des 24 Heures du Mans, elle ne connaîtra la victoire qu’aux 12 Heures de Sebring en 1955 dont les Mercedes étaient absentes. On peut ajouter, hors championnat, les 12 Heures de Reims en 1954 et en 1956. Elle est taillée pour des circuits rapides qui conviennent parfaitement à sa conception.

Pour mes recherches, je me suis aidé du précieux livre de Monsieur Christian Moity « Endurance 50 ans d’histoire » vol. 1 : 1953-1963 – éd. ETAI

Il s’agit d’un ouvrage exceptionnel, vivant et richement documenté.